- Classique
- Comédie Nation
- Paris 11ème
Farces et Moralités d'Octave Mirbeau
Critique de son époque, Octave Mirbeau exprime avec humour, un doute profond quant à la capacité de l'Homme à résister à la cupidité et à la rapacité.
Habile dans sa manière de sonder la complexité de l'âme humaine, Octave Mirbeau met à jour les contradictions fondamentales qui sont à l'origine des tensions politiques et sociales de son époque, L'action se déroule dans une petite ville de province et aborde des thèmes variés : les élus d'un conseil municipal pris au dépourvu par une nouvelle terrifiante, un commissaire de police tenté par sa maîtresse et un portefeuille bien garni, un notable troublé par le rêve d’être un grand écrivain…
Octave Mirbeau ne ménage aucun de ses personnages et pousse jusqu'à l'absurde les logiques proposées par chaque personnage.
L’épidémie place le spectateur au milieu d’un conseil municipal : une épidémie de fièvre typhoïde se déclare dans un village. Le Maire reçoit ses conseillers, dont le médecin, qui ne se sentiront concernés par le danger que lorsque un bourgeois sera déclaré mort de la fièvre. Dans Le portefeuille, un commissaire cache une maîtresse libertine sous des airs dévots et montrera sa cupidité et sa bassesse lorsqu’un jeune pauvre viendra rapporter un portefeuille empli d’argent. Enfin, L’illustre écrivain moque l’arrogance et la bêtise d’un bourgeois se voulant écrivain.
Trois courtes pièces, donc, montées avec un amour évident pour l’auteur par la petite compagnie de la pirogue. Trois petites portions d’inhumanités ridicules et voraces telle que Mirbeau aimait à la dépeindre dans ses textes. On se délecte des répliques (« S’il n’y avait pas d’épidémies, Messieurs, où donc les soldats apprendraient-ils aujourd’hui le mépris de la mort… et le sacrifice de leur personne à la patrie ?… ») et du cynisme odieux des politiques épinglé avec obstination par Mirbeau tout au long de son oeuvre. Tout y passe, de la cupidité des petits bourgeois, à la lâcheté veule d’un conseil municipal, l’aveuglement d’une maîtresse ou le ridicule d’un faux écrivain avide de reconnaissance et de postérité. Le texte est caustique, délicieusement irrévérencieux, diablement vachard.
La mise en scène, dotée de moyens a minima (une table, quatre chaises sur fond noir), manque parfois de rythme mais le tout est compensé par quelques belles idées (comme la lecture d’un extrait du Journal d’une femme de chambre par le commissaire au début de la deuxième farce, idée qui aurait pu être reprise en ouverture de la troisième, peut-être?) et par le parti-pris de jouer en mode farce, presque comedia dell’arte, qui n’en révèle que davantage le grotesque des personnages et leur grossièreté crétine. Les comédiens aiment visiblement leurs personnages (Olivier Thébault savoureux maire et écrivain imbéciles ou Patrick Sow, qui signe aussi la mise en scène), Benoît Tavernier manque un peu de clarté dans sa diction (Docteur Triceps) mais propose néanmoins un jeune pauvre touchant et juste dans Le portefeuille.
Au final, encourageons cette mise en lumière des textes méconnus d’Octave Mirbeau à l’approche du centenaire de sa mort et savourons quelque extrait très mirbelliens :
« Bien décevant, le théâtre… Je trouve que le théâtre se traîne, Monsieur Jérôme Maltenu, dans des redites fatigantes… dans des banalités… oiseuses… On n’y attaque pas assez de front la question sociale, que diable !… »