Le Réserviste

Le Réserviste
  • Théâtre de Belleville
  • 94, rue Faubourg du Temple
  • 75011 Paris
  • Goncourt (l.11)
Itinéraire
Billets à 25,00
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Une pièce absurde autour du thème du chômage et de notre rapport au travail, où l’on retrouve trois personnages doucement fêlés qui nous racontent l'histoire du Réserviste, mais aussi des paresseux qui piratent les ondes de France Inter en buvant de la bière belge.

 

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16 oct. 2018
8,5/10
37
Vive le devoir de Réserve !
Seulement voilà, être réserviste n'est pas donné à tout le monde !
C'est une école de volonté, de courage, et d'abnégation, aussi...
N'est pas réserviste qui veut...

Tout au moins, au sens marxiste du terme. Pour l'auteur du « Capital », en effet, le réserviste, c'est celui qui fait partie de « l'armée de réserve » de travailleurs, c'est à dire l'ensemble des travailleurs potentiels qui n'ont pas d'emploi.

Une armée produite volontairement par le monde du capital et du patronat, permettant ainsi de réduire le coût des salaires, avec le rapport de force du côté des employeurs : « Si t'es pas content, y'en a d'autres qui attendent après ta place ! »

Pour Thomas Depryck, l'auteur du texte, Manu est ce réserviste, ce jeune homme qui a choisi délibérément de ne pas travailler, pour être fin prêt le jour où lui sera enfin proposé un job à la mesure de ses envies et de ses compétences. Logique.

Et l'auteur de nous proposer un théâtre de l'absurde, un théâtre loufoque, qui va placer les spectateurs face à leurs propres représentations de la supposée « valeur travail ».
Nous assistons à une farce sociétale qui présente les dérives d'un monde incapable (sans doute volontairement et sciemment) de fournir un boulot à tous ceux qui en auraient besoin.

Alice Gozlan a donc mis en scène ce pamphlet engagé, drôle et parfois surréaliste en ayant une excellente idée : démultiplier le narrateur.
Ici, Manu sera interprété par trois jeunes et excellents comédiens.

Ils nous accueillent d'ailleurs sur scène, nous interpellant avec gouaille et jovialité.

Sur le plateau, c'est l'appartement de Manu, recouvert d'une moquette d'herbe verte, et aux nombreuses plantes vertes.
Nous regardons en fait une sorte de vivarium, dans lequel s'agitent les trois tiers d'une petite fourmi très peu travailleuse.
Une fourmi qui n'entre pas et ne veut pas entrer dans les codes et la normalité de la fourmilière.

Les trois comédiens vont interpréter cette fable avec une belle énergie et un plaisir indéniable et bien visible de jouer ensemble. Ces trois-là se connaissent et ont l'habitude d'être côte à côte sur un plateau.

Chacun aura droit à « sa » grande scène, qui la réservation téléphonique d'une place pour un concert de Madonna, qui un face-à-face explosif avec un employé de Pôle-Emploi, qui une scène de dépression d'anthologie. Les trois feront fonctionner à plein régime les zygomatiques des spectateurs. On rit énormément.

Julia de Reyke, Melissa Irma et Zacharie Lorent impulsent à cette critique de la société du labeur, et au dézingage en règle de la star-up nation, une force dramaturgique à la fois étonnante et jouissive.

Que de boulot pour jouer l'éloge de la paresse (car c'est bien de cela qu'il s'agit), et de l'échec volontaire.

De temps à autres, ils vont d'ailleurs revêtir chacun un masque drôlissime de paresseux (un aï en deux lettres pour les cruciverbistes...), afin de pirater France Inter, Nicolas Demorand et Marie-Pierre Planchon à la météo, et par là-même distiller le message de Manu. (Et au passage, boire également force bières belges...)
Oui, nous sommes aliénés, oui nous aussi, intégrons la Réserve !

Ces séquences auront leur lot de runing-gags (le test des micros, les doigts d'honneur et j'en passe), des séquences drôlissimes.

On l'aura compris, metteure en scène et comédiens ont posé un vrai regard lucide sur le texte de Depryck pour en tirer une vision à la fois drôle, mais également glaciale.
Une vision qui nous provoque, une vision qui nous place devant notre propre responsabilité : dans quelle mesure, participons-nous personnellement à cette aliénation collective ?

Voici un théâtre-citoyen qui ne manque pas de donner à réfléchir, même et surtout passée la porte du théâtre de Belleville.
Une bien belle et nécessaire entreprise que je vous recommande vivement.

Ne manquez surtout pas la lecture du générique de fin, associée à des petites vidéos revenant sur le personnage de Manu. C'est hilarant !

Mais sinon, le prénom « Manu », ne me dites pas que c'est le hasard... Suivez mon regard...
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Notes détaillées (pour les plus courageux)
Texte
Jeu des acteurs
Emotions
Intérêt intellectuel
Mise en scène et décor