Ses critiques
1005 critiques
9/10
Homme, sweet homme…
En 1971, Michel Polnareff nous l’assurait : « Je suis un homme, je suis un homme, quoi de plus naturel, en somme... »
Mais au fait, c’est si naturel que ça, d’être un homme ?
Voilà une bonne question !
C’est en tout cas celle que s’est posée Catherine Hauseux, dans le cadre d’un diptyque passionnant autour de la transmission et d’une réflexion sur le vécu, les spécificités, les interrogations des femmes et des hommes.
Ce soir, j’assistais au second volet, consacré donc au sexe que l’on a longtemps dit et cru fort !
Qu’est-ce que c’est un homme ?
Qui sont ces mâles contemporains ? Que ressentent-ils ?
Comment se définissent-ils ?
Comment vivent-ils leur masculinité ?
Voilà quelques-une des interrogations qui vont être évoquées devant nous.
Avec d’arriver sur la scène, ce spectacle a dû être écrit.
Catherine Hauseux a donc été interroger des hommes, dans les villes où elle était en résidence artistique.
Elle a recueilli des témoignages.
Des hommes se racontent, tentent de se définir, évoquent leurs rapports avec les femmes.
La démarche est quasi sociologique.
Mais voilà... De la socio au théâtre, il y a un fossé.
Il était en effet hors de question pour l’auteure de « simplement » lire ces témoignages, il fallait les mettre en voix, certes, mais aussi en corps, en gestes.
Nous sommes bien au théâtre, pas dans un amphi de fac.
Elle entre sur scène, Catherine Hauseux, et à partir d’une situation vécue, qui va tout déclencher. Une situation-problème, pour employer un terme à la mode chez les pédagogues.
Elle sera bientôt rejointe par Stéphane Daurat qui va interpréter, jouer, incarner ces témoignages.
Il sera tour à tour un homme en couple bien installé, un retraité, un type en instance de divorce, un jeune de trente ans, un prof habillé de noir, etc…
Des personnages qui existent, et qui vont à nouveau prendre vie sur le plateau grâce au talent du comédien.
La vérité ! Troublante, palpable, bouleversante, sans fard ni artifice.
Stéphane Daurat l’incarne, cette vérité-là. Et de quelle façon !
Son jeu, d’une justesse phénoménale et absolue, fait en sorte que nous les avons vraiment devant nous, ces hommes-là, plongés dans leurs contradictions, leurs faiblesses, leurs forces, leurs contradictions et leurs divers questionnements.
Tour à tour touchant, drôle, bouleversant ou d'assez mauvaise foi, il EST ces personnages.
L’égalité H/F, la « mâlitude », la masculinité, la paternité, le partage des tâches, le rôle dans l’éducation des enfants, la transmission du nom patrimonial, l’homophobie, voici quelques-uns des sujets qui sont abordés via la restitution de ces témoignages.
Melle Hauseux, elle, joue le rôle de la narratrice-candide, qui intervient parfois pour questionner et pour pousser dans leurs retranchements les différents personnages.
On le comprendra aisément, ce type de spectacle est très risqué.
Le grand danger étant de tomber dans la caricature la plus nauséabonde.
Ici, il n’en est absolument rien.
Ce qui se joue devant nous, c’est la réalité, c’est la vie, c’est notre humanité. Purement et simplement.
Les deux comédiens font en sorte que nous la prenions en pleine face, cette réalité-là !
Et bien entendu, chaque homme présent à l’Essaion ne peut s’empêcher de se situer, par rapport à ce qui nous est raconté et montré : où en sommes-nous, nous-mêmes, face à ces questions essentielles ?
Oui, ce magnifique moment de théâtre nous force à prendre acte de notre propre conception du genre.
C’est là l’une de ses grandes forces.
La dramaturgie et la scénographie sont pleinement au service de cette Vérité, avec l’utilisation de judicieux accessoires, un bande-son discrète, tout comme les subtiles projections vidéo.
Vous l’aurez compris, je vous engage vivement à assister à ce spectacle passionnant.
C’est bien simple : c'est une réussite totale.
Demain, ce sera au tour des femmes ! A suivre...
En 1971, Michel Polnareff nous l’assurait : « Je suis un homme, je suis un homme, quoi de plus naturel, en somme... »
Mais au fait, c’est si naturel que ça, d’être un homme ?
Voilà une bonne question !
C’est en tout cas celle que s’est posée Catherine Hauseux, dans le cadre d’un diptyque passionnant autour de la transmission et d’une réflexion sur le vécu, les spécificités, les interrogations des femmes et des hommes.
Ce soir, j’assistais au second volet, consacré donc au sexe que l’on a longtemps dit et cru fort !
Qu’est-ce que c’est un homme ?
Qui sont ces mâles contemporains ? Que ressentent-ils ?
Comment se définissent-ils ?
Comment vivent-ils leur masculinité ?
Voilà quelques-une des interrogations qui vont être évoquées devant nous.
Avec d’arriver sur la scène, ce spectacle a dû être écrit.
Catherine Hauseux a donc été interroger des hommes, dans les villes où elle était en résidence artistique.
Elle a recueilli des témoignages.
Des hommes se racontent, tentent de se définir, évoquent leurs rapports avec les femmes.
La démarche est quasi sociologique.
Mais voilà... De la socio au théâtre, il y a un fossé.
Il était en effet hors de question pour l’auteure de « simplement » lire ces témoignages, il fallait les mettre en voix, certes, mais aussi en corps, en gestes.
