- Comédie Musicale / Musique
- Théâtre de la Tempête
- Paris 12ème
L'amour telle une cathédrale ensevelie
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- Château de vincennes (l.1)
Deuxième volet de la Trilogie des Peuples, Guy Régis Jr laisse la parole au fils
Cela pourrait être le titre d’un poème, comme l’annonce d’une promesse non tenue, un élan, un rêve avorté. Dans ce deuxième volet de la trilogie des Dépeuplés, l’auteur et metteur en scène Guy Régis Jr poursuit sa radiographie des familles haïtiennes disloquées. Il les connaît bien. Il vient de l’une de ces familles-là ! Après le père absent, voici le fils intrépide parti rejoindre sa mère et son retraité mari de l’autre côté de l’océan, dans un pays inconnu plus au nord.
Avec le guitariste classique haïtien Amos Coulanges, Guy Régis Jr compose un opéra, une sorte d’oratorio, pour dire le deuil de ces abîmés en mer. Chanter l’espoir et le désespoir, plutôt que décrire avec des mots ces inénarrables départs d’Haïti vers le Canada, du Sénégal vers la France, à la recherche d’une terre meilleure. L’appel du large pour vivre enfin peut-être. Dans cette création monde, la musique est un personnage à part entière. Les chants irréellement beaux, en créole et français, viennent amplifier l’immensité de la mer, tentant ainsi de faire ressentir ces épopées maritimes, ces longues traversées, aux couleurs crues comme les vies qu’elle transporte.
Guy Régis Jr est né en 1974 à Port-au-Prince (Haïti) , écrivain engagé et metteur en scène, il dénonce les violences de ce monde qui détruisent entre autre le milieu familial. Son triptyque Dépeuplement conte l’histoire d’une famille haïtienne brisée par la migration. (Étalé deux pieds devant (Le Père), L’Amour telle une cathédrale ensevelie (Le Fils), Et si à la mort de notre mère (La Mère)). Guy Régis Jr a été nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2017.
Dans la salle Copi du théâtre de la Tempête, nous prenons place devant une mer houleuse, cette mer que franchit bien des hommes à leur péril pour quitter la misère ou la guerre.
Une scénographie sur deux niveaux apparait dans la lumière, en fond de plateau un peu surélevé, un éclairage froid inonde un appartement moderne.
Une femme, Nathalie Vairac, se querelle violemment avec un homme, Frédéric Fachena et François Kergourlay en alternance,qui semble être son ainé. La femme est dans une colère haineuse, l’homme plus calme essaie d’obtempérer.
Que se passe-t-il ? Pourquoi tant d’emportement et de rage ?
Elle est haïtienne, lui Canadien, ils se sont connus sur un site de rencontre. Poussée par son fils, elle a quitté Haïti pour rejoindre cet homme.
Depuis deux mois, elle est sans nouvelles de ce fils qui a entrepris de prendre la mer pour la rejoindre.
Les dialogues sont courts, intercalés par des zones de noir profond, la gestuelle des comédiens est saccadée puis par instants tout se fige et s’immobilise.
Nous ressentons la détresse et la souffrance de cette femme du soleil perdue dans ce pays de neige, elle espère un signe de son fils, regrette d'avoir quitté son pays. Son anxiété et son angoisse grandissent, l'homme lui, reste impuissant devant son désarroi.
La querelle du couple est intercalée par un quatuor lyrique, Dérilon Fils, Déborah-Ménélia Attal, Aurore Ugolin, Jean-Luc Faraux , représentant les Boat-people et le fils désirant s’embarquer pour le Canada.
Ils s’avancent tous quatre sur l’avant-scène jonchée de sable, leurs chants nous transpercent. C’est grandiose et poignant.
En arrière-plan, défilent des vidéos bouleversantes et tragiques représentant les Boat-people perdus dans une mer agitée.
« Hommes, femmes, enfants, tous avançaient impétueux dans le vent, vers l’estuaire, vers l’eau. Ils partaient arborant leurs vies, leurs terres, fuyant leur pays »
Le texte est plein de poésie, les mots nous transpercent le cœur.
« L’amour, monté haut comme une cathédrale, s’est pulvérisé comme poussière, Comme une cathédrale sous les décombres d’un tremblement de terre. »
C’est un spectacle qui nous chamboule, nous chavire et nous captive dont nous nous souviendrons longtemps.