Critiques pour l'événement Nos éducations sentimentales
Sur scène, on retrouve le Frédéric de Flaubert dans une transposition moderne. Il est toujours nébuleux, vivant à un rythme tantôt ralenti tantôt accéléré, mais il ce n’est plus uniquement autour de sa vie que va s’articuler l’histoire. Dans cette adaptation, qui tire également son inspiration du Jules et Jim de Truffaut, Frédéric a toute une bande d’ami dont on va suivre l’évolution avec lui. Tous sont des enfants de leur siècle à leur manière, cherchant à y laisser une trace, mais se contentant souvent d’en faire seulement partie.
Avec un titre pareil, impossible de ne pas comprendre la référence à Flaubert. J’ai lu L’éducation sentimentale sous la contrainte, passage obligé lors du bac de français il y a 6 ans maintenant. J’étais quand même contente de retrouver certains des passages travaillés, comme la première fois que Frédéric rencontre Mme Arnoux. La transposition actuelle a des bons comme des mauvais côtés : à la manière du roman, je trouve que l’insertion dans le siècle est primordiale et se fait sentir. La thématique de l’appartenance à un temps donné est très présente, tant dans le texte que dans l’atmosphère créée par Sophie Lecarpentier.
Cependant, on retrouve les incontournables du 21e siècle, j’ai nommé les bisexuels vegans. Ça me titille toujours un peu de voir à quel point notre siècle ne semble pas représentable sans allusion à ces tendances-là. D’autant que le personnage qui incarne ces deux « lubies » à la fois a été dirigé de manière un peu excentrique, si bien que cela accentue encore mon énervement face à cette transposition. Cependant, j’ai adoré retrouver Solveig Maupu, son regard malin et plein de vie, et qui rend malgré tout son personnage attachant.
La mise en scène de Sophie Lecarpentier ne déçoit pas : rythme enlevé, dynamisme, tableaux évocateurs, je retrouve son entrain avec plaisir. La seule chose qui manque, c’est peut-être un propos un peu moins éparpillé, une partition plus riche, un regard plus guidé sur l’histoire qu’elle nous raconte. Et, évidemment, un comédien plus Flaubertien… J’avais beaucoup aimé Julien Saada dans Du bouc à l’espace vide cet été, mais le spectacle appelait ce constant empressement qui résonne dans sa diction. Pour incarner Frédéric, c’est plus gênant : il semble cracher les mots là où on attendrait un rêveur, calme, se laissant porter. Personnage omniprésent, je dois reconnaître que cette erreur de casting m’a un peu gâché le plaisir.
Le reste de la distribution, en revanche, est tout à fait cohérent. Incarnant le meilleur ami de Frédéric, Xavier Clion est le pendant apaisé, calme et réfléchi du personnage principal. Son regard doux et sa voix posée sont bienvenus dans un monde où tout semble évoluer en accéléré. Valérie Blanchon a su trouver ce truc qui provoque l’admiration chez Mme Arnoux et son personnage a quelque chose d’aérien qui jure avec les autres personnages beaucoup plus prosaïques. Enfin, Stéphane Brel est un Jacques Arnoux complètement contemporain, startuper pressé, dont le comportement initialement bouillonnant semble évoluer au fil de la pièce. Un personnage qu’il aurait pu être intéressant de creuser davantage.
Avec un titre pareil, impossible de ne pas comprendre la référence à Flaubert. J’ai lu L’éducation sentimentale sous la contrainte, passage obligé lors du bac de français il y a 6 ans maintenant. J’étais quand même contente de retrouver certains des passages travaillés, comme la première fois que Frédéric rencontre Mme Arnoux. La transposition actuelle a des bons comme des mauvais côtés : à la manière du roman, je trouve que l’insertion dans le siècle est primordiale et se fait sentir. La thématique de l’appartenance à un temps donné est très présente, tant dans le texte que dans l’atmosphère créée par Sophie Lecarpentier.
Cependant, on retrouve les incontournables du 21e siècle, j’ai nommé les bisexuels vegans. Ça me titille toujours un peu de voir à quel point notre siècle ne semble pas représentable sans allusion à ces tendances-là. D’autant que le personnage qui incarne ces deux « lubies » à la fois a été dirigé de manière un peu excentrique, si bien que cela accentue encore mon énervement face à cette transposition. Cependant, j’ai adoré retrouver Solveig Maupu, son regard malin et plein de vie, et qui rend malgré tout son personnage attachant.
La mise en scène de Sophie Lecarpentier ne déçoit pas : rythme enlevé, dynamisme, tableaux évocateurs, je retrouve son entrain avec plaisir. La seule chose qui manque, c’est peut-être un propos un peu moins éparpillé, une partition plus riche, un regard plus guidé sur l’histoire qu’elle nous raconte. Et, évidemment, un comédien plus Flaubertien… J’avais beaucoup aimé Julien Saada dans Du bouc à l’espace vide cet été, mais le spectacle appelait ce constant empressement qui résonne dans sa diction. Pour incarner Frédéric, c’est plus gênant : il semble cracher les mots là où on attendrait un rêveur, calme, se laissant porter. Personnage omniprésent, je dois reconnaître que cette erreur de casting m’a un peu gâché le plaisir.
