Dieu, que la langue française est belle et musicale !

Merci, merci, Jacques Rampal pour ce texte bien troussé, ces dialogues qui coulent et roulent sous le palais de deux comédiens de très bonne trempe (en n°1 sur le podium : Célimène, sobre, diction parfaite, alors que le Cardinal aurait gagné à moins de mimiques grand public et plus de "grandeur").
Dire des alexandrins comme on dit de la prose, les recevoir comme s'il était tout a fait naturel de s'exprimer en rimes, quel bel exercice de style ! Mais pas que. Le propos de la pièce est si contemporain : l'amour, le pouvoir, la condition des femmes, avec un rappel historique pour nous enfants du XXe siècle du pouvoir éternel de la religion....

Donc, un pur délice, une pièce drôle, intelligente et pour tout public (les plus jeunes spectateurs de cette séance d'un dimanche après midi avaient 12 et 15 ans... Et ils ont aimé ! Quelle bonne introduction à des pièces classiques en alexandrins ! Vite chez Racine ! )

La pièce s'est arrêtée le 29 novembre : espérons qu'elle reviendra vite !

Nelson... sonne tsoin tsoin !

Ah la belle bonne grosse pièce de boulevard que voilà, avec les gros sabots là où il faut, quand il faut, un propos d'une minceur Weight Watchers défendu par une fausse Jacqueline Maillan (pour les plus jeunes : divine actrice spécialisée il y a 40 ans dans les rôles de bourgeoises coincées mais pince sans rire dans des comédies taillées sur mesure pour son magnifique talent et abattage ), je veux dire LA Chantal Ladesou... qui gagnerait à éclaircir sa diction et à jouer moins forcé tout le temps pour nous laisser respirer un peu et rire sans s'y sentir poussés comme des veaux a l'abattage.
Une pièce de boulevard ne se joue pas comme une one woman show, chère Chantal : on joue avec les autres, donc on leur laisse un peu de place... Mais vous l'a t'on seulement demandé, ou plutôt de faire à fond du "Chantal Ladesou" pour faire passer ce texte qui vaut moins que votre talent néanmoins évident... Car la salle rit franchement, bon enfant, acquise, quoique vous fassiez.

On s'amuse ? Ça, on ne s'ennuie pas, mais franchement, que ça sent le "fabriqué".
On y va ? Si on aime le grand boulevard, oui ! Tous les acteurs sont bons, le rythme d'enfer, on se dit : c'est du grand guignol, mais on pouffe, si, si, et plusieurs fois, à de jolies répliques, à quelques scènes assez déjantées (en particulier un numéro gratiné de danse de toute la troupe).

Allons, ne boudons aucun petit, tout petit plaisir par les temps qui courent... Le plus grand étant de voir les mines réjouies du public sortant du théâtre, ayant oublié pendant un temps les tristes comiques qui nous gouvernent...

Ça démarre lentement. J'ai peur.

Les blagues facilounettes, les jeux sur les mots jolis mais un peu déjà entendus. Je souris gentiment. Sans plus.
Puis Gilles Détroit mime une allumette. A s’y méprendre !
Ici et là de jolies trouvailles : « les trigraines » (les migraines pas à moitié).
« Elle se shoote au Paic ou quoi ? »
« J'ai pas le satellite, j'ai déjà du mal à payer la bagnole »
« Un timbre a des dents pour se défendre pendant le voyage »

L'absurde pointe son nez, ça s'accélère un peu. Je souris plus souvent.
Ma voisine de derrière rit systématiquement à gorge déployée (une amie ? Un très bon public ? Une chauffeuse de salle ?).

Et soudain un sketch, certes facile sur le langage à double sens d'un homme lisant sa liste de courses au supermarché, mais qui se tient, dont le tempo soutenu fait vraiment rire.
Un autre sketch encore et un fou rire grâce aux jeux de mots et à l'absurde menés tambour battant.
Oui un vrai fou rire.
Je regarde autour de moi, le public rit lui aussi à gorge déployée.

En résumé, Gilles Détroit a une belle élocution, du métier, mais j’ai trouvé qu’il y avait trop de facilités dans son spectacle.

Prenez 4 beaux comédiens bien talentueux.
Liez avec un thème de pièce universel : l'amour.
Ajoutez une pincée de lumières classiques et un beau décor moderne et épuré.
N'oubliez pas d'habiller le tout avec des costumes bien du XXIe siècle.

Mélangez bien. Faites cuire sous feux doux.
Dégustez.
Zut. C’est mauvais. Sans saveur.
Pourquoi ?

Isabelle Adjani n'est pas en phase avec les autres comédiens.
Elle joue soit trop (ah, la voix off de Phèdre, mélodramatique comme dans un premier film parlant, ses mains qui se tordent) soit trop peu (parfois on n'entend pas ses répliques) soit elle tombe juste (quand le texte le lui permet ?).
On la sent mal dirigée (ou pas ?) et il faut pouvoir le faire sinon on n'engage pas une star hyper sensible et intelligente comme elle.

Mais comment peuvent-ils tous les trois s'en sortir avec un texte, des personnages et une mise en scène aussi... plats et convenus ?
Les scènes s'enchainent comme des minis tableaux qui manquent de liens et de pleins.
Elle est une rédac chef dont on cerne mal le caractère.
Il est un jeune et beau stagiaire qui lui fait du gringue à l'ancienne sans qu'on sache très bien si c'est par jeu, par intérêt, ou un coup de foudre. Au bout d'un moment, on s'en fout, de toute façon.
La mère du stagiaire est en même temps la copine de la rédac chef. Et elle ne sait pas que son fils est le stagiaire amoureux de sa copine (vous suivez, n'est-ce pas).

La rédac chef tombe sous le charme du jeune homme. Paf, en deux scénettes. Après quelques soupirs énamourés de part et d'autre (mais où est l'émotion ? La tension du désir ? Pourquoi on n'est pas touchés ?). Elle l'emmène en weekend. Et boum, parce qu'elle le fait attendre après une conférence de presse qu'elle a mené glorieusement, il a une crise d'ado en mal de reconnaissance (ou une crise œdipienne ?) et ne veut plus coucher ! Ah ? Ah.
Et puis, la mère juive-italienne-qui-se-fait-tellement-de-soucis-pour-son-fils apprend que son fils a failli coucher avec sa copine.

Ai-je envie de vous raconter la fin ? Non, pas la peine. Vous serez tombés endormis, comme moi, avant.

Allez donc louer le délicieux film de Ben Younger sur presque le même thème avec Uma Thurman et Meryl Streep, et savourez, quel que soit votre sexe, le jeune acteur craquant et sexy, le charme des dialogues, la drôlerie des quiproquos... (ça s'appelle en Français : Petites confidences (à ma psy)).
Ou, plus intello, mais tout aussi jouissif, relisez Phèdre un weekend de pluie, et souvenez-vous qu’une magnifique jeune actrice a fait pleurer un jour toute une salle rien qu'en disant une simple réplique : le petit chat est mort...
(non, ce n'est pas dans Phèdre, et oui, c'était Isabelle Adjani jouant Agnès, dans l’École des Femmes, de Molière, et oui Adjani aurait pu jouer Phèdre avec feu le talentueux metteur en scène Patrice Chereau mais elle a probablement eu peur de s'y consumer).

On pleure de rage de voir ces comédiens livrés à telle indigence.
Kincheap, cheap cheap.

Bon Dieu, madame Adjani, prenez un bon agent ou écoutez le vôtre, ou changez de lunettes, ou autorisez-vous enfin à choisir aussi fin et incarné que vous... ne recevez-vous pas autant de bons textes que ça ? Mais où sont les auteurs ?
Je vous attends.