Ses critiques
9 critiques
10/10
Jamais trois heures de théâtre ne seront passées aussi vite.
De la mini série de Rainer Werner Fassbinder en cinq épisodes, diffusée en 1972, Julie Deliquet en extrait un moment de vie où tout semble se jouer là, maintenant, sur le plateau.
Les acteurs mangent, se douchent, se recoiffent, s'invectivent, ils vivent et on en oublie qu'ils jouent.
Julie Deliquet fait naître dans chaque détail, chaque dialogue, cette double sensation de la finesse et du mordant.
Huit heures ne font pas un jour déconstruit les préjugés de la classe moyenne envers la classe ouvrière et décortique le monde du travail ouvrier.
L'usine devient le lieu de la catharsis où tout se joue, tout se passe. Elle est le cœur de la pièce, le cœur de la vie des ouvriers.
L’espace scénique se repartit entre le bureau du contremaître, la cuisine, les douches, l'espace de travail, la chambre de repos, les toilettes et les vestiaires. Chacun évolue d'une pièce à l'autre et notre regard se perd dans cette vie qui foisonne sous nos yeux.
Le texte tourne autour de la question de l'organisation du travail, d'amour et de bonheur. Tout est liè.
Ici les femmes ne sont ni hystériques, ni mariées, ni enceintes, elles se veulent libres et entreprenantes.
Le champ lexical de l'usine, le comité d'entreprise, le profit, se mêle aux mots de la vie, au besoin, à l'envie.
D'un esprit positif, les ouvriers vivent le monde de l'usine en essayant toujours de le déconstruire et d'envisager le travail autrement. Ils luttent sans violence, avec tous leurs espoirs et en tenant compte des aspérités de chacun.
Julie Deliquet et sa troupe de comédiens nous offrent un moment jubilatoire où le théâtre et la vie ne font plus qu'un. L’œuvre engagée et militante est une véritable épopée solidaire et familiale, interprétée avec une énergie et un humour communicatifs et un souffle optimiste.
De la mini série de Rainer Werner Fassbinder en cinq épisodes, diffusée en 1972, Julie Deliquet en extrait un moment de vie où tout semble se jouer là, maintenant, sur le plateau.
Les acteurs mangent, se douchent, se recoiffent, s'invectivent, ils vivent et on en oublie qu'ils jouent.
Julie Deliquet fait naître dans chaque détail, chaque dialogue, cette double sensation de la finesse et du mordant.
Huit heures ne font pas un jour déconstruit les préjugés de la classe moyenne envers la classe ouvrière et décortique le monde du travail ouvrier.
L'usine devient le lieu de la catharsis où tout se joue, tout se passe. Elle est le cœur de la pièce, le cœur de la vie des ouvriers.
L’espace scénique se repartit entre le bureau du contremaître, la cuisine, les douches, l'espace de travail, la chambre de repos, les toilettes et les vestiaires. Chacun évolue d'une pièce à l'autre et notre regard se perd dans cette vie qui foisonne sous nos yeux.
Le texte tourne autour de la question de l'organisation du travail, d'amour et de bonheur. Tout est liè.
Ici les femmes ne sont ni hystériques, ni mariées, ni enceintes, elles se veulent libres et entreprenantes.
Le champ lexical de l'usine, le comité d'entreprise, le profit, se mêle aux mots de la vie, au besoin, à l'envie.
D'un esprit positif, les ouvriers vivent le monde de l'usine en essayant toujours de le déconstruire et d'envisager le travail autrement. Ils luttent sans violence, avec tous leurs espoirs et en tenant compte des aspérités de chacun.
Julie Deliquet et sa troupe de comédiens nous offrent un moment jubilatoire où le théâtre et la vie ne font plus qu'un. L’œuvre engagée et militante est une véritable épopée solidaire et familiale, interprétée avec une énergie et un humour communicatifs et un souffle optimiste.
8/10
Justine souffre.
En pleurs, elle entre dans le cabinet d'un psychiatre trouvé au hasard.
Justine n'accepte pas le départ de son père pour une femme plus jeune que sa mère. Entre jalousie et déni, elle se noie dans une colère qui a pris toute la place.
Subtilement, le psychiatre lui demande alors d’imaginer les réponses de celui qui l'a blessée et qu'elle invective.
Initiée par le psychiatre à la thérapie singulière, se noue alors une conversation avec l’absent, avec ce père qu'elle n'arrive plus à regarder en face.
Justine exulte tout le sentiment d'abandon qui la submerge. Elle affronte alors ce qui la hante, et se confronte à ce qui l'empêche de dormir. Si elle pense souffrir pour sa mère, c'est bien elle qui la nuit pleure.
Justine verbalise et exorcise la douleur de la perte. La perte de son père, la perte de l'enfance, la perte de son statut de fille unique.
Louise Caillé impose sa présence. De sa voix, de son corps et de sa sensibilité, elle emplit tout l'espace scénique. Face à l'assurance et au charisme naturel de Xavier Simonin, Louise Caillé se pare d'une émotion qui lui permet de porter tous les rôles avec justesse. Le duo d'acteurs s'équilibre. L'un se lâche, l'autre cadre.
Louise Caillé capte toute l'importance de faire exister sur le plateau celui qui n'est pas là et qui pourtant prend toute la place. Par un jeu de regard subtil, fait d'évitements et de gène, elle installe la présence de son père. Un véritable dialogue s'instaure avec lui, elle le fait vivre jusqu'à prendre sa place. Les rôles s’inversent, les non-dits se délient.
Louise Caillé maintient du début à la fin ce rythme effréné de la parole qui se libère. Tel un chef d'orchestre, Xavier Simonin marque le tempo d'un claquement de doigt, d'un jeu de chaises musicales. Dans un pas de deux, Louise Caillé et Xavier Simonin, se tournent autour, ouvrent l'espace et s'écoutent.
Camille Eldessa et Michel Léviant livrent un texte sensible, orignal et très personnel.
Avancer nécessite parfois de changer de perspective : s'assoir un instant sur la chaise de l'autre, changer de place pour mieux envisager un point de vue différent. Comprendre c'est aussi percevoir les choses sous un angle nouveau.
Xavier Simonin et Louise Caillé nous donnent une belle leçon de tolérance et font de cette histoire de tous les jours un moment unique et émouvant.
En pleurs, elle entre dans le cabinet d'un psychiatre trouvé au hasard.
Justine n'accepte pas le départ de son père pour une femme plus jeune que sa mère. Entre jalousie et déni, elle se noie dans une colère qui a pris toute la place.
Subtilement, le psychiatre lui demande alors d’imaginer les réponses de celui qui l'a blessée et qu'elle invective.
Initiée par le psychiatre à la thérapie singulière, se noue alors une conversation avec l’absent, avec ce père qu'elle n'arrive plus à regarder en face.
Justine exulte tout le sentiment d'abandon qui la submerge. Elle affronte alors ce qui la hante, et se confronte à ce qui l'empêche de dormir. Si elle pense souffrir pour sa mère, c'est bien elle qui la nuit pleure.
Justine verbalise et exorcise la douleur de la perte. La perte de son père, la perte de l'enfance, la perte de son statut de fille unique.
Louise Caillé impose sa présence. De sa voix, de son corps et de sa sensibilité, elle emplit tout l'espace scénique. Face à l'assurance et au charisme naturel de Xavier Simonin, Louise Caillé se pare d'une émotion qui lui permet de porter tous les rôles avec justesse. Le duo d'acteurs s'équilibre. L'un se lâche, l'autre cadre.
Louise Caillé capte toute l'importance de faire exister sur le plateau celui qui n'est pas là et qui pourtant prend toute la place. Par un jeu de regard subtil, fait d'évitements et de gène, elle installe la présence de son père. Un véritable dialogue s'instaure avec lui, elle le fait vivre jusqu'à prendre sa place. Les rôles s’inversent, les non-dits se délient.
Louise Caillé maintient du début à la fin ce rythme effréné de la parole qui se libère. Tel un chef d'orchestre, Xavier Simonin marque le tempo d'un claquement de doigt, d'un jeu de chaises musicales. Dans un pas de deux, Louise Caillé et Xavier Simonin, se tournent autour, ouvrent l'espace et s'écoutent.
Camille Eldessa et Michel Léviant livrent un texte sensible, orignal et très personnel.
Avancer nécessite parfois de changer de perspective : s'assoir un instant sur la chaise de l'autre, changer de place pour mieux envisager un point de vue différent. Comprendre c'est aussi percevoir les choses sous un angle nouveau.
Xavier Simonin et Louise Caillé nous donnent une belle leçon de tolérance et font de cette histoire de tous les jours un moment unique et émouvant.
10/10
Pauline Bayle adapte le roman de Balzac et met en scène avec une cohérence et une fluidité enivrante l’ascension fulgurante puis la déchéance du jeune héros balzacien, noyé dans les affres de la réussite.
Illusions Perdues est l’histoire de ce jeune poète provincial qui, enivré par son succès dans les salons d’Angoulême, se retrouve perdu et déboussolé une fois arrivé à Paris. A force de complicités et de stratagèmes, Julien de Rubempré trouvera sa place dans le milieu du journalisme et signera son éphémère réussite, mais aussi la fin de sa carrière littéraire.
Étourdi par le succès, il consumera dans les bras d'une actrice de boulevard les derniers feux de son insouciance et de sa naïveté.
Autour du personnage central c'est toute la société littéraire du Paris des années 1820 qui évolue. Ici, exit le milieu familial et Angoulême. Pauline Bayle centre le propos sur la vie parisienne de Julien et ce choix est d'autant plus cohérent que le jeune poète oubliera rapidement ses origines et ses proches. L’omission, voulue, est comme un rappel sans pardon à cette négation du sacrifice des siens.
Tendue comme un ring, la scène devient le lieu de tous les possibles, là où tout se joue et se délie. La scène épurée est à la fois la mansarde, le quartier latin, la salle de rédaction du journal, le théâtre. De cette scène Pauline Bayle en fait le lieu de toutes les ambitions, de toutes les vengeances et manipulations.
Charlotte Van Bervesselès, Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Alex Fondja et Jenna Thiam font battre le cœur du texte nourri des espoirs et des illusions qui animent les esprits de cette jeunesse du XIXème siècle. Ils exultent tout le romantisme des personnages pris au piège des intérêts d'un milieu littéraire âpre et cruel. Leurs corps palpitent à un rythme effréné qui emporte les personnages, incapables de réfléchir, happés par le tourbillon des mœurs parisiennes.
En des moments de tension sublimes, la scénographie fiévreuse et intense insuffle ce frisson que seule la lecture des grands textes littéraires apporte. Les scènes chorégraphiées d'adoubements, de mises aux nues ou de vengeances sont toutes marquées par un souffle à la fois épique, sauvage et solennel.
Dans une mise en scène puissante Pauline Bayle donne son souffle au roman d'apprentissage de Balzac. Le théâtre, 'Ce premier amour de tous les esprits poétiques' devient la scène des passions du jeune Lucien dans un tourbillon d'effets narratifs surprenants et enivrants.
Un théâtre littéraire, moderne, incandescent.
Illusions Perdues est l’histoire de ce jeune poète provincial qui, enivré par son succès dans les salons d’Angoulême, se retrouve perdu et déboussolé une fois arrivé à Paris. A force de complicités et de stratagèmes, Julien de Rubempré trouvera sa place dans le milieu du journalisme et signera son éphémère réussite, mais aussi la fin de sa carrière littéraire.
Étourdi par le succès, il consumera dans les bras d'une actrice de boulevard les derniers feux de son insouciance et de sa naïveté.
Autour du personnage central c'est toute la société littéraire du Paris des années 1820 qui évolue. Ici, exit le milieu familial et Angoulême. Pauline Bayle centre le propos sur la vie parisienne de Julien et ce choix est d'autant plus cohérent que le jeune poète oubliera rapidement ses origines et ses proches. L’omission, voulue, est comme un rappel sans pardon à cette négation du sacrifice des siens.
Tendue comme un ring, la scène devient le lieu de tous les possibles, là où tout se joue et se délie. La scène épurée est à la fois la mansarde, le quartier latin, la salle de rédaction du journal, le théâtre. De cette scène Pauline Bayle en fait le lieu de toutes les ambitions, de toutes les vengeances et manipulations.
Charlotte Van Bervesselès, Hélène Chevallier, Guillaume Compiano, Alex Fondja et Jenna Thiam font battre le cœur du texte nourri des espoirs et des illusions qui animent les esprits de cette jeunesse du XIXème siècle. Ils exultent tout le romantisme des personnages pris au piège des intérêts d'un milieu littéraire âpre et cruel. Leurs corps palpitent à un rythme effréné qui emporte les personnages, incapables de réfléchir, happés par le tourbillon des mœurs parisiennes.
En des moments de tension sublimes, la scénographie fiévreuse et intense insuffle ce frisson que seule la lecture des grands textes littéraires apporte. Les scènes chorégraphiées d'adoubements, de mises aux nues ou de vengeances sont toutes marquées par un souffle à la fois épique, sauvage et solennel.
Dans une mise en scène puissante Pauline Bayle donne son souffle au roman d'apprentissage de Balzac. Le théâtre, 'Ce premier amour de tous les esprits poétiques' devient la scène des passions du jeune Lucien dans un tourbillon d'effets narratifs surprenants et enivrants.
Un théâtre littéraire, moderne, incandescent.
9/10
Ordinateur portable, projecteur et paperboard, la comédienne Sofia Teillet endosse le costume de maître de conférence pour se pencher sur un sujet de thèse bien précis : l'orchidée. La thématique est donnée : la sexualité végétale.
Fleur prétentieuse, tape à l’œil, que l'on retrouve en sticker sur les murs des toilettes ou en déco un peu partout. L'orchidée, un sujet consensuel... pas tant que cela.
Pistils, étamines et pétales livrent leurs secrets grâce à notre conférencière qui attise notre curiosité. Tout en explorant les techniques de fécondation que la nature inventive déploie, elle compare de façon malicieuse et délicieuse les stratégies de la nature à nos comportements amoureux.
Nous, les colonisateurs du grand cailloux, avons beaucoup à apprendre de l'art de la séduction et de la sexualité de nos voisins les végétaux dont nous redécouvrons la créativité et l'efficacité.
Avec un humour vif et intelligent, Sofia Teillet insuffle une véritable réflexion sur notre rapport à l'autre, au couple et à notre adaptation au monde.
Captivante quand elle s'emporte dans des envolées lyriques, touchante quand elle se fait maladroite, Sofia Teillet accroche son auditoire et arrive à placer le mot pulvérulence dans sa performance avec une aisance déconcertante.
Sofia Teillet titille notre inconscient et judicieusement nous offre ses clefs métaphoriques pour appréhender le monde de son regard féminin. Une performance originale, chaleureuse et tellement pertinente.
Fleur prétentieuse, tape à l’œil, que l'on retrouve en sticker sur les murs des toilettes ou en déco un peu partout. L'orchidée, un sujet consensuel... pas tant que cela.
Pistils, étamines et pétales livrent leurs secrets grâce à notre conférencière qui attise notre curiosité. Tout en explorant les techniques de fécondation que la nature inventive déploie, elle compare de façon malicieuse et délicieuse les stratégies de la nature à nos comportements amoureux.
Nous, les colonisateurs du grand cailloux, avons beaucoup à apprendre de l'art de la séduction et de la sexualité de nos voisins les végétaux dont nous redécouvrons la créativité et l'efficacité.
Avec un humour vif et intelligent, Sofia Teillet insuffle une véritable réflexion sur notre rapport à l'autre, au couple et à notre adaptation au monde.
Captivante quand elle s'emporte dans des envolées lyriques, touchante quand elle se fait maladroite, Sofia Teillet accroche son auditoire et arrive à placer le mot pulvérulence dans sa performance avec une aisance déconcertante.
Sofia Teillet titille notre inconscient et judicieusement nous offre ses clefs métaphoriques pour appréhender le monde de son regard féminin. Une performance originale, chaleureuse et tellement pertinente.
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