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James Brown mettait des Bigoudis
Jacob est maintenant dans une maison de repos. Un établissement, on ne sait pas où, mais au milieu d’une nature ordonnée et impavide. Il s’y est fait un ami, Philippe. De même que Jacob se vit en Céline Dion ou voudrait être la chanteuse, Philippe est un homme blanc qui s’identifie comme noir ou voudrait être noir. On ne connait pas leur degré de déraison, ni même si déraison il y a. De quoi sommes-nous construits ? De qui sommes-nous faits ?
Après Anne-Marie la Beauté présenté en 2021 à La Colline, Yasmina Reza propose, avec cette création, une fantaisie au sens musical du terme sur l’identité ou la différence – comme on voudra. L'autrice retrouve ici Jacob Hunter, l'un des personnages de son roman Heureux les heureux, publié en 2013 aux éditions Flammarion.
L'AVIS DE LA REDACTION : 6,5/10
James Brown mettait des bigoudis, la dernière pièce de Yasmina Reza est le prolongement d'une formidable nouvelle de son roman Heureux les Heureux publié en 2013. On y retrouve la famille Hunter dont le fils Jacob a, comme on disait à l'époque, un trouble de la personnalité.
Autant la nouvelle était drôle et profondément émouvante autant la pièce flotte et passe à côté de son sujet malgré une écriture ciselé dont Yasmina Reza a le secret. Alors qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? A peu près près tout sauf les acteurs.
En dix ans la société a beaucoup évoluée et les sujets d'identité et de genre sont devenus le pivot de toutes réflexion socio-intellectuels. Dans la nouvelle initiale, Yasmina Reza osait nous faire rire de cette dysphorie de genre (en 2013 personne n'utilisait le mot).
Il semble que 10 ans plus tard Yasmina Reza hésite à nous faire rire ou réfléchir, laissant le personnage de Jacob-Céline éthéré et sans véritable incarnation. La force de la nouvelle résidait dans la manière dont les parents décrivaient Jacob-Céline, ce qui donnait plus de poids au désarroi des parents et au côté dramatique de l'histoire.
En choisissant de ne pas faire de Jacob-Céline le personnage principal de sa pièce, Yasmina Reza introduit deux autres personnages : une psy excentrique et Philippe, un jeune homme blanc souffrant également de dysphorie de genre.
Si la psy peut nous faire rire, on aime bien ce personnage pour qui freiner c'est capituler, Philippe, en acceptant Jacob comme il est, semble être là uniquement comme faire-valoir. Les deux personnages naviguent entre amitié et indifférence, sans que l'on puisse entrevoir une histoire plus profonde émerger.
Reprenant en grande partie les dialogues de la nouvelle de 2013, les parents, dans leur désarroi et leur incompréhension, sont touchants et drôles. Cependant, le côté dramatique des parents, incapables de comprendre et d’accepter leur enfant, est moins présent. Cette absence ne peut que se conclure sur une note sombre comme dans la nouvelle, plutôt que sur une piste de danse.
Enfin, le choix de la mise en scène empêche d'aborder pleinement le sujet. Le décor écrasant et les scènes enchaînées avec des interludes musicaux ne laissent pas suffisamment de place aux personnages pour se développer, les laissant flotter comme dans un habit trop grand pour eux.
En résumé, le problème de cette pièce réside peut-être dans le fait qu'elle aborde un sujet trop vaste pour Yasmina Reza, qui, malgré son habileté habituelle à nous faire réfléchir, ne parvient pas à choisir une direction claire face aux mutations de notre société.
François Millet
Autant la nouvelle était drôle et profondément émouvante autant la pièce flotte et passe à côté de son sujet malgré une écriture ciselé dont Yasmina Reza a le secret. Alors qu'est-ce qui ne fonctionne pas ? A peu près près tout sauf les acteurs.
En dix ans la société a beaucoup évoluée et les sujets d'identité et de genre sont devenus le pivot de toutes réflexion socio-intellectuels. Dans la nouvelle initiale, Yasmina Reza osait nous faire rire de cette dysphorie de genre (en 2013 personne n'utilisait le mot).
Il semble que 10 ans plus tard Yasmina Reza hésite à nous faire rire ou réfléchir, laissant le personnage de Jacob-Céline éthéré et sans véritable incarnation. La force de la nouvelle résidait dans la manière dont les parents décrivaient Jacob-Céline, ce qui donnait plus de poids au désarroi des parents et au côté dramatique de l'histoire.
En choisissant de ne pas faire de Jacob-Céline le personnage principal de sa pièce, Yasmina Reza introduit deux autres personnages : une psy excentrique et Philippe, un jeune homme blanc souffrant également de dysphorie de genre.
Si la psy peut nous faire rire, on aime bien ce personnage pour qui freiner c'est capituler, Philippe, en acceptant Jacob comme il est, semble être là uniquement comme faire-valoir. Les deux personnages naviguent entre amitié et indifférence, sans que l'on puisse entrevoir une histoire plus profonde émerger.
Reprenant en grande partie les dialogues de la nouvelle de 2013, les parents, dans leur désarroi et leur incompréhension, sont touchants et drôles. Cependant, le côté dramatique des parents, incapables de comprendre et d’accepter leur enfant, est moins présent. Cette absence ne peut que se conclure sur une note sombre comme dans la nouvelle, plutôt que sur une piste de danse.
Enfin, le choix de la mise en scène empêche d'aborder pleinement le sujet. Le décor écrasant et les scènes enchaînées avec des interludes musicaux ne laissent pas suffisamment de place aux personnages pour se développer, les laissant flotter comme dans un habit trop grand pour eux.
En résumé, le problème de cette pièce réside peut-être dans le fait qu'elle aborde un sujet trop vaste pour Yasmina Reza, qui, malgré son habileté habituelle à nous faire réfléchir, ne parvient pas à choisir une direction claire face aux mutations de notre société.
François Millet