- Théâtre contemporain
- Théâtre de la Tempête
- Paris 12ème
C'est comme ça (si vous voulez)

- Théâtre de la Tempête
- Route du Champ-de-Manœuvre
- 75012 Paris
- Château de vincennes (l.1)
Pourquoi Monsieur Ponza, le nouveau fonctionnaire de la petite préfecture, semble-t-il séquestrer sa femme chez lui ? Pourquoi empêcher sa belle-mère, Madame Frola, de rendre visite à sa fille ?
Sa conduite a de quoi intriguer les habitants. Très vite, l’émotion grandit, les esprits s’échauffent. Selon Madame Frola, son gendre est fou. Pour Ponza, pas de doute, la folle, c’est sa belle-mère.
Qui croire ? Les hypothèses fusent, toutes les théories sont plausibles. Plus on court après, plus elle échappe cette fameuse vérité. Serait-elle relative à chacun, profondément subjective, comme le suggère le personnage Laudisi ?
Après Le Menteur de Corneille, Julia Vidit revient à la Tempête avec cette fois-ci, une comédie de Pirandello, pour creuser encore plus la caricature et le sujet, jusqu’à la folie. À ses côtés, Guillaume Cayet, signe pour l’occasion un quatrième acte qui porte le coup encore plus loin, jetant comme une passerelle entre 1923 et aujourd’hui.
De la folie à la cruauté, il n’y a qu’un pas. Pas sûr que la communauté des hommes se relève indemne de cette quête effrénée de vérité. Comment accueillir l’autre sans heurts, sans violence ? À chacun sa vérité « sociale ». À tous l’humanité, quelles que soient les circonstances ?
Cette pièce est plus connue sous le nom de « A chacun sa vérité » tirée de la nouvelle Mme Frola et M Ponza son gendre. Pièce en trois actes.
Pirandello s’amuse sur le thème de la folie comme souvent mais aussi sur le thème de la médisance et de la curiosité malsaine.
Julia Vidit et Guillaume Cayet ont ajouté et signé un quatrième acte où l’humour noir teinté de barbarie est à son paroxysme.
Photo Aanne Gayan
M Ponza nouveau conseiller de la préfecture s’est installé en ville avec sa femme. Sa belle-mère Mme Frola demeure dans l’immeuble où vivent M Agazzi secrétaire général et son épouse. M Ponza manque à ses devoirs, il n’a point rendu visite à M Agazzi son supérieur. D’autre part, les rumeurs vont bon train.
Pour quelle raison M Ponza rend-t-il si souvent visite à sa belle-mère toujours seul sans sa femme ?
Pour quelle raison séquestre-t-il son épouse ?
M et Mme Agazzi et leurs voisins Monsieur et Madame Sirelli se posent maintes questions, chacun émet des théories et agrémente le mystère. Quel est donc le secret de M Ponza ?
Un seul d’entre eux, le frère de Mme Agassi, M Laudisi essaie de leur faire entendre raison tout en s’amusant et en se moquant d’eux.
"La vérité n'est pas toujours celle que l'on croit."
"Mais que pouvons-nous savoir réellement des autres ?"
Mme Frola et M Ponza finiront par s’expliquer. Mais bien des questions torturent nos protagonistes.
Qui dit la vérité ?
Qui protège l’autre ?
Qui est atteint de folie ?
Pirandello nous laisse vaquer à notre imagination et à nos réflexions en toute liberté.
Photo Aanne Gayan
Julia Vidit a préféré traiter dans un quatrième acte la suspicion, le racisme et la vengeance. Les habitants de l’immeuble contre les nouveaux venus M Ponza et les siens ainsi que la punition du moqueur M Laudisi...
Bien que ce ne soit point inintéressant et traiter avec humour j'avoue que cela ne m'a pas vraiment enthousiasmé, Pirandello se suffit à lui-même.
Julia Vidit a placé ingénieusement l’action dans une cage d’escalier, ce qui crée un joyeux dynamisme, on se croisent, on bavarde, on repart, on revient….
C’est un embrouillamini de questions, de réponses, de controverses, de nouvelles hypothèses... Ce beau monde est perdu.
La mise en scène de Julia Vidit est vivante, pétulante et magnifiquement orchestrée.
La scénographie de Thibaut Fack est harmonieuse et élégante.
M Ponza nous amuse et nous enchante par sa gestuelle fabuleuse.
Les comédiens Marie-Sohna Condé, Erwan Daouphars, Philippe Frécon, Étienne Guillot, Adil Laboudi, Olivia Mabounga, Véronique Mangenot, Barthélémy Meridjen, Lisa Pajon nous transportent avec grand brio dans cette aventure et nous réjouissent.
« Pourquoi Monsieur Ponza semble séquestrer sa femme chez lui ? Pourquoi empêcher sa belle-mère, Madame Frola, de rendre visite à sa fille ? Sa conduite a de quoi intriguer les habitants. Très vite, l’émotion grandit, les esprits s’échauffent. Qui croire ? Les hypothèses fusent, toutes les théories sont plausibles. Plus on court après, plus elle échappe cette fameuse vérité. Serait-elle relative à chacun, profondément subjective, comme le suggère le personnage Laudisi ? »
Écrite à partir d’une de ses nouvelles Madame Frola et Monsieur Ponza, son gendre, Pirandello fait de sa pièce en trois actes une peinture paradoxale, proche de l’absurde et quasi surréaliste, de la médisance et du doute, du désir et de la subjectivité.
Guillaume Cayet ajoute ici un quatrième acte volontairement trash qui pousse plus loin le récit et l’extrapole dans un imaginaire aux aspects d’un réel qui pourrait être aujourd’hui. La cruauté sublime la folie ambiante des trois précédents actes, rendant le propos sur la quête de vérité plus vif et incisif. Le doute est sublimé en rumeurs qui sourdent et en colères qui grondent jusqu’à exploser dans un abyme de violence conduisant au chaos.
Qui dit quoi, qui dit vrai, qui croire ? Le doute est-il le résultat d’une suggestion ou d’un désir de croire la réalité telle qu’elle nous plairait ? Quelles sources d’information nous renseignent vraiment ? Quelles influences s’exercent sur les dires et les faits rassemblés ? Quelle fiction croire pour obtenir la vérité ? Faut-il inventer pour savoir ? À quel prix doit-on soumettre la quête de vérité ? Autant de questions qui surprennent l’écoute et le regard du spectateur. Mais lui finalement, que va-t-il observer et qui va-t-il croire ?
La scénographie de Thibaut Fack est particulièrement bien choisie, comme une évidence de proposition scénique au service du texte. Ces escaliers dont on ne sait où ils mènent et si les personnages les empruntent pour monter ou descendre quelque part contribuent à nous placer au cœur d’une gigantesque illusion d’optique permanente. C’est savoureux.
La mise en scène de Julia Vidit assistée par Maryse Estier met l’ensemble, rythme narratif, expressivité des jeux et univers irrationnel, en harmonie parfaite avec le texte, tout en férocité et sans concession. Un parti pris résolument amer voire cynique, rehaussé par les couleurs toniques et loufoques de l’interprétation qui est littéralement magistrale. Ironie, dérision, folie et cruauté traversent les postures et les mouvements, les intonations et la diction même des personnages. Le texte est magnifié.
Les comédiens jouent à merveille de toutes les illusions qui s’amoncellent. Il faut voir ces yeux hallucinés, ces jeux énigmatiques à souhait qui laissent au grotesque de ces sortes de clowns impressionnants et terrifiants le soin de nous emporter dans leur farce macabre et brutale. Elles et ils servent le texte avec un engouement et un abatage superbes. Marie-Sohna Condé, Erwan Daouphars, Philippe Frécon, Étienne Guillot, Adil Laboudi, Olivia Mabounga, Véronique Mangenot, Barthélémy Meridjen et Lisa Pajon sont troublants de vérités feintes, de malice et de jouerie… drôles parfois, effrayants souvent, redoutablement efficaces. On ne sait plus qui nous ment, nous rassure ou nous bluffe. Sublime interprétation !
La magie du théâtre par ses messages, ses images et ses sensations fonctionne ici de façon stupéfiante. Le texte, la mise en vie et surtout l’interprétation nous ravissent. Un vif plaisir « pirandellien » !