Ses critiques
898 critiques
10/10
Un spectacle impressionnant et déroutant. La pièce mythique de Beckett ainsi jouée nous plonge dans un univers où le vide, le néant et le rien illustrent un ailleurs ou un après étrangement proche et horrifiant à la fois. Aucune prise rationnelle ne semble possible. L’imaginaire du spectateur doit œuvrer en permanence malgré les piqués furtifs du réel, souvent drôles, ironiques et cyniques, propres au langage beckettien.
« Hamm est dans un fauteuil, il est vieux, infirme et aveugle. Tous les mouvements qu’il peut faire, c’est sur son fauteuil roulant qu’il les fait, poussé par Clov, un domestique, peut-être un fils adoptif, qui est lui-même mal en point, qui marche difficilement. Le vieillard a ses parents encore, qui sont dans des poubelles, son père et sa mère qu’on voit de temps en temps apparaître. Hamm et Clov se déchirent, jouent une sorte partie d’échecs, ils marquent des points l’un après l’autre. Et il y a ce suspense d’un départ éventuel de Clov. Partira-t-il ou non ? Peut-être. On ne le sait pas jusqu’à la fin. »
Le texte est perfide. Les actions sont mécaniques et dénuées de situations narratives. Les personnages voguent de désarroi en fuite, criant leur intransigeance, dénonçant leur interdépendance. Les parents sont des morts-vivants qui renâclent par sursauts. Clov et Hamm eux se combattent, s’aiment peut-être et s’ennuient. Alors ils jouent de ça, il jouent d’eux-mêmes. Ils jouent de leur solitude perpétuelle et troublée dans laquelle un récurent combat intérieur les conduit à tenter d’exprimer l’inexprimable. Mais l’un sans l’autre, ils ne peuvent pas jouer à ce jeu de survie, cette seule occupation qui leur reste pour lutter contre l’absurdité et l’inutilité qui les taraudent et les figent dans un présent perpétuel et improductif. Il faut que cela finisse.
Jacques Osinski s’y entend à merveille pour faire parler Beckett. Il installe dès le début comme une façon de quatrième mur par le bruissement du lourd rideau de fer qui se lève, le silence et la lenteur qui s’emparent du plateau et la scénographie qui donne à l’ensemble une évidence de vacuité de l’instant. Nous sommes alors prêts à rentrer dans un théâtre de ruptures et de suspensions dans lequel le non-sens fatal et implacable se glisse et prend place.
Sa mise en scène est détonante. Il distingue nettement dans l’espace-temps de la représentation la parole et le silence, l’écoute et l’attente, l’entendu et le sous-entendu, le mouvement et l’immobilité. Œuvrant pour restituer ce qui semble être l’essentiel du théâtre de Beckett : « la choseté ». Aux couleurs allant du noir clair au blanc sombre, ici la couleur de la nuit et celle du chien, la « choseté » est ce qui représente selon Beckett la structure intime et indiciblement complexe de la réalité : « La chose sans accident, communément dite rien ».
Par ailleurs, Jacques Osinski sert élégamment les jeux textuels du méta-théâtre que Beckett parsème tout le long, laissant aux comédiens le soin de les jouer sans emphase ni effets. On entend parler les personnages de leurs jeux d’acteurs (aparté, soliloque, à moi de jouer, réplique…), cassant tout en la valorisant l’illusion théâtrale.
L’interprétation est d’excellence.
Peter Bonke et Claudine Delvaux campent les parents avec simplicité et efficacité, faisant ressortir avec justesse l’incarnation de leur décrépitude, leur quête de tendresse aussi comme la lucidité de leur condition de souffre-douleur.
Frédéric Leidgens est Hamm. Il sert avec une parfaite rigidité fourbe le personnage de ce vieillard cabot, personnifiant la violence qui soumet les autres, atrocement cynique et férocement touchant.
Denis Lavant est un fascinant Clov. Nous sommes hypnotisés par sa prestation. Un envoutant clown élastique, meurtri et déterminé à ne pas « être », à ne rien faire d’autres que ce que Hamm demande. Il nous fait croire jusqu’à la fin à une rébellion et une émancipation possibles. C’est fabuleusement bien joué.
Un spectacle de très haute qualité. Une « fin de partie » remarquable et mémorable en tous points. Incontournable !
« Hamm est dans un fauteuil, il est vieux, infirme et aveugle. Tous les mouvements qu’il peut faire, c’est sur son fauteuil roulant qu’il les fait, poussé par Clov, un domestique, peut-être un fils adoptif, qui est lui-même mal en point, qui marche difficilement. Le vieillard a ses parents encore, qui sont dans des poubelles, son père et sa mère qu’on voit de temps en temps apparaître. Hamm et Clov se déchirent, jouent une sorte partie d’échecs, ils marquent des points l’un après l’autre. Et il y a ce suspense d’un départ éventuel de Clov. Partira-t-il ou non ? Peut-être. On ne le sait pas jusqu’à la fin. »
Le texte est perfide. Les actions sont mécaniques et dénuées de situations narratives. Les personnages voguent de désarroi en fuite, criant leur intransigeance, dénonçant leur interdépendance. Les parents sont des morts-vivants qui renâclent par sursauts. Clov et Hamm eux se combattent, s’aiment peut-être et s’ennuient. Alors ils jouent de ça, il jouent d’eux-mêmes. Ils jouent de leur solitude perpétuelle et troublée dans laquelle un récurent combat intérieur les conduit à tenter d’exprimer l’inexprimable. Mais l’un sans l’autre, ils ne peuvent pas jouer à ce jeu de survie, cette seule occupation qui leur reste pour lutter contre l’absurdité et l’inutilité qui les taraudent et les figent dans un présent perpétuel et improductif. Il faut que cela finisse.
Jacques Osinski s’y entend à merveille pour faire parler Beckett. Il installe dès le début comme une façon de quatrième mur par le bruissement du lourd rideau de fer qui se lève, le silence et la lenteur qui s’emparent du plateau et la scénographie qui donne à l’ensemble une évidence de vacuité de l’instant. Nous sommes alors prêts à rentrer dans un théâtre de ruptures et de suspensions dans lequel le non-sens fatal et implacable se glisse et prend place.
Sa mise en scène est détonante. Il distingue nettement dans l’espace-temps de la représentation la parole et le silence, l’écoute et l’attente, l’entendu et le sous-entendu, le mouvement et l’immobilité. Œuvrant pour restituer ce qui semble être l’essentiel du théâtre de Beckett : « la choseté ». Aux couleurs allant du noir clair au blanc sombre, ici la couleur de la nuit et celle du chien, la « choseté » est ce qui représente selon Beckett la structure intime et indiciblement complexe de la réalité : « La chose sans accident, communément dite rien ».
Par ailleurs, Jacques Osinski sert élégamment les jeux textuels du méta-théâtre que Beckett parsème tout le long, laissant aux comédiens le soin de les jouer sans emphase ni effets. On entend parler les personnages de leurs jeux d’acteurs (aparté, soliloque, à moi de jouer, réplique…), cassant tout en la valorisant l’illusion théâtrale.
L’interprétation est d’excellence.
Peter Bonke et Claudine Delvaux campent les parents avec simplicité et efficacité, faisant ressortir avec justesse l’incarnation de leur décrépitude, leur quête de tendresse aussi comme la lucidité de leur condition de souffre-douleur.
Frédéric Leidgens est Hamm. Il sert avec une parfaite rigidité fourbe le personnage de ce vieillard cabot, personnifiant la violence qui soumet les autres, atrocement cynique et férocement touchant.
Denis Lavant est un fascinant Clov. Nous sommes hypnotisés par sa prestation. Un envoutant clown élastique, meurtri et déterminé à ne pas « être », à ne rien faire d’autres que ce que Hamm demande. Il nous fait croire jusqu’à la fin à une rébellion et une émancipation possibles. C’est fabuleusement bien joué.
Un spectacle de très haute qualité. Une « fin de partie » remarquable et mémorable en tous points. Incontournable !
9,5/10
Un spectacle tout en douceur d'évocation, tissé de tendresse et délibérément dédié au bonheur, à l'amour et à l'humanité. Jean-Philippe Daguerre réussit une adaptation intelligemment dépourvue de pathos. Le fil narratif suit le flux du « feel good » propre au texte initial de Sandrel et égrène de belles scènes chaleureuses, émouvantes et drôles. Cela même si par moments des épines viennent piquer au vif l’attention pour nous surprendre dans les virages du récit et nous confronter au doute de la réussite.
