Les Rustres

Les Rustres
De Carlo Goldoni
Mis en scène par Jean-Louis Benoit
  • En tournée dans toute la France
Itinéraire
Billets de 14,00 à 35,00
Evénement plus programmé pour le moment
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« À la maison ! C’est moi qui commande », le ton est donné, on ne s’amuse pas chez Lunardo, l’un des rustres ; les femmes sont censées rester au foyer, pas question d’aller s’encanailler au Carnaval de Venise.

Écrite en 1760, la comédie de Carlo Goldoni n’a jamais été jouée à la Comédie- Française, éclipsée peut-être par la célèbre Trilogie de la villégiature.

Satire de la bourgeoisie commerçante vénitienne, incarnée par des hommes aussi bornés, râleurs qu’intolérants et dont la méfiance à l’égard de la gent féminine confine à l’absurde, Les Rustres illustrent parfaitement le théâtre de Goldoni, un « théâtre de la vie qui [a] un contenu vrai, des personnages observés de la réalité, une expression naturelle ».

 

La critique de Pierre (rédac’ AuBalcon) : 7/10. Une belle découverte que Les Rustres, pièce italienne datant de 1760.

Elle dépeint avec humour les jeux de domination et de pouvoir qui peuvent exister entre hommes et femmes. Les couples présentés ne semblent pas réussir à trouver un équilibre, chacun veut prendre le dessus en parlant plus fort que l’autre. "Quand on vit avec les loups on se met à hurler comme eux".

L’interdiction pour les femmes de sortir, de s’habiller comme elles le veulent, cela n’existe plus en France mais reste d’actualité ailleurs. Les Rustres montre des hommes effrayés par le monde qui change autour d’eux et soucieux de garder leurs positions. Voire de revenir au temps passé, qu’ils idéalisent.

Ils se battent pour préserver leur fragile autorité et sauver leur honneur. Les femmes laissent leur mari prendre le dessus par moments afin qu’ils satisfassent leur égo, mais savent faire prévaloir leurs intérêts quand elles le souhaitent.

Au XVIIIème siècle, l’auteur Carlo Goldoni n’avait pas à craindre la réaction des hommes dont il se moque dans la pièce : il était déjà méprisé, haït par la noblesse et la bourgeoisie italienne.

Nous rions beaucoup. Les scènes pendant lesquelles les hommes se retrouvent entre eux sont extraordinairement drôles. Ils sont déboussolés par cette révolution féminine sans issue.

Le jeu d’acteurs grossit démesurément les traits de caractère des personnages, en les rendant clownesques. C’est amusant, cependant, les cris des acteurs deviennent usant au fil de la pièce. Quelques comiques de répétition lassent également un peu.

Malgré ces faiblesses, nous avons passé un agréable moment au Vieux-Colombier.   

Note rapide
7,3/10
11 pour 11 notes et 5 critiques
0 critique
Note de 1 à 3
9%
1 critique
Note de 4 à 7
36%
4 critiques
Note de 8 à 10
55%
Toutes les critiques
5 oct. 2016
9/10
38
Affreusement goujats, odieusement butors et furieusement asociaux, tels sont les quatre rustres dont vont se jouer quatre épouses et fille frondeuses dans la savoureuse comédie de Goldoni actuellement en tournée avec la troupe du Français. Ces rustres sont Lunardo, Maurizio, Canciano et Simon, des marchands vénitiens aussi viscéralement machistes que naïvement béotiens : leurs femmes et filles sont faites pour rester à la maison, sans sorties ni fanfreluches ou toute autre billevesée du même acabit qui viendrait jeter l’opprobre sur leur réputation de sage et honnête bourgeois. Aussi quand Lunardo décide de marier sa fille Lucietta au fils de Maurizio sans que jamais les deux jeunes gens se soient rencontrés, leurs femmes décident de se jouer d’eux et imaginent une ruse pour favoriser la rencontre des deux innocents avant la noce.

Dans cette farce tout aussi drôlissime que picaresque les comédiens français se régalent en impayables goujats : Christian Hecq (Lunardo) est irrésistible en veuf remarié macho-bourru-malotru, aussi désespérément grognon que touchant (« Je l’aime bien, ma foi ; si fait, je l’aime bien, mais, sous mon toit, je ne veux voir d’autre maître que moi ! »). Nicolas Lormeau joue avec plaisir les pères butés – ânes bâtés suivi par Gérard Giroudon et Bruno Raffaelli en époux-géoliers bas du plafond mais convaincus de leur bon droit. Face à eux, les femmes ne sont pas en reste : Clotilde de Bayser est une fieffée résistante, insupportablement têtue, accompagnée par Coraly Zahonero et Céline Samie qui s’amusent en épouses apparemment soumises mais… pas que. Les jeunes Rebecca Marder, Julien Frison et Laurent Natrela, moins présents, sont eux aussi attendrissants.

Mais ce qui fait le sel de la pièce, outre la mise en scène plutôt classique mais toute en vivacité de Jean-Louis Benoit, ou le décor volontairement sombre et austère de ces appartements-prisons, c’est la saveur du propos goldonien. Sous l’exquise drôlerie et la farce comique, on se surprend à trouver ces butors de maris en réalité carrément touchants : si la satire sociale épingle la vanité et l’obscurantisme dont font part ces inénarrables rustres, on s’émeut au final aussi de leur tendresse cachée pour leurs épouses, de leur incapacité à se passer d’elles et de leur terreur silencieuse à l’idée de se retrouver seuls. Ces femmes (in)soumises cachent aussi sous leur rébellion effrontée un réel attachement pour leurs maris et ne réclament au final rien d’autre que d’être mieux aimées. Dans une société vénitienne en pleine mutation, nos quatre rustres sont en réalité terrorisés par le changement et la peur de perdre leurs prérogatives, leurs femmes, leurs identités telles qu’on les leur a inculquées.

Goldoni, comme tant d’autres, l’a très bien dit : sans la femme, l’homme n’existe pas ; mais il ne le sait parfois pas. On s’aime donc beaucoup mais mal, dans cette comédie au rythme effréné, jusqu’à l’épilogue drolatique et joyeux. Et le public aime tout autant ces Rustres gouleyants qui se dégustent avec beaucoup, beaucoup de gourmandise.
10 sept. 2016
8/10
37
En cette période de fin d’année, il est toujours agréable de programmer des sorties théâtre en famille.
Ne manquant pas à sa réputation, la Comédie-Française propose actuellement deux spectacles jubilatoires. Côté Studio-Théâtre, il ne faut pas louper la reprise du Loup de Marcel Aymé dans une mise en scène de Véronique Vella, avec l’excellent Michel Vuillermoz. Côté Vieux-Colombier, vous avez rendez-vous avec les Rustres de Carlo Goldoni, dans une mise en scène jouissive de Jean-Louis Benoit.

Qui sont-ils exactement, ces rustres ? Trois compères sauvages, grossiers, pingres, rustiques, impolis, bourrus…et tellement drôles à la fois. Le trio interprété par l’inégalable Christian Hecq – génie comique du moment – le désopilant Bruno Raffaeli et le bougonnant Nicolas Lormeau fonctionne à merveille. L’intrigue est assez simple : Lunardo (Christian Hecq) veut marier sa fille Lucietta (Rebecca Marder, nouvelle recrue du Français) à Filippetto (Christophe Montenez) qui est le fils de son ami Maurizio (Nicolas Lormeau). Il veut les marier, mais sans qu’ils se soient rencontrés au préalable.

Chez Goldoni, les femmes sont aussi sensées, philosophes et généreuses que leurs époux sont mufles, goujats et bornés. La plus hardie et téméraire de toutes, Felice (formidable Clotilde de Bayser) incarne une sorte de féministe avant l’heure qui mène son mari (le doyen Gérard Giroudon) par le bout du nez. C’est elle qui manigancera une entrevue entre les deux jeunes gens. C’est grâce à son audace que ses amies (Céline Samie et Coraly Zahonero) se rebelleront contre leurs rustauds de maris. C’est elle qui aura le dernier mot, laissant entendre la voix de Goldoni à travers son plaidoyer final. Une voix qui prône ouverture aux autres, bienveillance et hauteur de vue… Une voix qui résonne en nous bien après le spectacle.
20 déc. 2015
9,5/10
128
La comédie « Les Rustres » de Goldoni date de la moitié du 18ème siècle. Ses thèmes n’en sont pas moins actuels : la misogynie, l’autoritarisme et la privation de liberté. Mais ne pourrait-on pas dire cela de tous les auteurs classiques comme contemporains qui traquent les abus humains sous toutes ses formes ?

Certes, la pièce se situe dans un contexte où Goldoni combat le théâtre italien traditionnel en apportant sa contribution à sa réforme et sa modernité. Il souligne les traits pour renforcer son réalisme utile à la présentation de ses messages. C’est ceci que la pièce nous donne à voir. Les hommes sont grotesques, les femmes malicieuses, les situations strictes et les répliques cinglantes.

Fille et fils reclus, femmes soumises et hommes bardés de protections contre le déclin économique qui s’annonce et « les lumières » qui arrivent. Tout y est pour arrêter vivement toute velléité de liberté, d’émancipation et de culture. A trop contraindre, la révolte éclate et les hommes restent prisonniers de leur peur de perdre ce qu’ils sont pour avoir perdu ce qu’ils ont.

Nous ne retrouvons pas ici la presque délicatesse de « La Locandiera » ou de « La trilogie de la Villégiature » mais plutôt la quasi rudesse roublarde de « Arlequin valet de deux maîtres ».

La mise en scène de Jean-Louis Benoit semble conduire la force comique du texte jusqu’aux accents de la farce. Le spectacle en est férocement drôle grâce à l’admirable distribution, Christian Hecq en tête, de la troupe du Français. On rit aux larmes des effets, on sourit des malices, on passe un très bon moment.
10 déc. 2015
6/10
123
Les Rustres est une pièce qui parle des rapports humains et sociétaux.

A l'époque, elle n'était déjà pas révolutionnaire. Elle se raillait pour la classe populaire, des us et coutumes de la bourgeoisie, de leur fausse pruderie et de leurs rapports hommes et femmes, disons... peu égalitaires.
Elle a un petit peu mal vieilli et même si la pièce est drôle dans ses quiproquos et ses boutades, elle ne va pas plus loin.

Les acteurs sont bons, les décors astucieux.

Un boulevard sans éclat.
5 déc. 2015
8/10
108
Au Vieux-Colombier, les femmes ne comptent décidément pas pour des prunes. Sous la houlette de Jean-Louis Benoît, les actrices du Français se déchaînent contre la tyrannie masculine des Rustres. La comédie de Goldoni pétille et explose comme un feu d’artifice verbal dans un travail d’une belle facture classique. Joyeuse cacophonie au programme !

Désireux de restituer l’atmosphère suffocante de la pièce de l’Italien, Jean-Louis Benoît a conçu avec Alain Chambon un décor cuivré volontairement bien terne, d’où la sensation pesante d’une constante demi-obscurité. Retrouvant avec plaisir une grande partie de la troupe, Benoît a réuni une distribution aux petits oignons où tous se régalent à jouer la comédie avec une vitalité ébouriffante. Du côté des mâles, l’impayable Christian Hecq multiplie les clowneries et les mimiques d’un Lunardo de Funesque en diable. Bruno Raffaelli, Gérard Giroudon, Laurent Natrella et Nicolas Lormeau complètent le bal ainsi que Christophe Montenez, délicieux dans un contre-emploi de jeune premier nigaud.

Cependant, ce sont bien les femmes les véritables héroïnes de la pièce. Goldoni a pris soin de dresser un portrait avisé et plein de compassion de ces belle dames futées. À commencer par Clotilde de Bayser, virago à la rhétorique implacable. Elle joue avec bonheur Felice, la dominatrice intrigante avec classe et espièglerie. Un vrai plaisir, surtout lors de sa plaidoirie finale. À ses côtés, la découverte Rebecca Marder surprend par sa fraîche insolence ; telle une chatte sauvage, elle sort malicieusement les griffes de l’émancipation. Céline Samie est une Marina toute maternelle et bienveillante tandis que Coraly Zahonero est piquante à souhait en « marâtre » chipie et peureuse.

On se régale donc à côtoyer ces Rustres confondants de bêtise bornée. Benoît a soigné son casting et le résultat s’en ressent grandement sur scène. Tous les comédiens ont l’air de prendre un pied d’enfer à jouer une partition si enlevée malgré les échos actuels pas vraiment joyeux. Une distraction bienvenue avec les temps qui courent, alors n’hésitez pas !
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Rire
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor