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- En tournée dans toute la France
Singulis, la seule certitude que j'ai…

- Christian Gonon
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Christian Gonon, dans une lettre adressée à l’auteur après sa mort, définit son seul-en-scène : « Ce serait tout ce que je préfère de toi, que je pourrais faire entendre sur une scène de théâtre. »
Voilà 30 ans, Pierre Desproges disparaissait « emporté à son insu par un crabe affamé qui lui broutait le poumon ». Du Petit Rapporteur, où il débute en 1975, aux seuls-en-scène des dernières années, l’écriveur à l’humour noir et singulier aura prouvé que oui, on peut rire de tout… mais pas forcément avec tout le monde. Il y a une dizaine d’années, Christian Gonon lui avait consacré une carte blanche, reprise plusieurs fois depuis, réunissant des extraits des Chroniques de la haine ordinaire, quotidiennes diffusées sur France Inter en 1986, de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, irrésistible série créée en 1982 pour FR3, et de son livre Vivons heureux en attendant la mort.
« De vrais sketches avec des vrais morceaux de bravoure entiers dedans reliés entre eux par une bassesse d’inspiration qui volera au-dessous de la ceinture du moindre nain », annonçait Desproges pour son spectacle en 1986. Christian Gonon, dans une lettre adressée à l’auteur après sa mort, définit son seul-en-scène : « Ce serait tout ce que je préfère de toi, que je pourrais faire entendre sur une scène de théâtre. Une alliance fraternelle. Tu serais venu à la première et tu m’aurais dit avec ton sourire cyclopéen : « “Desproges à la Comédie-Française… étonnant, non ?” Et je t’aurais répondu : “Non.” »
Ce spectacle créé en 2002 au Studio Théâtre, « pérégrine » depuis cette date avec le comédien, car Desproges est devenu l’ami qu’il n’oubliera jamais et avec lequel il aurait aimé avoir tout partagé depuis l’enfance.
Ils ne se sont pas connus.
Textes bien choisis, témoignant de la variété des talents du fantaisiste comme de celui du comédien, qui les interprète avec brio et affection.
On retrouve des séquences d’humour noir, qui taillent en pièce les idées reçues, la bêtise, la lâcheté, le mauvais goût et les personnages racistes sans honte aucune et dignes des échanges de café du commerce.
Il faut rire de tout et rire avec tout le monde, même si c’est dur. « Le seul échappatoire c’est le rire » et un moyen de parvenir à la plus grande lucidité.
Voilà ce que Pierre Desproges continue à nous apprendre.
Petites séquences émotion, en début et en fin de spectacle, pour nous rappeler que nous serons « tous un jour fauchés par le croche-pied rigolard de la mort imbécile et que les droits de l’homme s’effaceront devant les droits de l’asticot ».
« On peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui»
Une pièce bien charpentée et gouleyante. Des attaques vives, subtiles et tendres.
Un joli bouquet rondement mené. A voir et à déguster sans modération.
« Les femmes et le bordeaux, je crois que ce sont les deux seules raisons de survivre »
Sans le point de côté qui n'en était pas un, sans le tourteau qui ne se contenta pas du match nul, sans le crabe aux terribles pinces, il aurait bientôt quatre-vingts ans.
Pierre Desproges. (1939, Pantin -1988, Paris)
Christian Gonon reprend le spectacle qu'il avait créé en 2010 au Vieux-Colombier, cette fois-ci dans le cadre de la série des « Singulis » au Studio-Théâtre de la Comédie-Française.
Ce seul en scène est une sélection par ses soins de textes, de chroniques, de sketches de celui dont on dit souvent à tort qu'il ne pourrait plus écrire « ça ». Moi, je crois au contraire qu'il le pourrait et surtout qu'il le ferait !
Le comédien arrive côté jardin, chemise blanche, pantalon de smoking. La veste l'attend sur le dossier d'une chaise.
Il est pieds nus.
Deux souliers vernis l'attendent.
Même avant de commencer à dire les textes de Desproges, il va lui rendre un très subtile hommage.
Les yeux.
Comme Pierre le très grand, M. Gonon balaye plusieurs fois la salle du regard, un petit sourire aux lèvres, comme un tout premier premier défi.
Ca dure quatre secondes, et tout est dit, tout est posé.
Pour autant, le comédien ne cherchera jamais à imiter son héros.
Non, il dira et interprétera à sa façon les fulgurances, les bons mots, l'humour noir, les provocations, les formules qui pointent les absurdités quotidiennes, et l'anticonformisme de Desproges.
Cette façon-là est épatante !
Ses nuances, ses ruptures, ses accélérations, les expressions de son visage nous ravissent. Et nous font bien rire.
Ce rire sain, intelligent, nécessaire plus que jamais, contenu dans ces textes.
Au bout d'une quinzaine de minutes, il va enfiler les chaussures et enfiler la veste de smoking. Comme s'il avait gagné la légitimité d'enfiler le costume de l'humoriste.
Et nous de redécouvrir (ou découvrir pour les plus jeunes...) Desproges, les textes, les personnages qu'on attend (Yvette Lemercier, du Vésinet, Jonathan Cifflé-Leutrin, ou encore le chauffeur du taxi immatriculé 790 BRR 75, et j'en passe...)
Alain Lenglet et Marc Payet ont assuré la mise en scène, avec des chaises, une petite rhumba, une loupiote, un runing-gag musical (« Etonnant, non ? »), le célèbre coup de pied desprogien, et puis une valise marquée d'une grosse croix rouge.
Et non, je ne vous dévoilera pas son contenu !
Moi qui suis pourtant Béarnais, j'ai trouvé ce spectacle beaucoup trop court !
Les talents conjugués de Desproges et Gonon font que toute la salle aurait eu envie d'en écouter, d'en voir beaucoup plus...
Juste avant la fin du spectacle, le comédien ôtera sa veste et retirera ses chaussures.
Nous, nous lui tirons notre chapeau !
Ah ! J'allais oublier...
Christion Gonon joue ce spectacle immédiatement après avoir joué dans cette même salle avec sa camarade Jennifer Decker la pièce de Musset « Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée » !
Et moi, de lui tirer une nouvelle fois mon pork-pie-hat !
Chapeau ! Vraiment !