- Théâtre contemporain
- Théâtre des Halles d'Avignon
- Avignon
Une légère blessure

- Johanna Nizard
- Théâtre des Halles d'Avignon
- Rue du roi René
- 84000 Avignon
Tu sais mordre comme une lionne.
Elle prépare un repas de famille. Seule, elle dit tout. Laurent Mauvignier dresse le portrait d’une citadine à somnifères et à états d’âme. Johanna Nizard incarne une bourgeoise d’aujourd’hui, possible facette d’un occident fissuré.
Ce soir, c’est repas de famille. Débarquent le père, la mère, le frère, la belle-sœur, leurs gosses. Elle les attend, elle met le couvert. Elle parle. C’est une femme, seule dans la maison et le silence, elle se raconte. Plus loin, dans la cuisine, une autre femme prépare le dîner. Femme cachée, autres origines, autre langue, autre religion. Celle-là, on ne la verra pas.
C’est à elle que s’adresse la femme qui reçoit. Elle la tutoie, lui parle des hommes, de sexe, de ses expériences avec Sandra, Roberto, de ses rêves de crocodiles qui l’avalent. Elle dit tout. Sans pudeur, jusqu’au secret lointain, son trauma, jusqu’à sa « légère blessure ».
C’est ainsi qu’apparaît Johanna Nizard, seule sur scène, avec les mots de Laurent Mauvignier. Il ne fallait pas moins que l’immense talent de cette comédienne pour tenir sur la longueur un texte aussi dense, percutant, incisif, intense. L’étendue de sa palette, la finesse et la sensibilité de son jeu lui permettent d’interpréter cette partition brillante, étoffée, éclatante. En quelques secondes, elle passe d’une infinie douceur, d’une touchante fragilité à une dureté rageuse, explosive, inquiétante. Elle nous surprend par tant de colère contenue. Une violence aussi peu légère que cette fameuse blessure qui ne sera dévoilée qu’à la fin.
Qui donc est cette femme ? La quarantaine, une certaine classe sociale. Elle attend à dîner ses parents qui ne sont pas venus depuis longtemps. Elle s’adresse à une autre femme, une femme de ménage qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas, qui ne parle pas la même langue qu’elle. Tout au long de ce dialogue – ce monologue – elle libère une parole, des choses difficiles à dire. Comme une sorte d’introspection, elle évoque ses rapports avec les hommes, avec son père, sa mère, son frère, les enfants qu’elle n’a pas eus…
La course effrénée de Johanna est rythmée par les mot de Mauvignier. Et les mots de Mauvignier dessinent un cercle de plus en plus étroit. De plus en plus vicieux… En débutant la course, elle a ouvert les vannes, et le secret qu’elle cache, cette « légère blessure », elle va finir par le dévoiler.
Othello Vilgard retrouve ici Johanna Nizard, qu’il avait déjà mise en scène dans Trois Ruptures de Rémi de Vos. Il lui fait occuper tout l’espace, telle une lionne en cage. Une cage qui aurait des allures de ring de boxe, tant la puissance qu’elle dégage nous fait l’effet de véritables uppercuts.
Quand on vous dit que Johanna est une incroyable athlète de la scène…