Yvonne, Princesse de Bourgogne
- Jacques Verzier
- Hélène Alexandridis
- Alain Fromager
- Thomas Gonzalez
- Marie Rémond
Sous un classicisme trompeur, l'humour corrosif de Gombrowicz dynamite les codes et raye le vernis de la cour avec l'arrivée d'Yvonne, une fille sans charme, empotée et apathique...
...que le prince décide d'épouser par caprice. Sa laideur et son mutisme attisent haine et agressivité, révèlent les propres vices et équilibres de façade d'une bourgeoisie de pacotille.
Dans ce jeu de miroir, Jacques Vincey s'empare de cette figure, antithèse par excellence du personnage théâtral, pour relever le défi d'un vide qui appelle le plein de théâtre.
Dans ce jeu de miroir, la turpitude des hommes est démasquée et l'univers de l'ordonnance soigneusement déglingué.
Pour la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne, Marie Rémond a été récompensée du Molière de la Révélation Féminine 2015.
Dans Yvonne, princesse de Bourgogne, Jacques Vincey met en scène le basculement d’une cour royale abêtie par ses tics et ses convenances dans l’horreur meurtrière en propulsant Marie Rémond, spectre rêveur, comme catalyseur oppressant et fascinant. Farce tragique, où le rire corrosif s’allie à merveille à la violence d’un lynchage épouvantable, cette pièce trouve un écrin grotesquement festif assumé.
On se régale au Théâtre 71 !
Adaptée le plus souvent en opéra c’est ici dans une mise en scène interactive affublée d’un regard contemporain que Jacques Vincey et Vanasay Khamphommala prennent en charge le texte. Nous arrivons dans la salle pendant que la famille royale et ses sujets s’affairent chacun sur scène à une activité entre fitness, ping-pong et quelques pas de danse, on mange beaucoup chez les rois mais on se tient en forme. Il y a là-dedans un faux-air de famille royale qui ferait les unes de Closer et animerait la rédaction de BFM TV à chaque respiration. Ou à chaque contraction du périnée.
Notre pastiche de famille royale où bien-être et beauté gouvernent plus que tout finit par saluer le public, nous, et distribue même 15 euros à un heureux spectateur du troisième rang afin de montrer leur magnanimité. Ils déambulent entre les rangs pour répandre leur joie royale ce qui nous inclue tout de suite au spectacle comme plèbe railleuse.
Le fils du roi cherche une conquête, une princesse donc. Son regard s’arrête dans le public sur une femme horriblement fade. Après avoir dressé le portrait de sa laideur désarmante il l’arrache de ces bas-fonds populaires du public et la jette sous les feux de la rampe riant de cette mollesse insensée.
La jeune femme ne bronche pas, ne réagit pas et se complaît dans une rigidité muette. Les dés sont jetés, et par souci de provocation post-adolescente le jeune prince va se saisir de cette objet de laideur comme promise pour mettre à bas sa docilité à la majesté du roi.
En effet ce physique dérange, même si bien sûr la comédienne choisie n’a rien de laid bien au contraire, le pari dramaturgique semble en effet de faire croire à sa laideur par le regard que portent les autres personnages sur cette pauvre malheureuse. Son mutisme et sa démarche en font un animal bizarre dont on ne sait jamais ni ce qu’elle pense ni ce qu’elle désire, si elle aime ou non, si elle souffre. Plus que sa laideur c’est cette attitude incompréhensible qui va rendre cinglée toute la famille royale et éveiller en chacun d’eux des désirs de meurtres. Dans cette sphère où l’on parle beaucoup sans faire grand-chose, on ne supporte plus cette jeune femme qui ne s’exprime jamais.
Cela donne lieu à des scènes hilarantes notamment avec la Reine Marguerite et le Roi Ignace (génialement interprétés par Hélène Alexandridis et Alain Fromager). Même si la pièce tarde un peu à décoller et nous charge de quelques longueurs les comédiens n’en sont pas moins excellents dans cette scénographie tropicale où le salon art déco est noyé au milieu d’une jungle de palmiers oppressante. Un aquarium est érigé au centre du salon et la famille semble se retrouver coincée comme ces jolis poissons dans cette prison dorée qui finira par servir de linceul.
Spectacle plaisant dans l’ensemble même si je n’ai pas eu de Ferrero rocher à la fin.
Mais ceci est une autre histoire.