- Théâtre contemporain
- Théâtre des Bouffes du Nord
- Paris 10ème
En Attendant Godot

- Théâtre des Bouffes du Nord
- 37 bis, boulevard de la Chapelle
- 75010 Paris
Je suis resté longtemps à distance de Godot. Le hasard d’une lecture m’a fait redécouvrir ce texte si mortellement vivant, si concret, si comique aussi. Mais cette retrouvaille est-elle un hasard aujourd’hui ?
Notre monde n’est-il pas en train de s’enliser dans la confusion ? Pour raconter une existence qui ne connaît plus ni forme, ni principe et dans laquelle la vie n’avance plus, Beckett a détruit à la fois la forme et le principe de la fable. Et la fable qui n’avance plus devient la fable appropriée pour dire la vie qui n’avance plus.
Godot parle du vide, mais surtout de l’increvable capacité de résistance des fourmis humaines, à travers mille péripéties tragico-burlesques – langagières, gymnastiques, balistiques. Nous avons voulu lire la pièce pas à pas (texte et indications scéniques), tout simplement, férocement. Nous en aurons bavé et nous aurons beaucoup ri, avec ce M. Beckett.
La critique de la rédaction : 6.5/10. « Le cirque, c’est du cirque » dit Estragon à Vladimir, en désignant du menton Pozzo qui fait claquer son fouet dans le vide.
Il ne saurait pas mieux décrire la mise en scène de Jean-Pierre Vincent : les deux personnages principaux sont habillés façon Charlie Chaplin, avec un vieux trois-pièces tout déchiré, un pantalon large avec des poches profondes, et un chapeau melon rapiécé. Ces deux clowns évoluent dans un espace mort, quasiment vide à l’exception d’un arbre, quelques petits cailloux, un gros rocher, et du sable. Ils nous font leurs numéros, nous font rire en échangeant leur chapeau 26 fois, en tentant tant bien que mal d’enlever les chaussures d’Estragon, en répétant les mêmes phrases tout au long de la pièce… Lucky et Pozzo sont dans la même énergie clownesque qui fait presque oublier à la salle à quel point le sujet de la pièce est ennuyeux et déprimant : l’attente, la déception, et l’absence de raison de vivre.
On s’attache peu à peu à ces deux histrions tristes, qui changent d’émotions aussi facilement que d’envies : tantôt se tombant dans les bras, tantôt voulant se quitter à jamais. Même Pozzo, le maitre inhumain, finit par nous toucher par son besoin inégalé d’attention, puis par sa cécité. On peut se retrouver dans leur attente interminable, dans leurs contradictions, même dans leur aspect grotesque.
Une impression enfantine se dégage de la pièce, avec son fond de scène bleu pastel où se dégage un soleil orangé et une lune bleutée qui ressemblent à des dessins, avec son côté clownesque, grâce à plusieurs interpellations vers le public pour le faire tourner en bourrique. Le spectateur devient un enfant assis sous une tente de cirque.
Pourtant on ne peut s’empêcher de trouver le temps long (c’est la pièce elle même qui veut cela), on attend une résolution, on attend Godot qui ne viendra jamais et on est désespéré par ce temps qui ne passe pas. Un peu d’ennui, beaucoup de rire, un arrière goût amère: une mise en scène classique qui met bien en valeur les enjeux de la pièce mais sans réelle prise de risque.
La mise en scène de Jean-Pierre Vincent est précise et la direction d'acteurs millimétrée. Le rythme et le faux rythme s'alternent avec habileté, malgré un ensemble qui tire un peu en longueur.
Le duo Vladimir-Estragon, aux faux airs de Laurel et Hardy, fonctionne à merveille même s'il tire trop souvent vers le strictement clownesque. Le duo Lucky et Pozzo apporte plus de complexité au jeu des acteurs.