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Yves Poey
Yves Poey
Mini-Molière du Critique
120 ans
62 espions
espionner Ne plus espionner
Des critiques de théâtre, des interviews webradio, des coups de coeur, des coups de gueule.
Son blog : http://delacouraujardin.over-blog.com/
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Ses critiques

1005 critiques
Theo Croker

Theo Croker

9/10
10
Des volutes de fumée parfumées….
Celles du bois de palo santo, l’essence sacrée d’Amazonie.

Un petit bâtonnet incandescent, que Theo Croker pose délicatement sur le rebord du Yamaha demi-queue, avant de brancher sa trompette aux boîtes d’effets qu’il utilise.

Incandescent…
Tout comme sa musique.
Tout comme le concert qui va plonger le Duc des Lombards dans une véritable transe.

Theo Croker, le jeune trompettiste qui fut élève de Donald Byrd, et que Dee Dee Bridgwater prit sous son aile.
Theo Croker, celui que nombre d’artistes tels que le rappeur et producteur J Cole, ou encore la chanteuse de R&B américaine Ari Lennox s’arrachent.

Le musicien originaire de Floride, est venu dans l’hexagone présenter son troisième et nouvel album : BLK2LIFE // A FUTURE PAST.



Un album qui va nous plonger dans les racines de l’identité africaine.
Comme une quête, comme un rituel initiatique.

A future past… Un passé antérieur…
« Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, comprendre notre passé, célébrer le présent, et cultivons les sauts quantiques de notre futur.», écrit-il à l’intérieur de l’album évoqué » plus haut.

La musique de Theo Croker est donc une sorte de fusion, un passage entre la tradition, les racines, et le jazz le plus contemporain.
Nous allons vite nous en rendre compte.

Nous allons entendre un jazz très urbain, très actuel, avec des sons samplés, des loops lancés par grâce au progiciel Ableton Live 11, grâce à une interface Akai APC.
Un véritable design sonore que l’on doit au producteur D’Leo, qui non content de lancer ses échantillons, projette tout une série de graphismes animés, tout au long du concert.
Un concert que l’on écoute, que l’on regarde et que l’on sent, donc.

Le trompettiste est un grand instrumentiste.
Ce qu’il nous joue est à la fois technique et lyrique.
Seule, la note compte, plus que la démonstration de rapidité.

Il joue vite et haut, certes, mais c’est véritablement dans les mediums et les bas mediums que sa sonorité prend toute son ampleur.

Avec un petit souffle. L’air qui passe du corps humain au corps de cuivre de la trompette.

Ses pianissimi sont magnifiques. La salle retient son souffle.



Le musicien n’hésite pas à utiliser des effets en direct, tels que la reverb, ou l’écho, qu’il déclenche lui-même, pour donner une dimension aérienne à sa musique.
Il nous emmène alors loin, très loin, dans des nimbes éthérés.

Mais il ne fait pas que jouer.

Theo Croker chante, également.

Une voix un peu éraillée, avec elle aussi un léger souffle. Décidément…

Dans le titre éponyme, il va nous démontrer son flow : les paroles parlées défilent à toute allure, sur la mesure en 4/4.
Et puis un break : le flow se change alors en scat, sur une mesure ternaire.



Theo Croker nous fait alors constater sa capacité à assurer une transition entre la tradition et l’acid jazz le plus actuel.
De plus, il interprétera un magnifique « Never let me go », un standard des années 30-40, nous expliquera-t-il.

La tradition. Les bases.
Pour mieux s’aventurer sur les terres de la plus moderne des contemporanéités.

Il est accompagné, outre son designer sonore et video D’Leo par trois musiciens hors pair.

Au piano, Mike King, le bien nommé.

C’est lui qui se charge de l’accompagnement harmonique. Un solo magnifique, rempli de sensibilité, déclenchera mout applaudissements ô combien mérités.

Aux drums, Shekwoaga Ode assure une sacrée pulsation, un groove infernal.
Il a décalé des deux toms medium sur la droite pour laisser de la place à trois petites cymbales charley fermées, sur lesquels il base son ahurissant solo.
Les sons très aigus, les frisés sur les hi-hat à une vitesse ahurissante sidèrent et ravissent la salle.