Nous sommes bien au théâtre, pas dans un amphi de fac.
Elle entre sur scène, Catherine Hauseux, et à partir d’une situation vécue, qui va tout déclencher. Une situation-problème, pour employer un terme à la mode chez les pédagogues.
Elle sera bientôt rejointe par Stéphane Daurat qui va interpréter, jouer, incarner ces témoignages.
Il sera tour à tour un homme en couple bien installé, un retraité, un type en instance de divorce, un jeune de trente ans, un prof habillé de noir, etc…
Des personnages qui existent, et qui vont à nouveau prendre vie sur le plateau grâce au talent du comédien.
La vérité ! Troublante, palpable, bouleversante, sans fard ni artifice.
Stéphane Daurat l’incarne, cette vérité-là. Et de quelle façon !
Son jeu, d’une justesse phénoménale et absolue, fait en sorte que nous les avons vraiment devant nous, ces hommes-là, plongés dans leurs contradictions, leurs faiblesses, leurs forces, leurs contradictions et leurs divers questionnements.
Tour à tour touchant, drôle, bouleversant ou d'assez mauvaise foi, il EST ces personnages.
L’égalité H/F, la « mâlitude », la masculinité, la paternité, le partage des tâches, le rôle dans l’éducation des enfants, la transmission du nom patrimonial, l’homophobie, voici quelques-uns des sujets qui sont abordés via la restitution de ces témoignages.
Melle Hauseux, elle, joue le rôle de la narratrice-candide, qui intervient parfois pour questionner et pour pousser dans leurs retranchements les différents personnages.
On le comprendra aisément, ce type de spectacle est très risqué.
Le grand danger étant de tomber dans la caricature la plus nauséabonde.
Ici, il n’en est absolument rien.
Ce qui se joue devant nous, c’est la réalité, c’est la vie, c’est notre humanité. Purement et simplement.
Les deux comédiens font en sorte que nous la prenions en pleine face, cette réalité-là !
Et bien entendu, chaque homme présent à l’Essaion ne peut s’empêcher de se situer, par rapport à ce qui nous est raconté et montré : où en sommes-nous, nous-mêmes, face à ces questions essentielles ?
Oui, ce magnifique moment de théâtre nous force à prendre acte de notre propre conception du genre.
C’est là l’une de ses grandes forces.
La dramaturgie et la scénographie sont pleinement au service de cette Vérité, avec l’utilisation de judicieux accessoires, un bande-son discrète, tout comme les subtiles projections vidéo.
Vous l’aurez compris, je vous engage vivement à assister à ce spectacle passionnant.
C’est bien simple : c'est une réussite totale.
Demain, ce sera au tour des femmes ! A suivre...
8,5/10
Enfin une pièce qui mélange les serviettes et les… soviets !
Ray Cooney a écrit cette pièce en 1994, sous le titre original « Funny money » !
L’argent drôle.
Et pour être drôle, cette pièce du dramaturge britannique l’est !
D’autant que son adaptation signée par les ci-devant Michel Blanc et Gérard Jugnot est aux petits oignons.
Il est des anniversaires dont on se souvient longtemps.
Le personnage principal du spectacle,Yvon, pourra en témoigner, lui qui, par un concours de circonstances, a vu sa serviette de bureau échangée dans le RER contre le même modèle rempli de billets, et ce pour un montant dépassant les sept millions d’euros.
A partir de cette situation de départ (sa narration très percutante est très réussie, prenant à peine les trois premières minutes de cette heure et demie), Cooney a construit une véritable cascades de péripéties burlesques, de rebondissements en tous genres et de quiproquos jubilatoires.
Nous allons faire la connaissance de personnages très hauts en couleurs : Yvon, ce comptable veule et très imaginatif, sa femme qui découvre les propriétés du whisky et de la vodka, un chauffeur de taxi au prénom quasi prédestiné (je n’en dis pas plus…), un inspecteur ripoux, un autre bien flegmatique, un mafieux russe, sans oublier un couple d’amis conviés à fêter l’anniversaire du maître de maison.
Comme bien des pièces de ray Cooney, ce qui va compter ici, c’est le tourbillon de situations loufoques et burlesques.
L’important, c’est de permettre au public de se distraire et de rire.
Et pour rire, nous rions énormément !
L’adaptation est donc très réussie. Blanc et Jugnot ont concocté un texte percutant, avec des dialogues et des répliques qui font mouche.
J’en veux pour preuve la réponse à « Vous êtes Mme Lemoual » , qui plonge la salle dans un grand fou-rire, (vous n'en saurez pas plus...) ou encore un « Faites-vous plaisir ! » épatant.
Les deux ex-membres de la troupe du Splendid ont su mettre au goût du jour ce texte, et lui conférer par moments un petit air de Feydeau contemporain, notamment dans l’exposition des relations entre Yvon et sa femme.
Arthur Jugnot a su quant à lui, insuffler dans la mise en scène dans cette pochade une folie maîtrisée, un côté burlesque.
Ici, ce qui est important, c’est le rythme, la fluidité sans qui tout tomberait à plat, comme un soufflé mal cuit.
Jugnot fils a réussi à créer un vrai maelström ininterrompu de situations hilarantes, de gags textuels ou visuels.
Impossible de s’ennuyer, ou de se détourner de ce qui se passe sur le plateau.
Les portes claquent, les corps bougent, trépignent, tombent, s’attirent, se repoussent, le tout pour servir le texte.
Ici, le curseur est toujours à la bonne position.
Huit comédiens à la vis comica évidente se dépensent sans compter.
Oui, ces huit-là font fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
Ruptures, double-takes, doubles-sens des mots, regards ahuris (Laurent Ournac et Arnaud Gidouin sont magnifiques), les moyens dramaturgiques utilisés mettent dans le mille à chaque fois.
Le flegme et le laconisme de Thierry Heckendorn, l’engagement et la drôlerie des filles, Melles Gaëlle Gauthier et Zoé Bruneau, la petite voix haut perchée des répliques de Sébastien Pierre, le jeu de Yannik Mazzilli, tout ceci concourt à la réussite de l’entreprise.
Faire rire un public est une tâche bien difficile à réaliser.
Il ne faut ni mépriser, ni tomber à bras raccourcis sur le théâtre de Ray Cooney, qui a l’immense mérite de divertir, de faire oublier au public ses soucis, et de procurer une heure et demie de bon temps.
Il n’y a pas de petit ou grand théâtre.
Il y des pièces qui fonctionnent ou pas.
Ici, pour fonctionner, ça fonctionne !
J’ai passé un très bon moment à suivre les folles aventures de ces personnages, j’ai beaucoup ri.
Je suis sorti du théâtre de la Renaissance en me remémorant certaines répliques hilarantes, le sourire aux lèvres, au grand étonnement de mes voisins de métro.
De plus, si vous assistez à la pièce, la corrida martiniquaise n’aura plus aucun secret pour vous !
Ray Cooney a écrit cette pièce en 1994, sous le titre original « Funny money » !
L’argent drôle.
Et pour être drôle, cette pièce du dramaturge britannique l’est !
D’autant que son adaptation signée par les ci-devant Michel Blanc et Gérard Jugnot est aux petits oignons.
Il est des anniversaires dont on se souvient longtemps.
Le personnage principal du spectacle,Yvon, pourra en témoigner, lui qui, par un concours de circonstances, a vu sa serviette de bureau échangée dans le RER contre le même modèle rempli de billets, et ce pour un montant dépassant les sept millions d’euros.
A partir de cette situation de départ (sa narration très percutante est très réussie, prenant à peine les trois premières minutes de cette heure et demie), Cooney a construit une véritable cascades de péripéties burlesques, de rebondissements en tous genres et de quiproquos jubilatoires.
Nous allons faire la connaissance de personnages très hauts en couleurs : Yvon, ce comptable veule et très imaginatif, sa femme qui découvre les propriétés du whisky et de la vodka, un chauffeur de taxi au prénom quasi prédestiné (je n’en dis pas plus…), un inspecteur ripoux, un autre bien flegmatique, un mafieux russe, sans oublier un couple d’amis conviés à fêter l’anniversaire du maître de maison.
Comme bien des pièces de ray Cooney, ce qui va compter ici, c’est le tourbillon de situations loufoques et burlesques.
L’important, c’est de permettre au public de se distraire et de rire.
Et pour rire, nous rions énormément !
L’adaptation est donc très réussie. Blanc et Jugnot ont concocté un texte percutant, avec des dialogues et des répliques qui font mouche.
J’en veux pour preuve la réponse à « Vous êtes Mme Lemoual » , qui plonge la salle dans un grand fou-rire, (vous n'en saurez pas plus...) ou encore un « Faites-vous plaisir ! » épatant.
Les deux ex-membres de la troupe du Splendid ont su mettre au goût du jour ce texte, et lui conférer par moments un petit air de Feydeau contemporain, notamment dans l’exposition des relations entre Yvon et sa femme.
Arthur Jugnot a su quant à lui, insuffler dans la mise en scène dans cette pochade une folie maîtrisée, un côté burlesque.
Ici, ce qui est important, c’est le rythme, la fluidité sans qui tout tomberait à plat, comme un soufflé mal cuit.
Jugnot fils a réussi à créer un vrai maelström ininterrompu de situations hilarantes, de gags textuels ou visuels.
Impossible de s’ennuyer, ou de se détourner de ce qui se passe sur le plateau.
Les portes claquent, les corps bougent, trépignent, tombent, s’attirent, se repoussent, le tout pour servir le texte.
Ici, le curseur est toujours à la bonne position.
Huit comédiens à la vis comica évidente se dépensent sans compter.
Oui, ces huit-là font fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
Ruptures, double-takes, doubles-sens des mots, regards ahuris (Laurent Ournac et Arnaud Gidouin sont magnifiques), les moyens dramaturgiques utilisés mettent dans le mille à chaque fois.
Le flegme et le laconisme de Thierry Heckendorn, l’engagement et la drôlerie des filles, Melles Gaëlle Gauthier et Zoé Bruneau, la petite voix haut perchée des répliques de Sébastien Pierre, le jeu de Yannik Mazzilli, tout ceci concourt à la réussite de l’entreprise.
Faire rire un public est une tâche bien difficile à réaliser.
Il ne faut ni mépriser, ni tomber à bras raccourcis sur le théâtre de Ray Cooney, qui a l’immense mérite de divertir, de faire oublier au public ses soucis, et de procurer une heure et demie de bon temps.
Il n’y a pas de petit ou grand théâtre.
Il y des pièces qui fonctionnent ou pas.
Ici, pour fonctionner, ça fonctionne !
