Les enfants

Les enfants
  • Théâtre de l'Atelier
  • 1, place Charles-Dullin
  • 75018 Paris
  • Anvers (l.2)
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Un couple d’ingénieurs nucléaires à la retraite vit quelque part au bord de la mer près d’une centrale nucléaire qui vient d’être touchée par un tsunami (on pense bien entendu à la catastrophe de Fukushima).

Une collègue ingénieur qui a participé elle aussi à la construction des grandes centrales scientifiques de la terre, –  un amour de jeunesse que l’on a pas vu depuis 30 ans – arrive un soir d’été pour leur faire une proposition étonnante. 

Cette pièce à l’humour noir dans la lignée de ce théâtre anglais si particulier qui allie à la fois la culture du trio du boulevard et les questions idéologiques et politiques dans l’espace intime interroge la responsabilité de cette génération des années 70 qui a cru au progrès, à l’atome et à l’amour libre.

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1 critique
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3 oct. 2022
7/10
3
Rose n'a pas annoncé sa venue. Hazel la découvre dans la maison où elle vit depuis peu avec son mari Robin. Elles ne se sont pas vues depuis 38 ans. La conversation, s'engage sur des banalités, les enfants, la vie de tous les jours. Discussion entrecoupée de flashs dans lesquels Hazel parle d'une catastrophe qui les a obligés à quitter leur précédente demeure et d'y abandonner leurs animaux. L'usine nucléaire sur laquelle elles et Robin ont travaillé ensemble a été fortement endommagée par un tsunami rendant les lieux inhabitables.

Entre passé, présent, futur ces enfants qui donnent leur nom à la pièce, et qu'on ne verra jamais, ceux que Rose n'a pas eu, ceux du couple Hazel-Robin, principalement Lauren née au moment où les trois amis se sont perdus de vue, sont très présents. Quel monde et quel environnement leur laissons nous ? Quelle est notre part de responsabilité ? sommes nous coupables ?

A ces questions Rose a une réponse, ou tout au moins une proposition à faire...

Eric Vigner, dans une scénographie toute en orange, couleur symbolique des années 70, signe une mise en scène sobre et efficace.
Il y dirige trois très grands comédiens, Cécile Brune (Hazel), Dominique Valadié (Rose) et Frédéric Pierrot (Robin) qui bien entendu sont épatants.

Première pièce de Lucy Kirkwood à être montée en France, les enfants, souvent sous des allures de comédie, questionne avec humour & intelligence sur un monde que nous avons contribué à façonner.
1 oct. 2022
6/10
2
C’est un spectacle étrange. Un spectacle qui oscille sans cesse entre plusieurs sujets, plusieurs atmosphères, sans jamais se positionner clairement. Il y a la question politique, le monde laissé par la génération de nos parents, leurs erreurs, leurs échecs, leur manque d’action, il y a la sobriété nécessaire dans le monde d’après, il y a l’écologie, le handicap, la charge mentale, le couple, l’adultère, le mensonge. C’est une girouette qui tourne selon le sens du vent mais ne se fixe jamais. Pour le spectateur, c’est assez déroutant. On ne sait jamais où on va, si les paroles échangées sont de l’ordre de l’anecdotique ou du fondamental. C’est un texte intriguant, qui a ses moments et ses faiblesses, et qui me laisse un peu perplexe au sortir du théâtre.

Ce que je reprocherai au spectacle, c’est peut-être d’avoir voulu faire trop. Trop de sujets à adresser, trop de pénombre, trop de lenteur, trop d’inconnu. Trop de combats à mener. C’est faire trop confiance au spectateur aussi, quelque part. Pour un texte autant sur le fil, une petite compensation scénique ou rythmique aurait pu être bienvenue, pour relever le tout, comme une épice en cuisine. C’est ce qui se profilait dans mon esprit dans les quelques moments où l’ennui me guettait durant la pièce. J’aurais eu besoin d’être davantage prise par la main.

Mais je ne peux pas dire non plus que j’ai passé un mauvais moment. Les échanges entre les personnages sont une recherche constante d’indices pour mieux comprendre la situation. On reste donc alerte malgré tout, même lors des moments de flottement. Le mélange des intrigues fonctionne, rebat les cartes, fait avancer le propos. Il y a quelque chose de britannique dans ce mélange d’atmosphères, dans cet humour pince-sans-rire qui surgit sans prévenir dans les dialogues. Quelque chose d’inhabituel et d’intéressant pour le spectateur. C’est un spectacle osé, sur un thème assez rare, et c’est chouette de voir ça aussi, au théâtre.

Et puis, cette distribution. Cécile Brune porte le spectacle avec une belle maestria. C’est elle qui amène la vie sur le plateau, c’est elle aussi qui la fait disparaître lorsque le temps vient de laisser la place. Elle est lumineuse et profonde à la fois, merveilleuse dans le cynisme comme dans l’émotion. Frédéric Pierrot, qui joue son compagnon, convainc aussi totalement avec une partition peut-être moins développée. Dominique Valadié, qui incarne l’élément perturbateur, cherche encore un peu sa place dans les dialogues, mais la trouve totalement dans le sous-texte. Sa présence hostile et pesante et sa voix hiératique amènent une vraie densité au personnage, qui parfois fait froid dans le dos.
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25 sept. 2022
7/10
2
Rose arrive une fin d'après-midi dans une maison au bord de mer, qui se trouve à proximité d'une centrale nucléaire qui a subi un tsunami, à l'instar de ce qui s'est passé à Fukushima. Dans la maison, elle retrouve Hazel et Robin, couple à la retraite avec qui elle a travaillé dans la centrale. Elle a une proposition inattendue à leur faire mais comment va t'elle s'y prendre pour présenter son idée ?

"Comment vont les enfants ?"

C'est par cette phrase que démarre la pièce de Lucy Kirkwood, auteure anglaise contemporaine. Son texte est joué en France pour la première fois au théâtre de l'Atelier. Et les enfants seront absents de la scène mais leur présence restera tangible car la proposition de Rose parle de leur avenir. Sous l'apparente légèreté de l'écriture, on perçoit bien le propos engagé de l'auteure qui a reçu le prix de la meilleure Pièce aux Writer's Guild awards pour cette pièce. Un texte où la nonchalance laisse passer des piques féroces. Oui c'est un brin caustique même si on sent parfois que l'humour anglais n'est pas toujours assez finement retranscrit en français. Ce n'est pas un problème de traduction, c'est souvent le cas avec des textes sarcastiques, le sens est plus percutant en anglais. La pièce peut dérouter le spectateur par son ton grinçant mais la finalité est noble et inédite.

C'est un texte novateur et parfois déconcertant qui est porté par une distribution extraordinaire : Dominique Valadié (Rose), Cécile Brune (Hazel) et Frédéric Pierrot (Robin). Ces trois là forment une sacrée équipe sur scène : Robin est à vif mais cache son désespoir en protégeant Hazel de la vérité, pour qu'elle puisse faire face avec vigueur aux évènements qui leur arrivent, tandis que Rose serait une sorte de version négative d'Hazel mais avec un but à atteindre qu'elle ne lâchera pas. La mise en scène d'Eric Vigner est elle aussi particulière, totalement au service du texte : dans un décor épuré dans la couleur fait penser aux années 70, les déplacements des deux femmes sont très limités, laissant le poids des mots prendre toute la place dans l'espace scénique.
24 sept. 2022
9,5/10
6
C’est avec une férocité grinçante et sourde autant que détonante que Lucy Kirkwood, jeune autrice anglaise, façonne ce drame moderne aux allures d’uchronie où la dénonciation sociale, écologique et finalement culturelle se veut implacable et devient une évidence nécessaire à affronter. Le style narratif caustique et cynique au patchwork habile de ruptures et de saillies textuelles saute souvent dans les flaques du contrepied. L’humour à la crudité frontale impertinente et aux saveurs aigres de l’ironie, sème une drôlerie salvatrice où le rire vient piquer un univers délibérément mortifère.

« Un couple d’ingénieurs nucléaires à la retraite vit quelque part au bord de la mer près d’une centrale nucléaire qui vient d’être touchée par un tsunami. Une collègue ingénieur qui a participé elle aussi à la construction des grandes centrales scientifiques de la terre (un amour de jeunesse que l’on n’a pas vu depuis 30 ans), arrive un soir d’été pour leur faire une proposition étonnante. »

Le récit traverse tout le long un néo-réalisme allié à un néo-brutalisme qui ne sont pas sans rappeler les caractéristiques du mouvement théâtral britannique « In Yer Face » que Kirkwood semble rejoindre, dans la lignée de Kelly, Crimp ou Kane. La dramaturgie conflictuelle se délivre sur un mode de légèreté et de nonchalance. L’écriture semble vouloir nous tenir à distance de ce qui est dit, de ce qui est fait, de ce que nous comprenons être ça. Mais la narration est ici bien façonnée, ficelée avec adresse, et voilà que le paradoxe généré par le miroir cathartique du théâtre nous place tout net dans un champ de proximité avec les personnages et les situations.

Hazel, Robin et Rose nous surprennent et nous interrogent. Au-delà du trio vaudevillesque qui chahute en public ses souvenirs, ils nous content une satire contemporaine sur la volonté de résilience tentant d’imposer un renouveau pour ne pas sombrer dans l’abîme de la résignation. Mais est-il encore temps ? Croyance ou certitude ? Agitation désespérée pour conjurer le sort ou sublimation de la vieillesse dans le devenir des jeunes générations ? Ces autres nous-même, symboles de notre lignée, peut-être nos propres enfants. Les enfants. Oui les enfants, sorte de repère étalon qui survole l’ensemble de cette rationalité limitée développé dans le texte, signifiants majeurs du changement.

La mise en scène de Éric Vigner assisté par Alban de Tarlé dessine une esthétique épurée de matérialité et réduit les mouvements au stricte nécessaire de la narration. Les sons bruitent et scandent le temps qui change, hachurant ou soulignant les situations. Le texte prévaut avec force et se délivre dans l’extériorité stylisée et clinique d’une scénographie dépouillée. Les personnages s’imposent alors, magnifiés par une remarquable interprétation.

Cécile Brune, Frédéric Pierrot et Dominique Valadié nous saisissent et nous emportent dans ce récit prégnant qui devient un labyrinthe aux idées, bouscule notre imaginaire et notre réflexion. Elles et ils se fondent dans leurs personnages, on les oublie tant il sont vrais. Seuls demeurent Hazel (Cécile Brune, magnifique et majestueuse défenseuse de la Vie, au tonus décapant et à la sensibilité palpable), Robin (troublant Frédéric Pierrot, tout en profondeur dans son désespoir et sa fragilité) et Rose (impressionnante Dominique Valadié, grande faucheuse meurtrie, digne et distante mais déterminée à repartir avec ses proies). Nous nous laissons volontiers cueillir et entreprendre dans cette déroute captivante et sublime à la fois. Elles et Ils nous subjuguent véritablement par la finesse et la puissance de jeu de leurs personnages.

Un spectacle passionnant. Une pièce coup de poing. Un mise en vie à l’évidence discrète et adroite. Une interprétation de très haut vol.

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Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor