Ses critiques
3 critiques
8/10
Un "Tartuffe" qui sonne très juste, avec des partis pris scéniques et décoratifs aussi cohérents que convaincants : les costumes de Christian Lacroix ne sont pas seulement somptueux, ils font sens, comme la pourpre cardinalice dans laquelle l'Imposteur drape ses turpitudes, ou l'habit de lumière d'Elmire, aveuglant objet du désir. Le texte est là, tout le texte (pas comme à l'Odéon-Berthier où Bondy l'avait scandaleusement mutilé), parfois certes un peu noyé dans le flux des alexandrins (Mariane maniérée et indistincte, Dorine détaillant le repas de Tartuffe comme si elle lisait un menu de cantine, ah, qu'on regrette Françoise Seigner !), mais verbe ondulant et sifflant dans la bouche du faux dévot prédateur (Michel Fau porte son rôle titre comme sa mise en scène, avec tension et précision), ou magistrale déclamation grand-siècle d'un Cléante emperruqué... et décoiffant.
On attendait ici Michel Bouquet, sa diction ciselée et son art du pianissimo sombre, mais ils ne sont qu'un lointain souvenir.
On attendait ici Michel Bouquet, sa diction ciselée et son art du pianissimo sombre, mais ils ne sont qu'un lointain souvenir.
7,5/10
Il faut grimper en courant les pentes de Ménilmuche pour aller voir cet excellent "Misanthrope", fidèle à Molière et intelligemment contemporain, servi par des acteurs qui comprennent leur texte, le respectent jusque dans la prononciation, mais savent le faire vibrer avec bonheur pour lui permettre d’être reçu cinq sur cinq par le public de 2016.
Un grand bravo ! J’ajoute que pour ceux qui se sont fourvoyés au "Tartuffe" de l’Odéon-Ateliers Berthier, infidèle à Molière et recontextualisé sans esprit, ce "Misanthrope vs politique" est un grand bol d’air !
Un grand bravo ! J’ajoute que pour ceux qui se sont fourvoyés au "Tartuffe" de l’Odéon-Ateliers Berthier, infidèle à Molière et recontextualisé sans esprit, ce "Misanthrope vs politique" est un grand bol d’air !
0,5/10
À propos de "Tartuffe" repris à l'Odéon / Ateliers Berthier dans la mise en scène de Luc Bondy, en hommage au metteur en scène récemment disparu.
On ne dit pas de mal des morts, mais ce spectacle est une horreur ! Comment un grand homme de théâtre a-t-il pu commettre une lecture d'une telle médiocrité, où l'inculture le dispute à la bêtise et au mépris du public... ou des comédiens embarqués dans cette vandalisation ? Contre toutes les règles, le texte de Molère est non seulement coupé par vers entiers, par tirades entières, mais pire encore, modifié, oui modifié... probablement parce que trop compliqué pour les imbéciles de spectateurs : "vous irez par le coche en sa petite ville" devient "vous irez en voiture dans sa petite ville", des fois que "le coche" soit pris pour une case à cocher sur une grille de loto, tandis que dans la même infortunée tirade de Dorine, "madame la baillive" se transforme en "madame la préfète" et "le bal et la grand'bande" en "un chanteur de province", sans doute pour les gros nuls pas fichus de deviner -au cas où ils l'ignoreraient- que la baillive est une potiche de la bonne société provinciale et la grand'bande un orchestre à danser. Dans le même acharnement contre l'esprit et la lettre de la pièce, le coup de théâtre final est remplacé par un ersatz monocorde où l'exempt royal vient lire un communiqué du "gouvernement" : exit le palpitant jeu de scène où, au lieu d'arrêter Orgon, comme le lui enjoint Tartuffe, l'exempt se retourne vers celui-ci en lui disant "suivez-moi tout à l'heure dans la prison qu'on doit vous donner pour demeure", et exit par la même occasion le mémorable "nous vivons sous un prince ennemi de la fraude", car voyez-vous, "un prince", alors que nous sommes en république, personne ne saisirait... Sommet d'inintelligence, la dernière scène, étirée en longueur et quasi muette, donne à voir la famille attablée devant un poulet rôti et fredonnant "Plaisir d'amour" : on songe, pourquoi pas "Nini peau de chien", ou "La fille du Bédouin" comme dans "Milou en mai" ? Orgon ne dit plus rien, fait mine de porter un toast mais n'arrive qu'à bredouiller un vers qu'il a sauté dans son texte deux scènes auparavant... moyennant quoi il saute, cette fois, les six que Molière lui avait écrits pour cette ultime scène et qui permettaient de laisser tomber le rideau -l'auteur avait dû le faire exprès- sur un mot au son clair après tant de noirceurs : "et par un doux hymen couronner en Valère la flamme d'un amant généreux et sincère". Mais ce "sincère"-là, que Molière signe comme un Z de Zorro au bas de sa pièce, le public de l'Odéon-Berthier n'y aura pas eu droit.
On ne dit pas de mal des morts, mais ce spectacle est une horreur ! Comment un grand homme de théâtre a-t-il pu commettre une lecture d'une telle médiocrité, où l'inculture le dispute à la bêtise et au mépris du public... ou des comédiens embarqués dans cette vandalisation ? Contre toutes les règles, le texte de Molère est non seulement coupé par vers entiers, par tirades entières, mais pire encore, modifié, oui modifié... probablement parce que trop compliqué pour les imbéciles de spectateurs : "vous irez par le coche en sa petite ville" devient "vous irez en voiture dans sa petite ville", des fois que "le coche" soit pris pour une case à cocher sur une grille de loto, tandis que dans la même infortunée tirade de Dorine, "madame la baillive" se transforme en "madame la préfète" et "le bal et la grand'bande" en "un chanteur de province", sans doute pour les gros nuls pas fichus de deviner -au cas où ils l'ignoreraient- que la baillive est une potiche de la bonne société provinciale et la grand'bande un orchestre à danser. Dans le même acharnement contre l'esprit et la lettre de la pièce, le coup de théâtre final est remplacé par un ersatz monocorde où l'exempt royal vient lire un communiqué du "gouvernement" : exit le palpitant jeu de scène où, au lieu d'arrêter Orgon, comme le lui enjoint Tartuffe, l'exempt se retourne vers celui-ci en lui disant "suivez-moi tout à l'heure dans la prison qu'on doit vous donner pour demeure", et exit par la même occasion le mémorable "nous vivons sous un prince ennemi de la fraude", car voyez-vous, "un prince", alors que nous sommes en république, personne ne saisirait... Sommet d'inintelligence, la dernière scène, étirée en longueur et quasi muette, donne à voir la famille attablée devant un poulet rôti et fredonnant "Plaisir d'amour" : on songe, pourquoi pas "Nini peau de chien", ou "La fille du Bédouin" comme dans "Milou en mai" ? Orgon ne dit plus rien, fait mine de porter un toast mais n'arrive qu'à bredouiller un vers qu'il a sauté dans son texte deux scènes auparavant... moyennant quoi il saute, cette fois, les six que Molière lui avait écrits pour cette ultime scène et qui permettaient de laisser tomber le rideau -l'auteur avait dû le faire exprès- sur un mot au son clair après tant de noirceurs : "et par un doux hymen couronner en Valère la flamme d'un amant généreux et sincère". Mais ce "sincère"-là, que Molière signe comme un Z de Zorro au bas de sa pièce, le public de l'Odéon-Berthier n'y aura pas eu droit.