J’ai passé un très bon moment à suivre les folles aventures de ces personnages, j’ai beaucoup ri.
Je suis sorti du théâtre de la Renaissance en me remémorant certaines répliques hilarantes, le sourire aux lèvres, au grand étonnement de mes voisins de métro.
De plus, si vous assistez à la pièce, la corrida martiniquaise n’aura plus aucun secret pour vous !
9,5/10
C’est un habitué du lieu qui revient cette année au festival Django Reinhardt.
Christian Sands.
Ce jeune pianiste de 32 ans originaire du Connecticut, l’un des plus enthousiasmants de la scène jazz américaine, était venu nous impressionner grandement voici deux ans, aux côtés du contrebassiste Christian McBride.
C’est en leader d’un épatant trio qu’il vient interpréter quelques titres de son dernier album en date, Be Water, lui aussi paru comme les deux premiers chez le label Mark Avenue.
Un trio « traditionnel », piano, basse, batterie.
Le trio, cette forme instrumentale qui est au jazz ce que le quatuor est à la musique de chambre.
A ses côtés, deux talentueux sidemen, le batteur Clarence Penn, et le contrebassiste Yasushi Nakamura.
Christian Sands, nous allons nous en rendre compte très très vite, se situe au carrefour de la tradition et de la contemporanéité jazzystiques.
Il commence bille en tête avec un premier titre survitaminé, presque hard-bop, avec un nombre impressionnant de notes à la minute.
Comme pour poser les choses, établir les bases de ce qui va suivre.
Une technique hallucinante ! Le clavier du Steinway & Sons doit être tout chaud !
La pulsation est sauvage, puissante, brute. Le rythme est furieusement endiablé.
De rage, Christian Sands jette à terre le masque avec lequel il avait commencé à jouer.
Comme un symbole !
Ce qui suivra démontrera les deux qualités essentielles à mes yeux de Mister Sands : un lyrisme époustouflant dans ses thèmes et improvisations, et un groove phénoménal.
On comprend évidemment pourquoi Christian McBride l’a casté pour jouer avec lui.
Avec le titre Crash, le discours musical de Christian Sands atteint son climax.
Le « chabada est bien là », pour reprendre l’une des expressions favorites de cette légende du jazz qu’est « notre » pianiste René Urtreger.
Crash, au swing lent, où s’exprime toute la sensibilité du jeune musicien.
Un musicien très expressif, et qui montre physiquement ce qu’il ressent.
Oui, un jazz très physique, très organique.
Les trois musiciens groovent grave ! En façade, tout le monde bouge.
Le titre devient envoûtant.
Les trois artistes s’amusent énormément, plaisantant même à distance.
Ensuite, voici que Yasushi Nakamura entame un furieux et très musclé solo, utilisant notamment sa contrebasse comme un instrument à la fois mélodique et percussif.
Avec des glissandi sauvages, M. Nakamura « maltraite » la touche du manche de son instrument, étonnant et ravissant le public.
Ce solo annonce une suite très funky.
Christian Sands articule alors très subtilement son discours autour de quelques accords pour nous plonger dans des limbes harmoniques envoûtantes.
Quant à Clarence Penn, lui aussi démontre tout son savoir faire.
Ce batteur délivre un rythme puissant, au fond du temps, avec beaucoup d’inflexions et de syncopes qui surprennent les spectateurs, voire les font sursauter.
Penn, c’est un véritable métronome, qui n’hésite pas à taper sur les cerclages de ses toms, ou encore sur les pieds de ses cymbales, afin de varier les sonorités.
Vient le dernier titre. Déjà.
C’est maintenant que va s’exprimer tout le lyrisme de Christian Sands, dont je parlais un peu plus haut.
Un climat de tranquillité, de sérénité s’installe, avec encore et toujours un groove lent sur une grille mélodique de quatre subtils chords.
Une boucle lancinante, délicate, toute en nuances toutes douces.
Une délicate harmonie règne alors.
Le jeune pianiste entame alors un stupéfiant « choral », digne de Jean-Sébastien Bach, d’une beauté harmonique sidérante.
J’aurai l’occasion de lui en parler après, derrière la scène, et cette référence musicale le ravira, en témoignera le check qu’il me proposera.
Au final, une ovation viendra saluer la prestation des trois guys.
Le public ne s’y trompe pas, qui leurs réserve des applaudissements rythmés.
Nous venons de vivre un autre moment passionnant de cette édition 2021 de ce festival !
Christian Sands.
Ce jeune pianiste de 32 ans originaire du Connecticut, l’un des plus enthousiasmants de la scène jazz américaine, était venu nous impressionner grandement voici deux ans, aux côtés du contrebassiste Christian McBride.
C’est en leader d’un épatant trio qu’il vient interpréter quelques titres de son dernier album en date, Be Water, lui aussi paru comme les deux premiers chez le label Mark Avenue.
Un trio « traditionnel », piano, basse, batterie.
Le trio, cette forme instrumentale qui est au jazz ce que le quatuor est à la musique de chambre.
A ses côtés, deux talentueux sidemen, le batteur Clarence Penn, et le contrebassiste Yasushi Nakamura.
Christian Sands, nous allons nous en rendre compte très très vite, se situe au carrefour de la tradition et de la contemporanéité jazzystiques.
Il commence bille en tête avec un premier titre survitaminé, presque hard-bop, avec un nombre impressionnant de notes à la minute.
Comme pour poser les choses, établir les bases de ce qui va suivre.
Une technique hallucinante ! Le clavier du Steinway & Sons doit être tout chaud !
La pulsation est sauvage, puissante, brute. Le rythme est furieusement endiablé.
De rage, Christian Sands jette à terre le masque avec lequel il avait commencé à jouer.
Comme un symbole !
Ce qui suivra démontrera les deux qualités essentielles à mes yeux de Mister Sands : un lyrisme époustouflant dans ses thèmes et improvisations, et un groove phénoménal.
On comprend évidemment pourquoi Christian McBride l’a casté pour jouer avec lui.
Avec le titre Crash, le discours musical de Christian Sands atteint son climax.
Le « chabada est bien là », pour reprendre l’une des expressions favorites de cette légende du jazz qu’est « notre » pianiste René Urtreger.
Crash, au swing lent, où s’exprime toute la sensibilité du jeune musicien.
Un musicien très expressif, et qui montre physiquement ce qu’il ressent.
Oui, un jazz très physique, très organique.
Les trois musiciens groovent grave ! En façade, tout le monde bouge.
Le titre devient envoûtant.
Les trois artistes s’amusent énormément, plaisantant même à distance.
Ensuite, voici que Yasushi Nakamura entame un furieux et très musclé solo, utilisant notamment sa contrebasse comme un instrument à la fois mélodique et percussif.
Avec des glissandi sauvages, M. Nakamura « maltraite » la touche du manche de son instrument, étonnant et ravissant le public.
Ce solo annonce une suite très funky.
Christian Sands articule alors très subtilement son discours autour de quelques accords pour nous plonger dans des limbes harmoniques envoûtantes.
Quant à Clarence Penn, lui aussi démontre tout son savoir faire.
Ce batteur délivre un rythme puissant, au fond du temps, avec beaucoup d’inflexions et de syncopes qui surprennent les spectateurs, voire les font sursauter.
Penn, c’est un véritable métronome, qui n’hésite pas à taper sur les cerclages de ses toms, ou encore sur les pieds de ses cymbales, afin de varier les sonorités.
Vient le dernier titre. Déjà.
C’est maintenant que va s’exprimer tout le lyrisme de Christian Sands, dont je parlais un peu plus haut.
Un climat de tranquillité, de sérénité s’installe, avec encore et toujours un groove lent sur une grille mélodique de quatre subtils chords.
Une boucle lancinante, délicate, toute en nuances toutes douces.
Une délicate harmonie règne alors.
Le jeune pianiste entame alors un stupéfiant « choral », digne de Jean-Sébastien Bach, d’une beauté harmonique sidérante.
J’aurai l’occasion de lui en parler après, derrière la scène, et cette référence musicale le ravira, en témoignera le check qu’il me proposera.
Au final, une ovation viendra saluer la prestation des trois guys.
Le public ne s’y trompe pas, qui leurs réserve des applaudissements rythmés.
Nous venons de vivre un autre moment passionnant de cette édition 2021 de ce festival !
9,5/10
Et s’il y avait plusieurs Eric Légnini ?
Et si ce très talentueux pianiste désormais incontournable de la scène jazz était doué d’une sorte d’ubiquité artistique ?
Légnini, celui qui arrive là où on ne l’attend pas forcément.
Lors de cette troisième journée du festival Django-Reinhardt, c’est en trio qu’il va venir nous interpréter une petite dizaine de titres issus majoritairement de son dernier album en date Six strings under.
Celui qui fut naguère le complice de Joe Lovano, Claude Nougaro, Stefano Di Battista, Aka Moon, des frères Belmondo ou encore d’Ibrahim Maalouf, celui qui fut lauréat de la Victoire du Jazz 2011 du meilleur album de l’année, celui qui décante comme personne un grand cru millésimé, celui-là a délaissé ses instruments électriques de sa trilogie The vox , Sing Twice et Waxx Up, pour revenir derrière son Steinway & Sons.
Un album et un concert pianistiques pour célébrer… la guitare !
Comme une déclaration d’amour en trio aux six-cordes.
Le trio. Pour Légnini, le trio est synonyme d’espace.
Piano – Contrebasse – Guitare.
Sans batterie, qui « prend souvent la main dans le groupe », aime-t-il préciser.
A ses côtés, donc, deux artistes eux-aussi incontournables dans leur domaine respectif.
Deux side-men les plus recherchés du moment.
A la contrebasse, Thomas Bramerie. Les deux se connaissent et jouent ensemble depuis un peu plus de vingt ans.
A la guitare, le virtuose Rocky Gresset, qui joue tout d’oreille.
Les trois compères débutent le concert ensemble, donnant immédiatement le ton : ici, trois musiciens à parts égales, et non pas un pianiste et ses deux accompagnateurs.
De l’espace, il va y en avoir.
Si Légnini est certes un « technicien » hors-pair du clavier, la formation classique est bien palpable, son talent mélodique est toujours manifeste.
L’articulation de ces deux aspects est évidente, dès le premier titre interprété, « Doo we doo ».
Cette « petite » valse, cet ostinato de quatre accords, pour se mettre en jambes, démontre immédiatement cette technique au service de la ligne mélodique.
Et puis les deux complices prennent le relais.
L’habitué du lieu, Rocky Gresset, à la sidérante virtuosité, fascine immédiatement le public.
Cri d’amour à la guitare ? Nous comprenons tout de suite !
Thomas Bramerie.
L’élégance de la contrebasse personnifiée.
Un pilier rythmique.
Imperturbable, immuable, jouant souvent les yeux fermés, sur lequel s’appuient en toutes confiance et sérénité les deux autres.
Bramerie et son toucher si délicat, Bramerie aux lignes de basse empreintes de la plus grande musicalité, à la walkin-bass sidérante, aux solos construits avec une précision d’orfèvre.
« Breakfeast at down », comme une belle ballade matutinale, et « The jive », au swing endiablé se succèdent.
Les compositions d’Eric Légnini explorent bien des horizons culturels.
Son titre très brésilien « La manguiera » (c’est le nom d’une prestigieuse école de samba), hommage à son amie et chanteuse Marcia Maria, disparue en 2018, nous plonge dans une ambiance digne d’Antonio Carlos Jobim.
Dans cette belle bossa-nova, le lyrisme harmonique du pianiste belge ravit alors les nombreux aficionados.
Ce lyrisme, qui permettra au pianiste fera chanter le thème au public.
Et puis, un autre hommage. Comme une évidence en ces lieux.
Rocky Gresset entame « Nuages ». Ovation dans le public !
Le trio rend cette version de ce chef d’œuvre passionnante. Un très grand moment du concert.
Il y aura ensuite le titre phare de l’album, « Boda boda », avec le petit leit-motiv de fin de grille harmonique.
Un ritournelle, d’apparence toute simple elle aussi, savamment et finement déclinée, qui fait peut-être la synthèse du style et des inspirations d’Eric Légnini : le jazz « classique » et celui plus moderne, mélange des formes contemporaines que sont le trip-hop, ou encore l’acid-jazz.
Les trois complices s’amusent énormément, c’est évident.
Le rappel !
Ce sera un enfiévré « Stompin’ at the Savoy », composé en 1934 par Edgar Sampson.
To stomp : trépigner, bouger...
To stomp off : battre du pied en mesure...
Je peux vous garantir que sur cette pelouse de l’avenue des Cascades, c’est exactement ce que tout a fait, durant cette trop courte heure !
Nous retrouverons dans la soirée Eric Légnini, Thomas Bramerie et Rocky Gresset aux côtés de Thomas Dutronc.
Mais ceci est une autre (très belle) histoire !
Merci beaucoup, Messieurs !
Et si ce très talentueux pianiste désormais incontournable de la scène jazz était doué d’une sorte d’ubiquité artistique ?
Légnini, celui qui arrive là où on ne l’attend pas forcément.
Lors de cette troisième journée du festival Django-Reinhardt, c’est en trio qu’il va venir nous interpréter une petite dizaine de titres issus majoritairement de son dernier album en date Six strings under.
Celui qui fut naguère le complice de Joe Lovano, Claude Nougaro, Stefano Di Battista, Aka Moon, des frères Belmondo ou encore d’Ibrahim Maalouf, celui qui fut lauréat de la Victoire du Jazz 2011 du meilleur album de l’année, celui qui décante comme personne un grand cru millésimé, celui-là a délaissé ses instruments électriques de sa trilogie The vox , Sing Twice et Waxx Up, pour revenir derrière son Steinway & Sons.
Un album et un concert pianistiques pour célébrer… la guitare !
Comme une déclaration d’amour en trio aux six-cordes.
Le trio. Pour Légnini, le trio est synonyme d’espace.
Piano – Contrebasse – Guitare.
Sans batterie, qui « prend souvent la main dans le groupe », aime-t-il préciser.
A ses côtés, donc, deux artistes eux-aussi incontournables dans leur domaine respectif.
Deux side-men les plus recherchés du moment.
A la contrebasse, Thomas Bramerie. Les deux se connaissent et jouent ensemble depuis un peu plus de vingt ans.
A la guitare, le virtuose Rocky Gresset, qui joue tout d’oreille.
Les trois compères débutent le concert ensemble, donnant immédiatement le ton : ici, trois musiciens à parts égales, et non pas un pianiste et ses deux accompagnateurs.
De l’espace, il va y en avoir.
Si Légnini est certes un « technicien » hors-pair du clavier, la formation classique est bien palpable, son talent mélodique est toujours manifeste.
L’articulation de ces deux aspects est évidente, dès le premier titre interprété, « Doo we doo ».
Cette « petite » valse, cet ostinato de quatre accords, pour se mettre en jambes, démontre immédiatement cette technique au service de la ligne mélodique.
Et puis les deux complices prennent le relais.
L’habitué du lieu, Rocky Gresset, à la sidérante virtuosité, fascine immédiatement le public.
Cri d’amour à la guitare ? Nous comprenons tout de suite !
Thomas Bramerie.
L’élégance de la contrebasse personnifiée.
Un pilier rythmique.
Imperturbable, immuable, jouant souvent les yeux fermés, sur lequel s’appuient en toutes confiance et sérénité les deux autres.
Bramerie et son toucher si délicat, Bramerie aux lignes de basse empreintes de la plus grande musicalité, à la walkin-bass sidérante, aux solos construits avec une précision d’orfèvre.
« Breakfeast at down », comme une belle ballade matutinale, et « The jive », au swing endiablé se succèdent.
Les compositions d’Eric Légnini explorent bien des horizons culturels.
Son titre très brésilien « La manguiera » (c’est le nom d’une prestigieuse école de samba), hommage à son amie et chanteuse Marcia Maria, disparue en 2018, nous plonge dans une ambiance digne d’Antonio Carlos Jobim.
Dans cette belle bossa-nova, le lyrisme harmonique du pianiste belge ravit alors les nombreux aficionados.
Ce lyrisme, qui permettra au pianiste fera chanter le thème au public.
Et puis, un autre hommage. Comme une évidence en ces lieux.
Rocky Gresset entame « Nuages ». Ovation dans le public !
Le trio rend cette version de ce chef d’œuvre passionnante. Un très grand moment du concert.
Il y aura ensuite le titre phare de l’album, « Boda boda », avec le petit leit-motiv de fin de grille harmonique.
Un ritournelle, d’apparence toute simple elle aussi, savamment et finement déclinée, qui fait peut-être la synthèse du style et des inspirations d’Eric Légnini : le jazz « classique » et celui plus moderne, mélange des formes contemporaines que sont le trip-hop, ou encore l’acid-jazz.
Les trois complices s’amusent énormément, c’est évident.
Le rappel !
Ce sera un enfiévré « Stompin’ at the Savoy », composé en 1934 par Edgar Sampson.
To stomp : trépigner, bouger...
To stomp off : battre du pied en mesure...
Je peux vous garantir que sur cette pelouse de l’avenue des Cascades, c’est exactement ce que tout a fait, durant cette trop courte heure !
Nous retrouverons dans la soirée Eric Légnini, Thomas Bramerie et Rocky Gresset aux côtés de Thomas Dutronc.
Mais ceci est une autre (très belle) histoire !
Merci beaucoup, Messieurs !
9,5/10
ROYAL !
C'est le titre du dernier album en date de Mademoiselle Joy Olasunmibo Ogunmakin, plus connue sous le pseudonyme de AYO.
ROYAL ! C'est l'un des nombreux épithètes qui pourraient qualifier le concert de ce soir.
Royal. Magnifique. Exceptionnel !
Mais quelle bonne idée, à priori étonnante, d’avoir songé à réunir sur un plateau ces trois artistes qui vont nous enchanter durant cette trop courte heure et quart :
- AYO, chant et guitare.
- Gaël Rakotondrabe, piano
- Samy Thiébault, sax ténor.
Ces trois-là vont purement et simplement nous envouter !
C’est la troisième fois seulement qu’ils se produisent ensemble en concert, et pourtant, une osmose totale, une cohérence, une évidence vont très vite se dégager.
AYO, "la fille à la guitare", comme elle dit souvent. Certes.
Mais AYO, c’est avant tout la voix.
Une voix chaude, ronde, sensuelle, avec ce timbre et ce petit souffle caractéristique qui la rendent unique.
Une voix à la tessiture impressionnante et aux multiples couleurs, de la douceur et la suavité pour chanter l’amour de son prochain, la tolérance, l’altérité, la différence et le respect, au growl le plus puissant lorsqu’elle crie la rage, la douleur ou la révolte.
Dès les premières notes, des frissons parcourent les dos bellifontains.
L’émotion est là, intense, réelle, sincère, très souvent bouleversante. Pas besoin d’effets inutiles.
De grands moments musicaux et humains nous attendent.
© Photo Y.P. -
Sur l'enthousiasmante partie rythmique et mélodique de Gaël Rakotondrabe, qui joue parfois en étouffant de la main les cordes de son Steinway & Sons, (on croirait alors entendre une kora africaine), Ayo et le jazzman Samy Thiébault vont entreprendre de subtils échanges.
La complémentarité voix-sax est manifeste.
Réponses, superpositions, solos inspirés du jazzman, un intense et passionnant dialogue musical se met en place, rendant originales et très réussies les réinterprétations des titres que l’on connaît, ou croyait connaître.
Ayo va nous dire, en notes et en mots, l’amour de l’Autre.
Solaire, lumineuse, elle rit beaucoup, même pour demander à l’ingénieur du son un peu plus de sa voix dans les retours.
Nous aurons droit à une douzaine de chansons, des « tubes ayesques » bien connus aux nouveautés du dernier album parmi lesquelles « Beautiful »
La chanteuse en profite pour faire passer un petit message bien senti : « La beauté intérieure ? Si vous êtes gentil, si vous avez envie de partager, vous êtes beau ! […] Ce qui est important, c’est ce que vous pouvez donner. On est UN ! »
Un message qui fait du bien, par les temps qui courent.
« Océan ». Une chanson pour dire sa passion pour « la mer qui est aussi notre mère ».
Pendant qu’elle chante, Samy Thiebault joue par moments des vagues montantes et descendantes de notes, illustrant musicalement ce que chante Ayo.
C’est vraiment très beau.
Retour aux fondamentaux. Voici une incroyable version de « Summertime », de Gerschwin.
Les années 30, la grande dépression aux USA, le quartier afro-américain de Charleston, en Caroline du Sud.
La discrimination. Pour ne jamais oublier.
Le titre sera enchaîné avec l’une de ses propres compositions tirée de l’album Joyful, « And it’s supposed to be love ».
« I think you know », nous dit Ayo pour annoncer une autre reprise : la célèbre chanson de Bobby Hebb « Sunny », écrite en 1963, quarante-huit heures après l’assassinat de JFK pour continuer à rechercher l’optimisme et montrer qu’il ne faut pas baisser les bras.
La version d’Ayo, devenue une lady of soul, enchante le public.
Et puis il y aura bien entendu l’incontournable titre-phare « Down on my knees », chanté en chœur par les innombrables fans.
Elle a repris la guitare, qu’elle utilise également comme instrument de percussion.
« A genoux, je t’en supplie, ne me quitte pas », disent les paroles… La chanteuse insère au passage celles de Brel… « Ne me quitte pas... », justement.
Sur ce titre, notamment, Gaël Rakotondrabe démontrera tout son savoir-faire et son talent de pianiste. Beaucoup plus qu’un simple accompagnateur, il assure une partie musicale essentielle pour permettre à ses deux camarades de s’exprimer.
Le trio sera longuement et logiquement applaudi lors du salut final.
Les trois musiciens expriment une dernière fois devant nous toute leur complicité, et leur joie d’être ensemble.
Quant à nous, nous sommes conscients d’avoir vécu un véritable moment de grâce.
Ces moments-là sont rares !
C'est le titre du dernier album en date de Mademoiselle Joy Olasunmibo Ogunmakin, plus connue sous le pseudonyme de AYO.
ROYAL ! C'est l'un des nombreux épithètes qui pourraient qualifier le concert de ce soir.
Royal. Magnifique. Exceptionnel !
Mais quelle bonne idée, à priori étonnante, d’avoir songé à réunir sur un plateau ces trois artistes qui vont nous enchanter durant cette trop courte heure et quart :
- AYO, chant et guitare.
- Gaël Rakotondrabe, piano
- Samy Thiébault, sax ténor.
Ces trois-là vont purement et simplement nous envouter !
C’est la troisième fois seulement qu’ils se produisent ensemble en concert, et pourtant, une osmose totale, une cohérence, une évidence vont très vite se dégager.
AYO, "la fille à la guitare", comme elle dit souvent. Certes.
Mais AYO, c’est avant tout la voix.
Une voix chaude, ronde, sensuelle, avec ce timbre et ce petit souffle caractéristique qui la rendent unique.
Une voix à la tessiture impressionnante et aux multiples couleurs, de la douceur et la suavité pour chanter l’amour de son prochain, la tolérance, l’altérité, la différence et le respect, au growl le plus puissant lorsqu’elle crie la rage, la douleur ou la révolte.
Dès les premières notes, des frissons parcourent les dos bellifontains.
L’émotion est là, intense, réelle, sincère, très souvent bouleversante. Pas besoin d’effets inutiles.
De grands moments musicaux et humains nous attendent.
© Photo Y.P. -
Sur l'enthousiasmante partie rythmique et mélodique de Gaël Rakotondrabe, qui joue parfois en étouffant de la main les cordes de son Steinway & Sons, (on croirait alors entendre une kora africaine), Ayo et le jazzman Samy Thiébault vont entreprendre de subtils échanges.
La complémentarité voix-sax est manifeste.
Réponses, superpositions, solos inspirés du jazzman, un intense et passionnant dialogue musical se met en place, rendant originales et très réussies les réinterprétations des titres que l’on connaît, ou croyait connaître.
Ayo va nous dire, en notes et en mots, l’amour de l’Autre.
Solaire, lumineuse, elle rit beaucoup, même pour demander à l’ingénieur du son un peu plus de sa voix dans les retours.
Nous aurons droit à une douzaine de chansons, des « tubes ayesques » bien connus aux nouveautés du dernier album parmi lesquelles « Beautiful »
La chanteuse en profite pour faire passer un petit message bien senti : « La beauté intérieure ? Si vous êtes gentil, si vous avez envie de partager, vous êtes beau ! […] Ce qui est important, c’est ce que vous pouvez donner. On est UN ! »
Un message qui fait du bien, par les temps qui courent.
« Océan ». Une chanson pour dire sa passion pour « la mer qui est aussi notre mère ».
Pendant qu’elle chante, Samy Thiebault joue par moments des vagues montantes et descendantes de notes, illustrant musicalement ce que chante Ayo.
C’est vraiment très beau.
Retour aux fondamentaux. Voici une incroyable version de « Summertime », de Gerschwin.
Les années 30, la grande dépression aux USA, le quartier afro-américain de Charleston, en Caroline du Sud.
La discrimination. Pour ne jamais oublier.
Le titre sera enchaîné avec l’une de ses propres compositions tirée de l’album Joyful, « And it’s supposed to be love ».
« I think you know », nous dit Ayo pour annoncer une autre reprise : la célèbre chanson de Bobby Hebb « Sunny », écrite en 1963, quarante-huit heures après l’assassinat de JFK pour continuer à rechercher l’optimisme et montrer qu’il ne faut pas baisser les bras.
La version d’Ayo, devenue une lady of soul, enchante le public.
Et puis il y aura bien entendu l’incontournable titre-phare « Down on my knees », chanté en chœur par les innombrables fans.
Elle a repris la guitare, qu’elle utilise également comme instrument de percussion.
« A genoux, je t’en supplie, ne me quitte pas », disent les paroles… La chanteuse insère au passage celles de Brel… « Ne me quitte pas... », justement.
Sur ce titre, notamment, Gaël Rakotondrabe démontrera tout son savoir-faire et son talent de pianiste. Beaucoup plus qu’un simple accompagnateur, il assure une partie musicale essentielle pour permettre à ses deux camarades de s’exprimer.
Le trio sera longuement et logiquement applaudi lors du salut final.
Les trois musiciens expriment une dernière fois devant nous toute leur complicité, et leur joie d’être ensemble.
Quant à nous, nous sommes conscients d’avoir vécu un véritable moment de grâce.
Ces moments-là sont rares !