Et puis à la contrebasse l’imperturbable Eric Wheeler n’est pas en reste. Lui aussi est un grand musicien, qui délivre beaucoup d’émotions.
Le duo basse-batterie assure un groove musclé qui fait que tout le monde a des fourmis dans les jambes.
J’en veux pour preuve le barman du Duc qui shake ses cocktails en dansant. Et ceci n’arrive pas tous les soirs…

Le dernier titre, « Hero Stomp » et le rappel « My life is a sunshine » vont conclure de très belle manière ce set qui a vraiment marqué les esprits.

Mister Croker, les anciens peuvent dormir sur leurs deux oreilles, les jeunes peuvent se réjouir, votre jazz constitue un magnifique mélange, une sorte de synthèse entre les trois époques qu’il vous plaît donc d’évoquer.

Sinon, il reste deux dates pour écouter et applaudir à tout rompre comme ce fut mon cas ce passionnant quintet.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire.
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Personne ne leur a dit ?

Personne ne leur a dit ?

9/10
8
Jacques Rancière existe ! Elle l’a rencontré !

Jacques Rancière, mais si voyons, le chantre de toutes les émancipations, et auteur notamment d’un livre intitulé Le maître ignorant ?
Non ? Toujours pas ?

Elise Maître a conçu autour de la rencontre avec ce philosophe un fascinant, spirituel et très malin spectacle.
En une heure et quinze minutes, sans avoir l’air d’y toucher, avec une forme de candeur, de drôlerie et de fraîcheur de plus en plus rare sur un plateau, la comédienne nous en dit plus sur l’œuvre sus-mentionnée que tout un cycle de conférences.

Elle nous émancipe !

Cette notion d’émancipation éducative est la base du bouquin qui lui a donné l’envie, elle qu’on surnommait toute petite « Madame question », de rencontrer le Maître Rancière.

(Au départ elle eut envie d’adapter le livre, et d’en interpréter des passages, purement et simplement. Mais cette idée de mettre en scène les tenants et les aboutissants de ce rendez-vous avec son héros est bien plus excitante !)

Oui, Elise Maître (si si, c’est son vrai nom…) va nous raconter sa jeune vie, va nous embarquer dans sa quête, et surtout va nous accrocher par son écriture et son jeu, pour ne plus nous lâcher.
Il sera impossible de se détacher de ce qu’elle va nous dire et nous montrer.

Dans cet ouvrage, Rancière nous confronte à sa conception de l’enseignement et de l’éducation : selon lui, les « maîtres explicateurs », ceux qui ne font que vouloir transmettre de force des savoirs sans donner les clefs permettant d’apprendre par soi-même, de trouver du sens à ses propres apprentissages et de réussir à s’auto-enseigner, ceux-là ne sont pas de vrais enseignants.

Nous ne sommes pas loin de la pédagogie Freinet.

Melle Maître fait donc sienne cette philosophie de l’éducation, et nous fait découvrir le bouquin, nous plaçant nous-mêmes en situation.

La comédienne va interpréter une foultitude de personnages, avec beaucoup d’humour et une vraie vis comica.
Ses imitations de personnes réelles, qu’elle a côtoyées, sont épatantes. Ses anciens potes d’école, de collège, une libraire, une professeure de mathématiques, son père, j’en passe et des meilleures...

Mention spéciale pour l’incarnation de Joseph Jacotot, professeur français du XIXème siècle, exilé en 1818 à l’université de Louvain, et qui va s’apercevoir que ses étudiants hollandais pouvaient apprendre tout seuls la langue française grâce uniquement à leur volonté propre et la version bilingue des « aventures de Télémaque » de Fénelon.
La scène des accents est alors très réussie.


Quelle énergie se dégage de ce spectacle !
Le propos didactique est porté par un réel engagement dramaturgique de tous les instants.
Elle n’arrête pas !

Nous allons rire. Beaucoup.
(La scène du flash info de France Inter est hilarante ! Je n’en dis pas plus…)
Les ruptures, les adresses au public font mouche !


L’écriture est très contemporaine, proche de la langue parlée. Parfois, on pense même à une forme de stand-up.

Bien entendu, la metteuse en scène Houdia Ponty est pour beaucoup dans ce dynamisme de tous les instants.


Mademoiselle Ponty a parfaitement su comment traduire scéniquement parlant le propos de l’auteure-interprète.
Les scènes et les situations s’enchaînent sans aucun temps mort, avec fluidité et précision.

Différents judicieux accessoires bien choisis permettent d’illustrer le discours.

Une scène interactive très intelligente nous permet à nous autres spectateurs de participer à l’action.
(Sans compter que les ventes du livre Le maître ignorant ont dû connaître un vrai pic de ventes !)

Un changement à vue de costume (et quel costume…) provoque également les rires du public.
Là encore, vous n’en saurez pas plus.

Vous l’aurez compris, je vous conseille vivement ce spectacle très réussi et qui sort vraiment de l’ordinaire.
L’originalité de cette entreprise artistique et sa traduction sur la scène en font un moment de théâtre auquel il faut assister.

Et sinon, Madame Boquillon, vos oreilles ne sifflent pas trop ?
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Les éclairs

Les éclairs

9/10
8
Fiat lux !
Que la lumière soit. Mais électrique, alors, la lumière !

En 1898, après une fermeture de onze années en raison d’un incendie causé par l’éclairage aux bougies, l’Opéra Comique ouvrait à nouveau ses portes avec une innovation majeure et unique en Europe à cette date : la fée électricité illuminait la Salle Favart !

Olivier Mantéi l’actuel patron des lieux pour quelques mois encore, a eu la bonne idée de rappeler cette importante avancée technique en passant commande d’un opéra à l’écrivain Jean Echenoz et au compositeur Philippe Hersant.

Le prix Goncourt 1999 a en effet consacré une trilogie littéraire à trois personnalités, Maurice Ravel, Emile Zatopek et Nikola Tesla, dont il a tiré des biographies romancées.

C’est justement ce dernier, Tesla, le génial inventeur d’origine serbe, émigré aux Etats-Unis qui servira de modèle à Grégor, le héros et le personnage principal de ce « drame joyeux » en quatre actes.

Tesla. Le visionnaire humaniste qui va se heurter aux concurrents, au monde de la finance.
Celui dont les travaux concernant le courant alternatif vont révolutionner pour le meilleur et pour le pire l’état du monde.
Tesla et son besoin névrotique de solitude et d’isolement.

C’est donc à une création mondiale à laquelle le public de la Générale et votre serviteur assistaient.

Clément Hervieu-Léger s’est chargé de la mise en scène de cette œuvre lyrique atypique.

A son habitude, le Sociétaire du Français va insuffler une grâce poétique, une délicieuse délicatesse, mais également des petites et subtiles touches humoristiques à cette entreprise artistique. (Le balai des assistants d’Edison est à cet égard épatant…)

L’électricité sera omniprésente, avec nombre de machines, dont une à laquelle Tesla n’avait certainement pas pensé, avec également plusieurs stroboscopes y compris dans la salle…
Sans oublier l’utilisation judicieuse d’un projecteur de poursuite, de plus en plus rare sur les plateaux, qui permet de donner corps à l’invention lumineuse.

Immédiatement, des références vont sauter aux yeux : ce sont ces films en noir et blanc du début du XXème siècle, dans lesquels des ouvriers téméraires étaient assis sur des poutrelles métalliques tout au sommet des buildings en construction.

Dans un magnifique camaïeu de gris plus ou moins colorés, la scénographie évoque la ville, la technique, les débuts de l’industrialisation à outrance, le monde des financiers.

Les seules couleurs concerneront les costumes féminins, notamment ceux d’un bal masqué, et un ocre évoquant la retraite volontaire de Grégor-Nikola à Colorado-Springs.

On pense également au film La ligne verte, à un certain moment. Je vous laisse découvrir…

Le metteur en scène nous donne à voir la passion du héros pour les oiseaux de bien belle manière. Les amateurs d’origami se régalent.

A la baguette, Ariane Matiakh tire le meilleur du choeur Aedes, et surtout de la magnifique machine qu’est le Philarmonique de Radio-France. Elle sera d’ailleurs applaudie par les musiciens.

L’instrumentation choisie par Philippe Hersant n’est pas anodine.

La part belle est faite aux bois, aux cuivres et aux percussions.
Les instruments à vent, traités de façon très lyrique, nous évoquent l’air, l’éther dans lequel l’électricité peut se propager, mais également les oiseaux, dont certains cris sont générés y compris par les mains et le souffle du clarinettiste.


Les percussions assurent quant à elles la métaphore puissante de l’énergie.
(Il faut noter un petit moment très jazzy, dans lequel l’un des percussionnistes utilise des balais sur sa caisse claire pour un chabada caractéristique.)

Le compositeur utilise également un synthétiseur Nordlead, qui évoque lui aussi la dimension électrique, notamment avec des sonorités de pianos très cristallines.

La distribution lyrique a été particulièrement soignée.
Une distribution qui recevra une véritable ovation le moment venu, ce qui ne sera que justice.

Trois barytons vont nous enchanter.


Jean-Christophe Lanièce est un Grégor tout en contrastes, tour à tour exalté et névrosé.

Celui qui fut nommé Révélation Classique Adami en 2017 ravit le public de son timbre chaud et profond.
On est totalement en phase avec son personnage.

Le chanteur nous fait parfaitement comprendre les affres dont souffre cet homme voulant le bien de l’humanité.

André Heyboer en Thomas Edison à la fois drôle et veule, ainsi que Jérôme Boutillier en Norman Parker (il sera applaudi dès la fin de son air principal) sont eux aussi épatants.

Les demoiselles ne sont pas en reste.

La soprano Elsa Benoît est une journaliste délurée (« la seule femme de la rédaction du New-York Hérald »…), la mezzo Marie-Andrée Bouchard-Lesieur interprète Ethel Axelrod, la femme du mécène éponyme, interprété de bien belle manière également par le ténor François Rougier.

Autour de Grégor-Nikola, ce sont ces personnages féminins qui sont les plus forts, les plus intègres, les plus sincères. Une histoire d’amour compliquée s’amorcera… Et non, vous n’en saurez pas plus !

Cet opéra est donc un spectacle totalement maîtrisé, avec nombre de parti-pris artistiques judicieux, qui fonctionnent à la perfection. Un spectacle où la fond le dispute à la forme en terme de réussite.
Les spectateurs se passionnent très rapidement pour ce qui nous est montré et chanté.

Assister à la création d’une œuvre dramaturgique en général, et surtout d’un opéra, est toujours un moment particulier.

Je pourrai dire « J’y étais ! », à la création électrique et très réussie de ces Eclairs !
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En attendant les barbares

En attendant les barbares

8/10
10
Nous sommes tous les barbares de quelqu’un.

Des barbares qui potentiellement peuvent être obligés de s’exiler et s’installer dans un ailleurs soi-disant meilleur, se retrouvant ainsi aux portes de ceux qui se croient propriétaires de leur territoire.

Ceux pour qui la nativité et la nationalité ne doivent former qu’un seul et dérisoire tout.
Ceux pour qui l’Autre, l’Etranger, le Différent va obligatoirement mettre en péril la souveraineté de l’Etat-Nation.

On en connaît de ceux-là. Trop. Beaucoup trop.
Souverainistes, nationalistes, adeptes de la théorie du grand remplacement…
Suivez mon regard…

Le prix Nobel de littérature 2003 John Maxwell Coetzee, dans son roman publié en 1980, nous décrit dans une plume trempée dans du vitriol, dans une langue âpre, sans détours et sans circonvolutions, cette société du repli sur soi, cet empire qui n’aura de cesse que de tout mettre en œuvre afin d’inciter ses citoyens à se préparer, en attendant les barbares.

A distiller la Peur, sous toutes ses formes.

Camille Bernon et Simon Bourgade, dont j’avais particulièrement apprécié leur création Change me ont donc adapté pour la scène du Vieux-Colombier cet ouvrage qui dénonce de façon magistrale et glaciale une société en proie aux démons ci-dessus.

La première réussite de cette ambitieuse entreprise artistique est d’être arrivés à transcrire la volonté de l’auteur de ne pas situer ni géographiquement, ni temporellement le lieu où nous nous trouvons.
Nous savons seulement que nous sommes sur les marches de l’empire, et qu’un désert proche abrite les barbares en question.

Passé, présent, futur ? Ici, là ou ailleurs ?
Ni la scénographie, ni les costumes ne nous donneront un quelconque indice.
La démonstration n’en sera que plus parlante et universelle.

La deuxième grande réussite pour les deux co-metteurs-en-scène est d’être parvenus à transposer l’univers désolant, austère, glacé du livre.

Durant deux heures, nous allons nous retrouver dans un univers misérable, sordide, très peu éclairé.
Le duo a réussi la gageure de nous proposer de très belles images, avec différents moyens techniques que je vous laisse découvrir.

Et puis, bien entendu, les deux jeunes dramaturges sont parvenus à faire en sorte que leur adaptation soit une réelle pièce de théâtre, avec des parti-pris judicieux et cohérents, que ce soit en terme de scènes dialoguées, ou de moments où nous parvenons à nous glisser dans l’âme et l’esprit des personnages.

Et quels personnages !

A commencer par le principal, le Magistrat de cette ville-frontière, interprété par un magistral Didier Sandre.
En gouverneur humaniste, compréhensif, fraternel, à l’opposé du gouvernement qu’il est sensé représenter, le comédien français va sidérer une nouvelle fois toute une salle.


Il va déployer son immense palette pour incarner ce type sincèrement juste et bon, qui va recueillir une jeune barbare sous son toit, (la parfaite Suliane Brahim), s’en éprendre, pour mieux la ramener parmi les siens et s’attirer les foudres de sa hiérarchie.
Ce qu’il fait est tout simplement grandiose, même si quelques longueurs viennent alourdir parfois son propos.
Grandiose !

Stéphane Varupenne joue quant à lui un immonde et sadique colonel tortionnaire, venu remettre de l’ordre dans cette cité frontalière trop paisible, où le « risque » de fraternisation est trop présent.
Sa composition est elle aussi glaciale.
Il faut noter que les nombreux actes de torture ne seront jamais montrés en direct, mais suggérés ou cités de manières fort subtiles, ce qui en renforce le côté déshumanisant et horrible.

Un autre salopard à jouer sur un plateau du Français ?

Demandons donc à Christophe Montenez, qui dans un édifiant et long tête à tête avec Didier Sandre va incarner une sorte d’officier supérieur théorisant la doctrine officielle de l’empire.


Lui aussi nous donne bien des frissons dans le dos, notamment en nous faisant comprendre face public la finalité de son gouvernement, à savoir créer ses propres barbares, et distiller au sein d’une population cette crainte d’un danger imaginé et qui ne vient pas, sans oublier un quasi-appel au génocide.

C’est également grâce à eux deux que nous saurons qui sont vraiment ces barbares. Nous comprendrons alors les méfaits du colonialisme.
Rappelons que J.M. Coetzee a passé son enfance en Afrique du Sud, du temps du plus implacable Apartheid.

Ce magnifique moment de théâtre est à mon sens la scène la plus passionnante, la plus dense et la plus intense de ce spectacle.

Même si Camille Bernon et Simon Bourgade peuvent donner l’impression de s’être quelque peu laissés griser par les facilités techniques et budgétaires de la Comédie française, en s’éparpillant avec quelques idées laissées un peu en suspens, les deux nous entraînent dans un spectacle ambitieux et au final bien maîtrisé.

Leur théâtre est une nouvelle fois un théâtre qui démontre, dénonce et nous tend un impitoyable miroir.
Un théâtre nécessaire et indispensable !
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Le roi des pâquerettes

Le roi des pâquerettes

8,5/10
14
Un manche pour traverser la Manche !

Oui, mais pas n’importe quel manche…
Le manche à balai du Blériot XI, avec à son bord l’inventeur-pilote éponyme, envolé en ce matin du 25 juillet 1909 du hameau des Baraques, près de Calais, puis atterrissant trente-cinq kilomètres plus loin, à savoir dans les environs de Douvres, au-delà du Chanel...

Un Louis Blériot surnommé par l’opinion publique « Le roi des pâquerettes », pour avoir, avant cet exploit, cassé pas mal de bois au contact de la terre ferme…

C’est cette nuit et ce début du jour que nous racontent Bérangère Gallot et Sophie Nicollas, dans cette pièce passionnante. (Et je n’utilise pas seulement cet épithète « passionnante » en raison de mon brevet personnel de pilote…)

Passionnante d’un premier point de vue dramaturgique, car les deux autrices ont réussi à nous mettre en mots et en images deux moments très particuliers.
La nuit précédant l’exploit. Et l’exploit en lui-même.

Dans la première partie, un parti-pris très judicieux va nous permettre de parfaitement comprendre les tenants et les aboutissants de cette incroyable traversée, avec en particulier le contexte dans lequel Blériot se trouve, que ce soit la dimension humaine, technique ou encore familiale de ce contexte-là.

Ce procédé dramaturgique consistera à mettre en scène différents scènes et dialogues entre les personnages.
Blériot, bien entendu, mais également son épouse Alicia, ou encore Ferdinand Colin, son mécanicien, Hubert Latham, le grand concurrent et Charles Fontaine, un journaliste.

Grâce à des dialogues épatants et très pertinents, nous comprenons aisément ce qui s’est joué, avant cette nuit, et tout les ressorts qui vont aboutir à cette glorieuse aube du 25 juillet.
Coup de chapeau également pour nombre de détails techniques très précis, qui démontrent combien Melles Gallot et Nicollas maîtrisent leur sujet.

Dans la seconde partie, tous les comédiens raconteront, et de quelle façon, l’exploit en lui-même.
Blériot a revêtu sa combinaison bleue et ses lunettes d’aviateur, Fontaine a son drapeau tricolore, Alicia tremble pour son mari en vol, Ferdinand Colin s’inquiète pour le moteur de l’ingénieur Anziani, et le play-boy-pilote Hubert Latham s’en veut terriblement de ne pas s’être réveillé assez tôt.

Tout ceci fonctionne à la perfection.

Bien entendu, ces mots ne serviraient pas à grand-chose sans les comédiens et leur metteur en scène.

Le patron des lieux, Benoît Lavigne, à son habitude, signe une mise en scène très alerte, sans temps morts, avec un art consommé du placement des corps dans un espace clos.
Il dirige ce quintet de comédiens avec une vraie précision et des choix judicieux.

Cinq comédiens qui vont nous prouver une nouvelle fois leur grand talent.
Cinq comédiens que l’on connaît bien pour les avoir déjà pratiquement tous applaudis, notamment dans la pièce Et si on ne se mentait plus .

Maxence Gaillard réussit à nous montrer un Blériot à la fois exalté, conquérant, mais également en proie au doute et au désespoir, à deux doigts de renoncer.
Les deux versants du personnage sont aussi crédibles l’un que l’autre. La progression, subtile, est d’une totale justesse.
Tout comme la narration du célébrissime vol. Je n’en dis pas plus.

Lauriane Lacaze est une formidable Alicia Blériot.
La comédienne fait sienne la fameuse maxime « Derrière chaque homme célèbre se cache une femme ».
Melle Lacaze nous dépeint parfaitement cette femme admiratrice de son mari, quitte à le bousculer en le poussant dans ses derniers retranchements. (Ne manquez surtout pas son regard, lorsqu’elle nous dit suivre des yeux son mari en vol.)

Mathieu Rannou nous fait beaucoup rire, en journaliste tel qu’on espère n’en plus rencontrer…
Ses entrées répétées, ses ruptures, son côté un peu Bouzin chez Feydeau, tout ceci ravit les spectateurs.

Ferdinand Colin, le mécano, est interprété de bien belle manière par Guillaume d’Harcourt, qui avec fougue et maestria campe ce passionné, sans qui « le patron » ne serait rien.
J’ai été totalement séduit par sa composition d’un type un peu bourru, au grand cœur, victime d’une certaine ingratitude. (Là encore, je me garderai bien d’aller plus avant…)

Et puis last but not least, Emmanuel Gaury nous joue le concurrent play-boy avec beaucoup d’engagement et de passion.
Sa première adresse au public est particulièrement réussie.
Sa scène dans la jungle (si si…) est d’une drôlerie éprouvée. On en redemanderait presque !

Je ne voudrais pas manquer de saluer la belle scénographie d’Angéline Croissant et les costumes très réussis de Sophie Mayer.
Et puis à la création sonore, Michel Winogradoff nous permet de nous souvenir du célèbre tube de Georgel « Dans mon aéroplane ».

Voici donc un spectacle des plus réussis, qui revient de façon épatante sur un exploit du début du siècle dernier, et qui nous rappelle au passage combien nous sommes redevables à cet homme.
Un pionnier visionnaire. Louis Blériot.

Venez donc vous aussi au Lucernaire vous envoler dans un ciel qui ne sera peut-être pas le septième, mais qui vous procurera néanmoins bien des émotions.
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