Ode a Médine

Ode a Médine
  • Théâtre Darius-Milhaud
  • 80, allée Darius-Milhaud
  • 75019 Paris
  • Porte de Pantin (l.5)
Itinéraire
Billets de 5,00 à 20,00
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Ode à Médine, s’inspire d’un fait-divers qui a eu lieu en Turquie.

Une mère, Magda, nous parle du meurtre de sa fille commis par son mari. Avec la puissance des grandes tragédies, Sabine Revillet parle du sort de la femme, de la violence que certaines d’entre-elles subissent encore au XXIème siècle.

 

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Toutes les critiques
24 avr. 2016
9/10
68
Magda est une mère qui vit dans une sphère non pas avec mais à côté des siens.

Sa passion dévorante, ce sont les plantes. Ce sont ses bébés, ses enfants et comptent bien davantage que sa propre famille, au point que son obsession est à la fois une arme et un refuge. Personnalité borderline et enfantine, elle flirte allègrement avec la schizophrénie pour mieux nous faire entendre la force de sa tragédie. Sa fille, Médine, a 16 ans.

Les plantes ? Elle n’en éprouve aucun intérêt et tente de les fuir de toutes ses forces, jusqu’à fuguer une journée pour ne plus les voir. Mais ce terrible affront lui coûtera cher car en sortant de la maison sans l’autorisation de son père et en parlant à des inconnus, la jeune fille vient de signer son arrêt de mort. Pour avoir déshonoré en actes le patriarche, elle sera condamnée à s’enterrer vivante, dans la fleur de l’âge, comme une plante incapable de renaître à la vie. Sa mère va nous livrer le récit de ce crime à travers une sublime métaphore, captivante et saisissante, ponctuée de silences éloquents, à la manière de pauses salutaires où le temps s’étire pour mieux nous laisser nous imprégner de la situation et de la profondeur de ce qui s’est joué. L’atmosphère de l’enfer se dessine et gagne en épaisseur, dans une solitude extrême. Au final, ce silence sera tout ce qu’il restera à la mère dont les plantes sont des enfants du mutisme.

Lorsque Maïté Cotton apparait sur le plateau, dans sa nuisette blanche, elle semble d’une fragilité désarmante, presque une morte-vivante. Elle caresse le tas de terre fraîche qui est à ses pieds nus : « J’arrose mes plantes, ça me fait du bien » dit-elle. Et nous devinons à quel point Magda a besoin d’aller bien. Exprimant sa passion pour les plantes et le respect qui les unit, elle se couche au sol, telle une mère sur la tombe de son enfant, avec douceur et sensibilité. C’est alors que nous revivons les craintes de Médine, suppliant sa mère de laisser la lumière allumée pour la nuit car elle pense l’obscurité va l’avaler, va la faire disparaître. Cette peur irrationnelle deviendra malheureusement une triste réalité. Dans un langage poétique et métaphorique, Magda laisse son esprit s’évader. Et quel sincère et sensé moment que celui où elle laisse entrevoir toute l’étendue de sa fragilité humaine sur Magnolia Forever de Claude François : « dites- lui que j’ai peur pour elle [...] je ne sais plus comment faire [...] elle était fière, elle est soumise, comme mon amour qui lâche prise... ». Chaque mot prend un sens d’une force nouvelle en résonance avec le drame vécu par Magda. Cet instant d’émotion laisse ensuite place à la voix paternelle, chargée d’insultes. La première fois, nous sommes saisis par la violence verbale qui nous arrive en plein cœur comme une myriade de petites lames. La gorge serrée, les larmes nous viennent aux yeux, sans crier gare. Puis la scène se reproduit à deux autres reprises et s’oppose avec le ton détaché et lointain de la mère, en plein déni. Le mari irascible nous révolte et il y a cette odeur de la terre, sur le plateau, qui nous happe et nous rappelle sans cesse que tout cela finira dans l’obscurité des entrailles du monde. Maïté Cotton passe du père à la mère, de la mère à Médine et de Médine au père avec une réelle couleur pour chacun des protagonistes. L’émotion est brute, palpable jusqu’au constat final, terrible : « aucune plante ne peut survivre sans lumière, aucune ». Et pourtant, un monstre respire toujours dans la maison tandis que la mère n’est plus qu’une plante en décomposition.

Au 21ème siècle, les femmes subissent encore des violences et des traitements odieux pour des raisons diverses mais archaïques, pas uniquement dans des régions reculées du monde. Si l’histoire de Médine Memi s’est déroulée en Turquie, en 2010, il ne faut pas oublier que le sujet demeure atemporel et universel. Comme l’a fait récemment le film Mustang de Deniz Gamze Ergüven, récompensé de quatre César en 2016, ou la pièce de théâtre Lapidée de Jean Chollet-Naguel, vue en février dernier à la Comédie Bastille, il est urgent et nécessaire que l’Art nous sensibilise à une réalité que nous voulons encore trop souvent occulter. Mais vouloir fuir l’inacceptable ne le rend pas moins réel et l’Ode à Médine délivre un message fort, empli d’espoir, qui est celui de faire cesser ces crimes d’honneur injustes, barbares et inhumains en rendant vivants ces tragiques faits-divers.
22 mars 2016
8,5/10
60
La première chose que l’on remarque en entrant dans le petit théâtre Darius Milhaud, c’est l’odeur de terre. L’odeur de la terre fraîchement remuée, celle que l’on pourrait sentir au petit matin quand la rosée recouvre encore les roses d’un jardin, ou celle du soir après la bruine. L’odeur de la terre qui, pelle après pelle, est jetée sur les cercueils.

Au centre de la scène donc, un tas de terre. En fond de scène, une projection de feuillages. Et puis Maïté Cotton arrive lentement. Elle porte une nuisette grise, ses cheveux sont lâchés. Depuis combien de temps cette femme ne s’est pas coiffée ? Elle a l’air perdue dans ses pensées, dans ses souvenirs, perdue tout court. Elle parle de ses fleurs, de sa passion pour elles. Une longue et lente logorrhée qui petit à petit rassemble les pièces d’un puzzle effroyable.

Sa fille est morte, enterrée vivante par un père qui ne supportait pas que Médine parle aux inconnus, que Médine rie, que Médine ne soit pas cloîtrée, emmurée. Alors il l’a enfermée à sa façon. Il a jeté sur elle la terre qui l’a fait taire à tout jamais. Depuis Magda est folle.

Un texte qui se découvre petit à petit, auquel il faut s’abandonner avec confiance. S’il peut être assez déroutant (et il vaut mieux, je pense, en avoir lu une introduction auparavant et savoir que Ode à Médine est écrit d’après une histoire vraie, un crime odieux commis en Turquie il y a quelques années) le texte de Sabine Revillet finit par charrier le spectateur et l’enferrer dans la démence de Magda. Le texte, oui, mais aussi et surtout la sublime prestation de Maïté Cotton, toujours juste et pourtant incandescente, trouble, dévastée, exaltée. Maïté Cotton est habitée, elle est Magda. Elle est la femme universelle, la mère, la jeune fille, l’enfant. Elle est toutes les femmes dont la vie est broyée par une société archaïque et inhumaine. Elle est la terre aussi, la terre des femmes, le terreau où germera un jour un monde où les femmes seront respectées.
21 mars 2016
7/10
60
Pour une fois, je commence par ce que je n'ai pas aimé, le texte : à mon goût trop éthéré, trop lancinant, parfois trop redondant. Mais sur le sujet d'un infanticide pour l'honneur, que dire ? Qu'il est préférable de lire le descriptif avant le spectacle pour apprécier toute la subtilité de la mise en scène.

En effet, ce qui n'est au départ qu'un seule en scène devient un dialogue avec une actrice inattendue, la terre, terre qui figure aussi bien le parterre pour les plantes qui occupent l'esprit de Magda que la sépulture de Médine. Cette terre que Magda (époustouflante Maïté Cotton) caresse, égrène, frappe, écrase, dans laquelle elle s'allonge, et qui vient comme une évidence répondre au rire, aux larmes, à la colère d'une mère impuissante qui se réfugie peu à peu dans une folie douce. Merci au théâtre Darius Milhaud de programmer ce genre de spectacles qui, même si l'on n'accroche pas au texte, ne peut pas laisser indifférent. Merci à Stéphanie Correia pour la finesse de sa mise en scène et enfin, au risque de plagier les spectateurs présents dans la salle ce soir, MERCI à Maïté, non pour son interprétation mais bien pour son incarnation de Magda.
8 mars 2016
10/10
57
Attention, ce spectacle est une pépite théâtrale à ne pas louper !...

Sabine Revillet semble avoir écrit ce monologue théâtral avec les larmes de la poésie et les émotions de l’injustice. Elle nous offre un puissant texte qui transcende ce crime d’honneur d’un père à sa fille comme pour nous permettre de découvrir ce fait divers. Pour le maintenir présent dans nos mémoires. Tel un symbole parmi d’autres des horreurs de l’ignorance, des méfaits de l’oppression culturelle, des erreurs de l’humanité.

Magda, la mère de Médine, est folle. Elle nous parle depuis son univers où elle est enfermée avec son amour des plantes, son éden, son enfer, son oubli. Magda est soumise à son mari et privée de son rôle de mère, jusqu’à ne pas trouver les ressources pour protéger sa fille. Sans doute la plus horrible des souffrances faites aux femmes.

Magda, la mère de Médine, est folle. La démence qui l’habite lui fait dire des mots par lesquels nous voyons ses maux et ceux des femmes qui comme elle, plient par impuissance sous le joug des traditions et des usages de la société patriarcale. Et ici, la domination masculine est à son comble pour ce qu’elle oblige Magda à la subir au quotidien, dans son intimité de femme et de mère.

Magda, la mère de Médine, est folle. Elle nous surprend par son humanité et sa beauté simple. Elle nous émeut de sa vie gâchée, empêchée et jamais soulagée.

Magda, c’est la comédienne Maïté Cotton ou plutôt il faudrait dire : Maïté Cotton c’est Magda. Tellement son jeu est juste, sincère et intense. Elle nous cueille dès le premier instant pour ne plus nous lâcher. Ses larmes sont les nôtres, ses souffrances aussi. Une impressionnante performance réaliste et poétique. C’est sans pathos, c’est simple et puissant. Nous restons cois devant cette fusion entre la comédienne et son personnage.

La mise en espace de Stéphanie Correia sert le monologue en apportant la dimension artistique nécessaire pour tenir le public en haleine. La mise en scène nous surprend sans cesse, permet aux sensations de s’installer le temps qu’il faut, ni trop ni pas assez.

Cet « Ode à Médine » est d’une beauté théâtrale qui en fait un moment rare. Oui, ce spectacle est une pépite théâtrale à ne pas louper !
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Rire
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor