Critiques pour l'événement On ne sera jamais Alceste
Le professeur est un acteur, il ne faut pas le déranger…
Vous avez dit Jouvet ? Comme c’est Jouvet !
Bienvenue dans la classe de M. Louis, celui qui fut en 1934 le premier professeur du Conservatoire supérieur d’art dramatique à ne pas avoir été Sociétaire de la Comédie Française.
Une classe qui compte quelque 136 élèves ce jour, puisque ces élèves, ce sont nous autres, les spectateurs, assis dans les fauteuils rouges du Studio-Théâtre.
Deux d’entre nous sont quant à eux entrés par la petite porte côté jardin et sont déjà sur le plateau, prêts à passer devant l’illustre Maître la première scène du Misanthrope.
Et puis soudain, une voix retentit derrière nous : le prof en question nous souhaite le bonjour, et montre sa grande satisfaction de nous compter aussi nombreux parmi ses ouailles du jour.
La répétition peut donc commencer.
Lisa Guez a eu une merveilleuse idée, elle qui en plus d’être la dramaturge que l’on sait, est également enseignante universitaire, chercheuse, responsable d’une chaire d’esthétique et de pratique théâtrale à l’Universitaire Lille III.
Cette idée, c’est de mettre en parallèle deux arts : ceux du théâtre et de la pédagogie.
Quelles sont les imbrications de ces deux disciplines, comment articuler l’art d’enseigner et celui de jouer ?
Et pour ce faire, elle a entrepris avec des parti-pris épatants de porter sur le plateau une partie des cours que dispensait donc Louis Jouvet.
Elle a donc choisi de nous faire vivre la retranscription de ce cours mettant aux prises deux apprentis-comédiens et l’immense Alceste.
Pourquoi ce choix ? Au moins deux raisons.
Alceste est sans aucun doute l’un des personnages les plus purs, les plus aboutis, les plus intéressants, les plus difficiles à cerner chez Molière.
De plus, Jouvet n’a jamais joué ce personnage. Lisa Guez pense d’ailleurs assez justement qu’il « partageait une sorte de mélancolie avec Alceste. »
« On ne sera jamais Alceste ! », martèlera-t-il à ses deux élèves ! Le titre du spectacle était tout trouvé.
Ce faisant, nous allons assister à un cours jubilatoire, mettant en perspective la manière de jouer, d’exister sur une scène, nous détaillant les relations entre deux comédiens, dans une une perspective datant de presque un siècle.
Pour Jouvet, seul le texte compte. Il ne faut surtout pas « raisonner », affirmera-il également !
En gros, le comédien doit manifester le plus grand respect pour ce texte, qui seul doit permettre de trouver l’inspiration et les marques. Le comédien ne doit pas réfléchir.
A l’époque, le rôle du metteur en scène, quand il existe, s’il existe, est complètement différent et bien moindre qu’aujourd’hui.
Nous allons beaucoup rire, avec cette démonstration qui sera tout à fait convaincante, nous faisant parfaitement comprendre le point de vue esthétique des années 30.
Tout d’abord parce qu’il sera purement et simplement jouissif de voir trois des sociétaires les plus « capés » jouer les apprentis-comédiens tâtonnant, essayant, se trompant, essayant d’exister face au texte.
Les trois nous rappellent avec beaucoup d’humour tous les codes des jeunes apprentis, leurs aspirations, leurs ambitions, leur façon d’aborder avec innocence et candeur leur conception de la mise en scène.
Ensuite parce que la leçon de Jouvet comporte ici des dialogues ajoutés, des dialogues savoureux, ceux qu’auraient pu dire les deux élèves, commentant les remarques du prof.
Sans oublier les irrésistibles réactions des élèves en question face à ce monstre sacré, des réactions oscillant entre admiration, fascination et terreur, aussi, il faut appeler un chat un chat.
Michel Vuillermoz, Gilles David et Didier Sandre seront ces trois personnages.
L’un des parti-pris épatants évoqués plus haut consistera à faire tourner les rôles. Chacun son tour incarnera Jouvet ou l’un des étudiants.
Le procédé fonctionne à merveille ! Nous ne sommes jamais perdus, nous savons en permanence qui est qui, avec une fluidité remarquable dans les changements de rôle.
Quel bonheur de les voir jouer à essayer de jouer, ces trois immenses comédiens !
Bonheur de les voir nous rappeler les années d’apprentissages, les difficultés rencontrées, les essais, les erreurs.
Bonheur de constater comment ils parviennent apparemment sans efforts à incarner les deux « philosophies » de jeu, comment ils nous montrent de quelle façon la jeunesse est en quelque sorte bridée par le professeur.
Voici venir la dernière partie de cette heure formidable : à eux trois, Messieurs Vuillermoz, David et Sandre vont nous la passer intégralement, cette fameuse première scène, se partageant là encore subtilement les deux rôles.
Ils vont nous la dire à leur façon, très contemporaine, celle-ci. Eux, ils ont raisonné. Eux, ils ont suivi les indications de Lisa Guez.
Impossible alors de ne pas se poser la question suivante :
Dans un siècle, cette manière de jouer qui nous semble la plus évidente et la seule envisageable, cette manière sera-t-elle complètement datée et obsolète ?
Comme nous paraît datée celle préconisée naguère par Jouvet ?
Je vous laisse à votre réflexion.
Ne manquez surtout pas ce petit bijou, ce cours magistral qui devient une merveilleuse leçon de théâtre !
Vous avez dit Jouvet ? Comme c’est Jouvet !
Bienvenue dans la classe de M. Louis, celui qui fut en 1934 le premier professeur du Conservatoire supérieur d’art dramatique à ne pas avoir été Sociétaire de la Comédie Française.
Une classe qui compte quelque 136 élèves ce jour, puisque ces élèves, ce sont nous autres, les spectateurs, assis dans les fauteuils rouges du Studio-Théâtre.
Deux d’entre nous sont quant à eux entrés par la petite porte côté jardin et sont déjà sur le plateau, prêts à passer devant l’illustre Maître la première scène du Misanthrope.
Et puis soudain, une voix retentit derrière nous : le prof en question nous souhaite le bonjour, et montre sa grande satisfaction de nous compter aussi nombreux parmi ses ouailles du jour.
La répétition peut donc commencer.
Lisa Guez a eu une merveilleuse idée, elle qui en plus d’être la dramaturge que l’on sait, est également enseignante universitaire, chercheuse, responsable d’une chaire d’esthétique et de pratique théâtrale à l’Universitaire Lille III.
Cette idée, c’est de mettre en parallèle deux arts : ceux du théâtre et de la pédagogie.
Quelles sont les imbrications de ces deux disciplines, comment articuler l’art d’enseigner et celui de jouer ?
Et pour ce faire, elle a entrepris avec des parti-pris épatants de porter sur le plateau une partie des cours que dispensait donc Louis Jouvet.
Elle a donc choisi de nous faire vivre la retranscription de ce cours mettant aux prises deux apprentis-comédiens et l’immense Alceste.
Pourquoi ce choix ? Au moins deux raisons.
Alceste est sans aucun doute l’un des personnages les plus purs, les plus aboutis, les plus intéressants, les plus difficiles à cerner chez Molière.
De plus, Jouvet n’a jamais joué ce personnage. Lisa Guez pense d’ailleurs assez justement qu’il « partageait une sorte de mélancolie avec Alceste. »
« On ne sera jamais Alceste ! », martèlera-t-il à ses deux élèves ! Le titre du spectacle était tout trouvé.
Ce faisant, nous allons assister à un cours jubilatoire, mettant en perspective la manière de jouer, d’exister sur une scène, nous détaillant les relations entre deux comédiens, dans une une perspective datant de presque un siècle.
Pour Jouvet, seul le texte compte. Il ne faut surtout pas « raisonner », affirmera-il également !
En gros, le comédien doit manifester le plus grand respect pour ce texte, qui seul doit permettre de trouver l’inspiration et les marques. Le comédien ne doit pas réfléchir.
A l’époque, le rôle du metteur en scène, quand il existe, s’il existe, est complètement différent et bien moindre qu’aujourd’hui.
Nous allons beaucoup rire, avec cette démonstration qui sera tout à fait convaincante, nous faisant parfaitement comprendre le point de vue esthétique des années 30.
Tout d’abord parce qu’il sera purement et simplement jouissif de voir trois des sociétaires les plus « capés » jouer les apprentis-comédiens tâtonnant, essayant, se trompant, essayant d’exister face au texte.
Les trois nous rappellent avec beaucoup d’humour tous les codes des jeunes apprentis, leurs aspirations, leurs ambitions, leur façon d’aborder avec innocence et candeur leur conception de la mise en scène.
Ensuite parce que la leçon de Jouvet comporte ici des dialogues ajoutés, des dialogues savoureux, ceux qu’auraient pu dire les deux élèves, commentant les remarques du prof.
Sans oublier les irrésistibles réactions des élèves en question face à ce monstre sacré, des réactions oscillant entre admiration, fascination et terreur, aussi, il faut appeler un chat un chat.
Michel Vuillermoz, Gilles David et Didier Sandre seront ces trois personnages.
L’un des parti-pris épatants évoqués plus haut consistera à faire tourner les rôles. Chacun son tour incarnera Jouvet ou l’un des étudiants.
Le procédé fonctionne à merveille ! Nous ne sommes jamais perdus, nous savons en permanence qui est qui, avec une fluidité remarquable dans les changements de rôle.
Quel bonheur de les voir jouer à essayer de jouer, ces trois immenses comédiens !
Bonheur de les voir nous rappeler les années d’apprentissages, les difficultés rencontrées, les essais, les erreurs.
Bonheur de constater comment ils parviennent apparemment sans efforts à incarner les deux « philosophies » de jeu, comment ils nous montrent de quelle façon la jeunesse est en quelque sorte bridée par le professeur.
Voici venir la dernière partie de cette heure formidable : à eux trois, Messieurs Vuillermoz, David et Sandre vont nous la passer intégralement, cette fameuse première scène, se partageant là encore subtilement les deux rôles.
Ils vont nous la dire à leur façon, très contemporaine, celle-ci. Eux, ils ont raisonné. Eux, ils ont suivi les indications de Lisa Guez.
Impossible alors de ne pas se poser la question suivante :
Dans un siècle, cette manière de jouer qui nous semble la plus évidente et la seule envisageable, cette manière sera-t-elle complètement datée et obsolète ?
Comme nous paraît datée celle préconisée naguère par Jouvet ?
Je vous laisse à votre réflexion.
Ne manquez surtout pas ce petit bijou, ce cours magistral qui devient une merveilleuse leçon de théâtre !
... Le public est conquis et ravi de ce moment de théâtre dans le théâtre. Un spectacle impressionnant et incontournable qui relève de ces moments rares et merveilleux pour les passionnés du Théâtre, qui auront ici un succulent buffet de délices. S’il reste encore quelques places, courez-y ! ...
Faisons un rêve !
Imaginons que nous assistions à une Master Class où Louis Jouvet, Michel Vuillermoz, Didier Sandre et Gilles David seraient nos professeurs.
Où pendant plus d'une heure, nous aurions droit à une leçon magistrale sur le jeu du comédien.
Sa préparation, sa diction, son inspiration, sa répétition, son invention ...
Où ces trois cadors de la Comédie Française, appliquant les leçons de leur aîné, nous montreraient les nombreux écueils à éviter quand on joue un personnage classique.
Il n'en est pas de plus exigeant qu'Alceste dans cette première scène du Misanthrope.
Tout comédien qui s'y est frotté un jour s'y est fort piqué.
Et pour cause ....C'est un pic, que dis je c'est un cap, c'est une péninsule !
Et voilà nos trois pensionnaires qui incarnent à tour de rôle Louis Jouvet, le professeur, et Michel et Léon, les élèves qui tentent d'interpréter Alceste donc, et Philinte.
Chacun avec sa personnalité met en lumière une facette du travail de l'acteur.
Ils trébuchent, cherchent les nuances, s'améliorent puis tombent dans d'autres travers, bref se torturent !
C'est drôle, intelligent, rythmé, plein de fantaisie, bourré d'esprit et vous vous en doutez, de talent.
En faisant renaître cette leçon du grand maître, Lisa Guez, avec ses trois compères, a exaucé notre rêve.
Imaginons que nous assistions à une Master Class où Louis Jouvet, Michel Vuillermoz, Didier Sandre et Gilles David seraient nos professeurs.
Où pendant plus d'une heure, nous aurions droit à une leçon magistrale sur le jeu du comédien.
Sa préparation, sa diction, son inspiration, sa répétition, son invention ...
Où ces trois cadors de la Comédie Française, appliquant les leçons de leur aîné, nous montreraient les nombreux écueils à éviter quand on joue un personnage classique.
Il n'en est pas de plus exigeant qu'Alceste dans cette première scène du Misanthrope.
Tout comédien qui s'y est frotté un jour s'y est fort piqué.
Et pour cause ....C'est un pic, que dis je c'est un cap, c'est une péninsule !
Et voilà nos trois pensionnaires qui incarnent à tour de rôle Louis Jouvet, le professeur, et Michel et Léon, les élèves qui tentent d'interpréter Alceste donc, et Philinte.
Chacun avec sa personnalité met en lumière une facette du travail de l'acteur.
Ils trébuchent, cherchent les nuances, s'améliorent puis tombent dans d'autres travers, bref se torturent !
C'est drôle, intelligent, rythmé, plein de fantaisie, bourré d'esprit et vous vous en doutez, de talent.
En faisant renaître cette leçon du grand maître, Lisa Guez, avec ses trois compères, a exaucé notre rêve.
Dans le même genre