- Classique
- Théâtre Paris Vilette
- Paris 19ème
Une année sans été
- Carole Labouze
- Franck Laisné
- Laure Lefort
- Rodolphe Martin
- Garance Rivoal
- Théâtre Paris Vilette
- 211, avenue Jean Jaurès
- 75019 Paris
- Porte de Pantin (l.5)
Fragilité violente de la jeunesse
Une année sans été, cela laisse trois saisons, une par acte, en commençant par l’automne – temps des rentrées, donc des départs et des migrations. Gérard veut écrire, il va partir de chez lui, loin de sa ville natale et des bureaux de son père. Gérard a dix-neuf ans, il est bien jeune pour être prudent : une fois à Paris, il avisera.
En attendant, tout à son exaltation, il est aussi lyrique que décidé – mais pour peu qu’on l’écoute vraiment et qu’on prenne garde à son projet, le voilà déjà moins sûr d’avoir fait le bon choix. Celle qui l’écoute si profondément, qui l’interroge et l’encourage dans son français maladroit d’Allemande, est à peine plus âgée que lui. Elle aussi voudrait écrire ; elle non plus ne va pas tarder à s’en aller, mais plutôt du côté de l’Angleterre. Avant de traverser la Manche, Anna viendra cependant rendre visite à Gérard. Dans une rue froide de Paris, il lui raconte sa solitude et lui demande en vain de rester, comme s’il n’avait pas vu avec quelle douceur attentive la petite Louisette, la fille de sa logeuse, veillait sur lui à mesure que les journées se faisaient plus courtes... Ainsi commence Une année sans été, la première pièce qu’a publiée Catherine Anne en 1987. De ses cinq personnages – deux hommes, trois femmes – aucun n’a plus de vingt ans. L’intrigue est simple et hasardeuse. Les rencontres se font en tâtonnant, les amitiés se nouent puis se défont, les sentiments se dessinent tant bien que mal tandis que les questions se bousculent, maladroitement, cruellement.
Pour son coup d’essai, Catherine Anne (qui dit de son texte qu’il fut «librement inspiré par la vie et l’œuvre de Rainer Maria Rilke») a réussi une pièce habitée par la fragilité violente de la jeunesse. Car il n’est question que d’elle. Tout ici en parle, et du besoin de s’arracher à la «mort sédentaire» pour trouver sa voie ou s’exposer à son tour au monde, entre besoin d’amour, désir de créer et urgence du mouvement. Joël Pommerat, sensible à cette jeunesse d’un temps révolu, a suffisamment aimé cette pièce pour désirer la mettre en scène. Pour cela, il ouvre une parenthèse dans sa propre carrière de «créateur de spectacles» afin de se mettre au service d’une autre écriture que la sienne.
C’est donc à travers sa vision que nous sera révélé ce qu’il advint de la saison manquante – et comment, dans ces destins presque sans histoire, le couperet de la grande Histoire finira par s’abattre.
Dans une luminosité extrêmement faible, les comédiens déambulent pour nous raconter une histoire pas franchement passionnante. Celle de Gérard, jeune homme, écrivain en herbe, il quitte son terreau familial pour voler de ses propres ailes et vivre de sa passion. Rien de plus. Il s'installe à Paris et rencontre un autre écrivain farfelu avec qui il semble entretenir une relation amoureuse. Il rejette la fille de son hébergeuse. Rien de bien fou.
Cela dit vous me direz qu'il ne faut pas forcément une histoire extraordinaire pour plaire, seulement là les comédiens non plus ne sont pas extraordinaires et on ne parvient jamais à s’intéresser à ce qui se passe sur scène. De plus, vaste erreur de les affubler chacun d'un micro ce qui standardise leur volume sonore et invite encore moins ni à l'écoute ni à l’intérêt, surtout sur une petit scène comme du théâtre de la Villette qui ne demande pas une logistique aussi poussée en terme d'audition.
Certes on y apprécie les jeux de lumière comme signature de Pommerat mais la pénombre permanente de la scène ne contraste pas avec le flegmatisme déjà présent dans le texte.
La pièce dure une heure vingt et donne le sentiment d'en gâcher trois. Même pas suffisamment mauvaise pour construire une critique limpide, cette pièce m'a laissé un goût cruellement fade sur ma langue.
De vipère, j'en conçois.
Ne boycottez pas pour autant les autres spectacles de Joël Pommerat qui sont divinement plus remarquables.
J. Pommerat a choisi des jeunes comédiens de talent qui mettent le texte en valeur avec un jeu d'une belle simplicité et d'une grande maturité. BRAVO !