Le reste de la distribution, en revanche, est tout à fait cohérent. Incarnant le meilleur ami de Frédéric, Xavier Clion est le pendant apaisé, calme et réfléchi du personnage principal. Son regard doux et sa voix posée sont bienvenus dans un monde où tout semble évoluer en accéléré. Valérie Blanchon a su trouver ce truc qui provoque l’admiration chez Mme Arnoux et son personnage a quelque chose d’aérien qui jure avec les autres personnages beaucoup plus prosaïques. Enfin, Stéphane Brel est un Jacques Arnoux complètement contemporain, startuper pressé, dont le comportement initialement bouillonnant semble évoluer au fil de la pièce. Un personnage qu’il aurait pu être intéressant de creuser davantage.
L'influence du cinéma se fait dès les premières minutes grâce à une voix off de Frédéric Cherboeuf, qui nous accompagnera tout au long du spectacle.
L'histoire de Frédéric Moreau, héros de Flaubert se mêle à celle d'Antoine Doinel, personnage de "Jules et Jim" de François Truffaut. Les personnages flaubertiens, plongés dans une fresque contemporaine nous racontent leurs désillusions dans la vie. Ils auraient tellement voulu changer le monde, avoir un impact sur la société, connaître l'amour... Au final, lorsque des bilans se font vers 40 et 50 ans, les traces qu'ils pensaient laisser n'ont même pas pu se créer. Mais ils ne sont pas vraiment seul car l'amitié a un véritable sens.
L'amertume, la mélancolie, les regrets mêlés à l'insouciance, les petits bonheurs et les rires nous sont contés par six comédiens pleins d'énergie : Stéphane Brel, Anne Cressent ou Valérie Blanchon, Xavier Clion, Vanessa Koutseff, Solveig Maupu, Julien Saada. La complicité entre les comédiens et l'esprit de troupe se ressentent dans le jeux. Chacun défend avec tendresse, fougue et sensibilité ses personnages. La metteuse en scène Sophie Lecharpentier va directement à l'essentiel avec juste quelques accessoires, des jeux de lumières, des ambiances sonores et quelques projections. Cela suffit à nous emmener d'un lieu à un autre et d'une époque à une autre, à croquer des moments de vie. La modernité se peint en toile de fond avec des références à l'actualité politique comme le discours de Lionel Jospin qui quitte la politique ou la crise des migrants.
L'histoire de Frédéric Moreau, héros de Flaubert se mêle à celle d'Antoine Doinel, personnage de "Jules et Jim" de François Truffaut. Les personnages flaubertiens, plongés dans une fresque contemporaine nous racontent leurs désillusions dans la vie. Ils auraient tellement voulu changer le monde, avoir un impact sur la société, connaître l'amour... Au final, lorsque des bilans se font vers 40 et 50 ans, les traces qu'ils pensaient laisser n'ont même pas pu se créer. Mais ils ne sont pas vraiment seul car l'amitié a un véritable sens.
L'amertume, la mélancolie, les regrets mêlés à l'insouciance, les petits bonheurs et les rires nous sont contés par six comédiens pleins d'énergie : Stéphane Brel, Anne Cressent ou Valérie Blanchon, Xavier Clion, Vanessa Koutseff, Solveig Maupu, Julien Saada. La complicité entre les comédiens et l'esprit de troupe se ressentent dans le jeux. Chacun défend avec tendresse, fougue et sensibilité ses personnages. La metteuse en scène Sophie Lecharpentier va directement à l'essentiel avec juste quelques accessoires, des jeux de lumières, des ambiances sonores et quelques projections. Cela suffit à nous emmener d'un lieu à un autre et d'une époque à une autre, à croquer des moments de vie. La modernité se peint en toile de fond avec des références à l'actualité politique comme le discours de Lionel Jospin qui quitte la politique ou la crise des migrants.
Qui donc a décidé que Flaubert n'était pas un auteur des plus modernes ?
Qui donc a osé décréter que son pavé « L'éducation sentimentale » était un texte daté ?
Certainement pas Sophie Lecharpentier et les membres de la compagnie Eulalie, basée en Seine-Maritime.
La metteure en scène et ses comédiens ont entrepris une ambitieuse démarche d'adaptation contemporaine de ce roman, en mélangeant le texte original avec des fragments du « Jules et Jim » de François Truffaut et des ajouts personnels.
Si ça fonctionne ? Mieux que ça !
Nous allons retrouver les personnages flaubertiens dans une fresque contemporaine qui va nous raconter la désillusion. Les désillusions.
Les multiples désillusions de quadra-quinquagénaires qui ont voulu toute leur vie changer le monde sans avoir véritablement fait quelque chose pour ce monde-là.
Symbole assez éclairant de cette contemporanéité plus ou moins ratée, nous écouterons la fameuse tirade d'un certain Lionel Jospin, le soir d'un certain 21 avril 2002, lorsqu'il décida d'abandonner la politique pour se consacrer à son jardin de l'île de Ré.
Ici, nous serons confrontés à la question essentielle flaubertienne : « qu'avons-nous eu de meilleur dans la vie ? »
Cette « histoire d'un jeune homme » (le sous-titre du livre) sera sur le plateau l'histoire d'une bande de copains plus ou moins bobos.
Comment rater sa vie en quelques leçons .
« Comment rater sa vie » pour les Nuls. Tel pourrait être les sous-titres du spectacle...
L'amertume, la mélancolie régneront malgré les ambitions, les insouciances et les rires.
La mise en scène de Sophie Lecharpentier va à l'essentiel.
De multiples lieux sont recréés à partir de quelques accessoires, quelques éléments de scénographie, quelques projecteurs : club de tennis, douches, chambres, appartements, piscine, église, plage et j'en passe...
La direction d'acteurs est alerte, vive, précise. Pas de temps morts, les quelques éléments de décors sont changés à vue.
Nous sommes en présence de comédiens qui se connaissent bien. Un esprit de troupe palpable règne en permanence.
Ils vont nous faire rire, souvent, grâce à des bons mots et autres formules définitives. Ils vont nous émouvoir également. La scène de l'enterrement est très belle et très forte.
Tous sont irréprochables et très justes, emmenés par Julien Saada omniprésent en Frédéric Moreau, le héros.
D'une grande intensité, sans longueurs, la trame narrative a remplacé le roman, aidée en cela par des passages en voix off chargée d'assurer les transitions entre les différents tableaux.
Au final, nous ressortons du Théâtre 13 en ayant le sentiment d'avoir passé un très bon moment, en ayant retrouvé des héros injustement un peu oubliés.
Et donc, comme me le faisait remarquer mes voisins, en ayant très envie de relire le chef d'oeuvre du grand Gustave.
Qui donc a osé décréter que son pavé « L'éducation sentimentale » était un texte daté ?
Certainement pas Sophie Lecharpentier et les membres de la compagnie Eulalie, basée en Seine-Maritime.
La metteure en scène et ses comédiens ont entrepris une ambitieuse démarche d'adaptation contemporaine de ce roman, en mélangeant le texte original avec des fragments du « Jules et Jim » de François Truffaut et des ajouts personnels.
Si ça fonctionne ? Mieux que ça !
Nous allons retrouver les personnages flaubertiens dans une fresque contemporaine qui va nous raconter la désillusion. Les désillusions.
Les multiples désillusions de quadra-quinquagénaires qui ont voulu toute leur vie changer le monde sans avoir véritablement fait quelque chose pour ce monde-là.
Symbole assez éclairant de cette contemporanéité plus ou moins ratée, nous écouterons la fameuse tirade d'un certain Lionel Jospin, le soir d'un certain 21 avril 2002, lorsqu'il décida d'abandonner la politique pour se consacrer à son jardin de l'île de Ré.
Ici, nous serons confrontés à la question essentielle flaubertienne : « qu'avons-nous eu de meilleur dans la vie ? »
Cette « histoire d'un jeune homme » (le sous-titre du livre) sera sur le plateau l'histoire d'une bande de copains plus ou moins bobos.
Comment rater sa vie en quelques leçons .
« Comment rater sa vie » pour les Nuls. Tel pourrait être les sous-titres du spectacle...
L'amertume, la mélancolie régneront malgré les ambitions, les insouciances et les rires.
La mise en scène de Sophie Lecharpentier va à l'essentiel.
De multiples lieux sont recréés à partir de quelques accessoires, quelques éléments de scénographie, quelques projecteurs : club de tennis, douches, chambres, appartements, piscine, église, plage et j'en passe...
La direction d'acteurs est alerte, vive, précise. Pas de temps morts, les quelques éléments de décors sont changés à vue.
Nous sommes en présence de comédiens qui se connaissent bien. Un esprit de troupe palpable règne en permanence.
Ils vont nous faire rire, souvent, grâce à des bons mots et autres formules définitives. Ils vont nous émouvoir également. La scène de l'enterrement est très belle et très forte.
Tous sont irréprochables et très justes, emmenés par Julien Saada omniprésent en Frédéric Moreau, le héros.
D'une grande intensité, sans longueurs, la trame narrative a remplacé le roman, aidée en cela par des passages en voix off chargée d'assurer les transitions entre les différents tableaux.
Au final, nous ressortons du Théâtre 13 en ayant le sentiment d'avoir passé un très bon moment, en ayant retrouvé des héros injustement un peu oubliés.
Et donc, comme me le faisait remarquer mes voisins, en ayant très envie de relire le chef d'oeuvre du grand Gustave.
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