« Louis, 12 ans et demi, est dans le coma depuis qu’il s’est fait renverser par un camion. Sa mère découvre alors son journal intime dans lequel il a dressé la liste de toutes les expériences qu’il aimerait vivre au cours de sa vie. Thelma prend alors la décision d’accomplir ces « Merveilles » à la place de son fils et de les lui raconter en espérant que ça l’aide à se réveiller. Mais ce n’est pas si facile de vivre les rêves d’un ado quand on a quarante ans et que Mamie Odette, la grand-mère de Louis, s’en mêle. »
Une juxtaposition d’histoires prégnantes et enthousiastes qui font du bien par bienveillance et qui captivent comme le font ces histoires dont on devine la fin mais dont on ne voudrait surtout pas manquer un seul passage. De l’amour maternel dans tous ses états à la découverte de l’alter ego en passant par les premiers émois, ce road-trip illusoire et quasi onirique enchaine les dons de soi qui compensent coup pour coup les dettes de la douleur, du sentiment de perte et de la peur du deuil.
La théâtralité de la narration, sans aucun appui ni excès, nous saisit par sa puissance émotionnelle dans laquelle on se laisse volontiers verser pour nous rassurer et éviter que la souffrance nous étreigne trop. Oui, il y a une connivence qui s’établit entre la représentation du réel qui nous est proposée et notre réalité. Mais n’est-ce pas là un des principes de la catharsis du théâtre ? Est-il alors si facile ne pas se projeter, de laisser percuter ses pensées, ses désirs et ses souvenirs ?
La crédibilité et la réussite de cette entreprise narrative reposent sur la sobriété de la mise en scène et la sincérité de l’interprétation. Il a fallu toutes les astuces et les tours savants de scénographie que Jean-Philippe Daguerre sait manier avec une dextérité discrète et efficace, une direction de jeux simples et fluides œuvrant dans l’intensité de l’éclat et du retranchement et que les artistes au plateau incarnent avec un délice de nuances et une évidence aboutie.
Théophile Baquet (impressionnant Louis), Juliette Behar, Jean Aloïs Belbachir, Magali Genoud, Hervé Haine et Marie-Christine Letort nous cueillent et nous accompagnent sans chichi ni falbala, dans des jeux tout en profondeur et sincérité. Le texte, juste le texte et un remarquable engagement de chaque instant jusqu’à cette scène finale qui soulève l’émotion et qui passe la rampe assurément.
« C'est quand parle l'amour aussitôt qu'on le gagne, décidément c'est pas facile tous les jours. C'est quand le bonheur ? » (du chanteur Cali que le personnage de Louis aime tant).
Un spectacle où l’amour et le don de soi se conjuguent pour répandre l’espoir et combattre le chagrin. Un moment de théâtre touchant. Un spectacle qui fait du bien. À ne surtout pas manquer !
« Louis, 12 ans et demi, est dans le coma depuis qu’il s’est fait renverser par un camion. Sa mère découvre alors son journal intime dans lequel il a dressé la liste de toutes les expériences qu’il aimerait vivre au cours de sa vie. Thelma prend alors la décision d’accomplir ces « Merveilles » à la place de son fils et de les lui raconter en espérant que ça l’aide à se réveiller. Mais ce n’est pas si facile de vivre les rêves d’un ado quand on a quarante ans et que Mamie Odette, la grand-mère de Louis, s’en mêle. »
Une juxtaposition d’histoires prégnantes et enthousiastes qui font du bien par bienveillance et qui captivent comme le font ces histoires dont on devine la fin mais dont on ne voudrait surtout pas manquer un seul passage. De l’amour maternel dans tous ses états à la découverte de l’alter ego en passant par les premiers émois, ce road-trip illusoire et quasi onirique enchaine les dons de soi qui compensent coup pour coup les dettes de la douleur, du sentiment de perte et de la peur du deuil.
La théâtralité de la narration, sans aucun appui ni excès, nous saisit par sa puissance émotionnelle dans laquelle on se laisse volontiers verser pour nous rassurer et éviter que la souffrance nous étreigne trop. Oui, il y a une connivence qui s’établit entre la représentation du réel qui nous est proposée et notre réalité. Mais n’est-ce pas là un des principes de la catharsis du théâtre ? Est-il alors si facile ne pas se projeter, de laisser percuter ses pensées, ses désirs et ses souvenirs ?
La crédibilité et la réussite de cette entreprise narrative reposent sur la sobriété de la mise en scène et la sincérité de l’interprétation. Il a fallu toutes les astuces et les tours savants de scénographie que Jean-Philippe Daguerre sait manier avec une dextérité discrète et efficace, une direction de jeux simples et fluides œuvrant dans l’intensité de l’éclat et du retranchement et que les artistes au plateau incarnent avec un délice de nuances et une évidence aboutie.
Théophile Baquet (impressionnant Louis), Juliette Behar, Jean Aloïs Belbachir, Magali Genoud, Hervé Haine et Marie-Christine Letort nous cueillent et nous accompagnent sans chichi ni falbala, dans des jeux tout en profondeur et sincérité. Le texte, juste le texte et un remarquable engagement de chaque instant jusqu’à cette scène finale qui soulève l’émotion et qui passe la rampe assurément.
« C'est quand parle l'amour aussitôt qu'on le gagne, décidément c'est pas facile tous les jours. C'est quand le bonheur ? » (du chanteur Cali que le personnage de Louis aime tant).
Un spectacle où l’amour et le don de soi se conjuguent pour répandre l’espoir et combattre le chagrin. Un moment de théâtre touchant. Un spectacle qui fait du bien. À ne surtout pas manquer !
9/10
Étonnant et drôle, voila un spectacle hors champ habituel, entre démonstrations documentées faisant des échappées belles, et performances de trois trublion·nes (!) en vadrouille qui partent et nous emportent avec eux, là où le sens devient flou et la raison folle.
« Faire revivre des objets disparus d’un quotidien ancien, obsolescence regrettée du vélomoteur, du téléviseur à tube cathodique, du téléphone à cadran, du service à asperges ou de la K7. Une sociologie des objets vintage qui sollicite les références de l’époque, littérature, musique, cinéma, médias, histoire, et fait renaître en plusieurs épisodes les truculents fantômes de la plus inattendue des mémoires collectives. »
Pourquoi cet hier nous parle autant aujourd’hui ? Pour sauver de l’oubli, disent-ils, ces accessoires obsolètes et ces mœurs d’un autre âge, estampillés vintage. Afin de ne pas les enfouir trop loin dans nos souvenirs ? Certes. C’est leur affaire et finalement, cela fonctionne plutôt bien.
Mais faut pas non plus pousser Jeanne-Marie dans les orties au risque de casser le service à asperges ! Ni même entendre un vélomoteur dans un téléphone à cadran rotatif ou l’enregistrer sur une K7 audio ! Non, nous ne sommes pas dupes. C’est surtout une bonne occasion de baigner le passé dans un bac à délires, de le revisiter pour voir si pris au piège de la dérision poussée à l’extrême, la nostalgie serait toujours camarade.
Et surtout, si nous rirons autant qu’ils ont dû rire en composant cet objet théâtral iconoclaste. Et bien « bingo », « banco », « encore » ! Ça marche ! Les sourires se devinent, les rires s’entendent et les fous-rires fusent. Car c’est très drôle que tout cela.
Le non-sens et l’absurde s’allient dans des jeux malins où des ribambelles de rebondissements incongrus frisent le dadaïsme (suisse il est vrai mais bon...). L’écriture collective des trois artistes au plateau est teintée d’un naturalisme abscons à la précision démoniaque et au langage percutant, façon saillies.
Que font-ils donc ? Rappels de mémoire passés devant un miroir déformant ou jeux de dupes avec les souvenirs ? On ne sait pas, on ne sait plus. Au début, on croit volontiers au documentaire amusé et amusant puis très vite, ça part en vrille et à chaque fois, nous voilà transposés dans un ailleurs totalement loufoque et savoureux.
Cinq objets, cinq prétextes, cinq pièces courtes, cinq délires magistraux. On en redemande !
Catherine Büchi (délicate autant que bien barrée), Léa Pohlhammer (déjantée, plus on ne peut pas, une « nature » comme on dit) et Pierre Mifsud (finement espiègle et franchement drôle), nous cueillent à chaque coup, en solo comme en trio. Excellents comédiens, les jeux travaillés convoquent la pantomime, le clown, le bruitage, le chant, les allures et les postures de la comédie gaguesque avec une maîtrise du corps et de la voix impressionnante.
Cinq pièces courtes pour un ou deux épisodes composent ce spectacle qui dépote et qui réjouit. À découvrir pour le plaisir de rire. Je recommande !
« Faire revivre des objets disparus d’un quotidien ancien, obsolescence regrettée du vélomoteur, du téléviseur à tube cathodique, du téléphone à cadran, du service à asperges ou de la K7. Une sociologie des objets vintage qui sollicite les références de l’époque, littérature, musique, cinéma, médias, histoire, et fait renaître en plusieurs épisodes les truculents fantômes de la plus inattendue des mémoires collectives. »
Pourquoi cet hier nous parle autant aujourd’hui ? Pour sauver de l’oubli, disent-ils, ces accessoires obsolètes et ces mœurs d’un autre âge, estampillés vintage. Afin de ne pas les enfouir trop loin dans nos souvenirs ? Certes. C’est leur affaire et finalement, cela fonctionne plutôt bien.
Mais faut pas non plus pousser Jeanne-Marie dans les orties au risque de casser le service à asperges ! Ni même entendre un vélomoteur dans un téléphone à cadran rotatif ou l’enregistrer sur une K7 audio ! Non, nous ne sommes pas dupes. C’est surtout une bonne occasion de baigner le passé dans un bac à délires, de le revisiter pour voir si pris au piège de la dérision poussée à l’extrême, la nostalgie serait toujours camarade.
Et surtout, si nous rirons autant qu’ils ont dû rire en composant cet objet théâtral iconoclaste. Et bien « bingo », « banco », « encore » ! Ça marche ! Les sourires se devinent, les rires s’entendent et les fous-rires fusent. Car c’est très drôle que tout cela.
Le non-sens et l’absurde s’allient dans des jeux malins où des ribambelles de rebondissements incongrus frisent le dadaïsme (suisse il est vrai mais bon...). L’écriture collective des trois artistes au plateau est teintée d’un naturalisme abscons à la précision démoniaque et au langage percutant, façon saillies.
Que font-ils donc ? Rappels de mémoire passés devant un miroir déformant ou jeux de dupes avec les souvenirs ? On ne sait pas, on ne sait plus. Au début, on croit volontiers au documentaire amusé et amusant puis très vite, ça part en vrille et à chaque fois, nous voilà transposés dans un ailleurs totalement loufoque et savoureux.
Cinq objets, cinq prétextes, cinq pièces courtes, cinq délires magistraux. On en redemande !
Catherine Büchi (délicate autant que bien barrée), Léa Pohlhammer (déjantée, plus on ne peut pas, une « nature » comme on dit) et Pierre Mifsud (finement espiègle et franchement drôle), nous cueillent à chaque coup, en solo comme en trio. Excellents comédiens, les jeux travaillés convoquent la pantomime, le clown, le bruitage, le chant, les allures et les postures de la comédie gaguesque avec une maîtrise du corps et de la voix impressionnante.
Cinq pièces courtes pour un ou deux épisodes composent ce spectacle qui dépote et qui réjouit. À découvrir pour le plaisir de rire. Je recommande !
9/10
Une fiction aux allures d’uchronie documentée qui retrace la relation entre les deux créateurs du groupe mythique et qui nous emporte dans son hypothèse fantasmagorique un peu folle à laquelle les fans des Beatles, dont je suis, vont se prendre à rêver.
« Et si John Lennon et Paul McCartney, les deux légendes des Beatles s’étaient enfin retrouvés un matin de novembre 1980, 11 jours avant la mort de John… ? »
Un récit inattendu qui attise la curiosité et enflamme les souvenirs, baigné de références, nombreuses et volubiles, trop peut-être pour les novices mais certainement savoureuses pour les autres. Extraits musicaux, vidéos et jeux composent un ensemble narratif cohérent et captivant.
Paul vient rendre visite à John, une idée en tête, des sentiments plein les poches et des espoirs dans les yeux. Imagine John que tout n’est pas fini, imagine John !
« Tu peux dire que je suis un rêveur
Mais je ne suis pas le seul
Imagine aucune possession
Je me demande si tu peux »
(« Imagine », Lennon et Ono, 1971)
La surprenante proposition de Paul fait remonter le temps et permet d’entendre les mélodies célèbres en faisant resurgir des reproches comme autant de comptes à régler qui ne l’ont pas été ou qui n’ont pas lieu de l’être. On a tant dit et inventé sur la relation entre ceux deux-là. Comment distinguer le vrai du faux ? Comment enfouir les buzz ragotiques dans la rancœur des frustrés en quête de romances pour apaiser leur manque ?
« Voilà aujourd'hui vingt ans
Que Sgt. Pepper apprit à jouer au groupe
Ils sont plus ou moins à la mode
Mais avec eux, on est sûr de ne pas s'ennuyer »
(« Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band », Mccartney, 1967)
On le voit bien, le spectacle ne se prive pas de le montrer, amitié, jalousie et émulation nourrissent les ingrédients de cette entente créative qui a fini par s’évanouir, laissant l’un sans l’autre, ballotés sans doute entre le désir d’émancipation et le sentiment d’abandon.
« Car, bien qu'ils peuvent être séparés il y a
Encore une chance que l'on verra
Il y aura une réponse, ainsi soit-il.
Chuchote des paroles de sagesse, ainsi soit-il ! »
(« Let it be », Mccartney, 1970)
L’écriture de Germain Récamier se fait précise et instruite sur le plan historique, onirique et piquante sur celui de la narration. Il y a de l’hommage et de la révérence dans cette pièce, une envie incongrue et communicative de poursuivre le rêve au réveil d’un matin sans lendemain. Paroles réalistes au ton d’aujourd’hui et choix d’extraits de musiques légendaires aux parfums d’hier. De la nostalgie peut-être, du plaisir c’est certain.
Camille Broquet signe une mise en scène sobre, à la sérénité feinte qui cache mais laisse entrevoir toutefois, les tensions et les hésitations, les remords et les envies, les affres d’une amitié concurrente dont le feu affectif couve encore. Les comédiens n’ont plus qu’à prendre place pour nous entreprendre.
Zuriel de Peslouan et Régis Lionti incarnent avec vigueur et nuances ces deux personnages emblématiques sans jamais sombrer dans une quelconque imitation. Véritablement crédibles, ils sont John et Paul. Etonnantes et convaincantes prestations qui nous ravissent.
Un spectacle au charme fou où la tendresse n’est jamais loin. Un récit teinté d’émotion qui nous raconte une joute imaginaire des deux créateurs des Beatles, où l’affrontement et l’admiration se conjuguent en permanence. Écrit avec une chaleur prégnante, mis en vie avec une sensibilité touchante et formidablement interprété. Je préviens, fort risque d’écoute des albums en rentrant chez soi… ou pas mais je tiens le pari. À découvrir sans aucun doute.
« Et si John Lennon et Paul McCartney, les deux légendes des Beatles s’étaient enfin retrouvés un matin de novembre 1980, 11 jours avant la mort de John… ? »
Un récit inattendu qui attise la curiosité et enflamme les souvenirs, baigné de références, nombreuses et volubiles, trop peut-être pour les novices mais certainement savoureuses pour les autres. Extraits musicaux, vidéos et jeux composent un ensemble narratif cohérent et captivant.
Paul vient rendre visite à John, une idée en tête, des sentiments plein les poches et des espoirs dans les yeux. Imagine John que tout n’est pas fini, imagine John !
« Tu peux dire que je suis un rêveur
Mais je ne suis pas le seul
Imagine aucune possession
Je me demande si tu peux »
(« Imagine », Lennon et Ono, 1971)
La surprenante proposition de Paul fait remonter le temps et permet d’entendre les mélodies célèbres en faisant resurgir des reproches comme autant de comptes à régler qui ne l’ont pas été ou qui n’ont pas lieu de l’être. On a tant dit et inventé sur la relation entre ceux deux-là. Comment distinguer le vrai du faux ? Comment enfouir les buzz ragotiques dans la rancœur des frustrés en quête de romances pour apaiser leur manque ?
« Voilà aujourd'hui vingt ans
Que Sgt. Pepper apprit à jouer au groupe
Ils sont plus ou moins à la mode
Mais avec eux, on est sûr de ne pas s'ennuyer »
(« Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band », Mccartney, 1967)
On le voit bien, le spectacle ne se prive pas de le montrer, amitié, jalousie et émulation nourrissent les ingrédients de cette entente créative qui a fini par s’évanouir, laissant l’un sans l’autre, ballotés sans doute entre le désir d’émancipation et le sentiment d’abandon.
« Car, bien qu'ils peuvent être séparés il y a
Encore une chance que l'on verra
Il y aura une réponse, ainsi soit-il.
Chuchote des paroles de sagesse, ainsi soit-il ! »
(« Let it be », Mccartney, 1970)
L’écriture de Germain Récamier se fait précise et instruite sur le plan historique, onirique et piquante sur celui de la narration. Il y a de l’hommage et de la révérence dans cette pièce, une envie incongrue et communicative de poursuivre le rêve au réveil d’un matin sans lendemain. Paroles réalistes au ton d’aujourd’hui et choix d’extraits de musiques légendaires aux parfums d’hier. De la nostalgie peut-être, du plaisir c’est certain.
Camille Broquet signe une mise en scène sobre, à la sérénité feinte qui cache mais laisse entrevoir toutefois, les tensions et les hésitations, les remords et les envies, les affres d’une amitié concurrente dont le feu affectif couve encore. Les comédiens n’ont plus qu’à prendre place pour nous entreprendre.
Zuriel de Peslouan et Régis Lionti incarnent avec vigueur et nuances ces deux personnages emblématiques sans jamais sombrer dans une quelconque imitation. Véritablement crédibles, ils sont John et Paul. Etonnantes et convaincantes prestations qui nous ravissent.
Un spectacle au charme fou où la tendresse n’est jamais loin. Un récit teinté d’émotion qui nous raconte une joute imaginaire des deux créateurs des Beatles, où l’affrontement et l’admiration se conjuguent en permanence. Écrit avec une chaleur prégnante, mis en vie avec une sensibilité touchante et formidablement interprété. Je préviens, fort risque d’écoute des albums en rentrant chez soi… ou pas mais je tiens le pari. À découvrir sans aucun doute.
9/10
C’est un spectacle tout à fait inattendu qui vaut le détour. Des clowns sur une scène de théâtre faisant les clowns certes, mais pas que ! Des numéros de music-hall alors ? (c’est ça ! comme Grock, Oleg Popov ou Pierre Étaix, on les a bien vu sur des scènes ceux-là, non ?) Et bien pas plus.
Ni pièce de théâtre, ni numéros de cirque, ni utilités de music-hall… Mais tout cela à la fois dans une ribambelle de séquences façon anecdotes documentées bourrées de références avec des morceaux d’expériences dedans.
« Il y a des loges de fortune, un cercle tracé au sol et en son centre une table et trois acteurs autour. Les spectateurs entrent. La représentation a-t-elle commencé ? Les acteurs se transforment en clowns. Monsieur Lô, le Blanc et les Augustes Marcel et Airbus révisent leurs classiques puis partent pour un hommage aux clowns d'antan et ça dérape crescendo. Perruques, peau de banane, fausses sorties, domptage, fanfare, engueulades, jonglage, coups-fourrés, scintillements, acrobaties, mélancolie, cascades, opportunisme et gloutonnerie, pouvoir et autorité, veuleries, crâneries, haute estime de soi et encore un tour de piste ! »
Voici un bel hommage à l’histoire et à la tradition du Clown, un hommage instruit et illustré formidablement par trois circassiens de souche qui se répartissent à merveille les rôles du trio clownesque légendaire. Le trio ici est composé de monsieur Lô (le clown blanc), de Airbus et Marcel (deux augustes jouant le pitre et le contre-pitre).
Tout y est ! L’absurde des situations et des saillies, la tristesse du ratage ou de l’humiliation, le burlesque traversant et la poésie des grands enfants timides ou extravertis, toujours complices qui s’amusent autant que nous d’être pris les doigts dans le pot de confiture ou se roulant par terre à force de rire de leurs propres bêtises. La cruauté rejoint l’affection. La peur de l’autorité se fait joueuse cherchant souvent à inverser les rôles.
Mais un petit « plus » adroit et bien ficelé, comme un écart ou un pas de côté, fait ripper l’ensemble qui pourrait sinon être bien trop sage et conventionnel. Il s’agit du regard dans le miroir que ces trublions ne se privent pas d’avoir. Comme si leurs personnages ne suffisaient pas à nous raconter leurs histoires, à nous montrer cette farandole savante et drôle de blagues, de pantomimes acrobatiques, d’entrées de clowns ratées, de chutes attendues.
Il n’y a pas de piste ronde bordée d’un muret symbolisant leur territoire, nous ne sommes pas au cirque. Nous sommes dans un théâtre. Et ils font fi du 4ème mur. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’ils finissent de se maquiller à vue, qu’ils commentent souvent les actions et les explications. Ils ne sont pas les dupes de leurs rôles ni ne souhaitent qu’on le devienne. Il y a comme une franche et très agréable narration de leurs histoires d’artistes dans cette Histoire des clowns.
Oui, c’est un spectacle tout à fait inattendu sans aucun doute. Agréable et plein d’empathie. Intéressant, divertissant et drôle à souhait. Et même si les enfants (petits et grands) n'y voient que du jeu (oh que ça riait), les adultes n'y verront pas que du feu (et ils riaient tout autant). À découvrir sans hésiter et à savourer au premier comme au deuxième degré voire au troisième, soyons clowns !
Ni pièce de théâtre, ni numéros de cirque, ni utilités de music-hall… Mais tout cela à la fois dans une ribambelle de séquences façon anecdotes documentées bourrées de références avec des morceaux d’expériences dedans.
« Il y a des loges de fortune, un cercle tracé au sol et en son centre une table et trois acteurs autour. Les spectateurs entrent. La représentation a-t-elle commencé ? Les acteurs se transforment en clowns. Monsieur Lô, le Blanc et les Augustes Marcel et Airbus révisent leurs classiques puis partent pour un hommage aux clowns d'antan et ça dérape crescendo. Perruques, peau de banane, fausses sorties, domptage, fanfare, engueulades, jonglage, coups-fourrés, scintillements, acrobaties, mélancolie, cascades, opportunisme et gloutonnerie, pouvoir et autorité, veuleries, crâneries, haute estime de soi et encore un tour de piste ! »
Voici un bel hommage à l’histoire et à la tradition du Clown, un hommage instruit et illustré formidablement par trois circassiens de souche qui se répartissent à merveille les rôles du trio clownesque légendaire. Le trio ici est composé de monsieur Lô (le clown blanc), de Airbus et Marcel (deux augustes jouant le pitre et le contre-pitre).
Tout y est ! L’absurde des situations et des saillies, la tristesse du ratage ou de l’humiliation, le burlesque traversant et la poésie des grands enfants timides ou extravertis, toujours complices qui s’amusent autant que nous d’être pris les doigts dans le pot de confiture ou se roulant par terre à force de rire de leurs propres bêtises. La cruauté rejoint l’affection. La peur de l’autorité se fait joueuse cherchant souvent à inverser les rôles.
Mais un petit « plus » adroit et bien ficelé, comme un écart ou un pas de côté, fait ripper l’ensemble qui pourrait sinon être bien trop sage et conventionnel. Il s’agit du regard dans le miroir que ces trublions ne se privent pas d’avoir. Comme si leurs personnages ne suffisaient pas à nous raconter leurs histoires, à nous montrer cette farandole savante et drôle de blagues, de pantomimes acrobatiques, d’entrées de clowns ratées, de chutes attendues.
Il n’y a pas de piste ronde bordée d’un muret symbolisant leur territoire, nous ne sommes pas au cirque. Nous sommes dans un théâtre. Et ils font fi du 4ème mur. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’ils finissent de se maquiller à vue, qu’ils commentent souvent les actions et les explications. Ils ne sont pas les dupes de leurs rôles ni ne souhaitent qu’on le devienne. Il y a comme une franche et très agréable narration de leurs histoires d’artistes dans cette Histoire des clowns.
Oui, c’est un spectacle tout à fait inattendu sans aucun doute. Agréable et plein d’empathie. Intéressant, divertissant et drôle à souhait. Et même si les enfants (petits et grands) n'y voient que du jeu (oh que ça riait), les adultes n'y verront pas que du feu (et ils riaient tout autant). À découvrir sans hésiter et à savourer au premier comme au deuxième degré voire au troisième, soyons clowns !