- Théâtre contemporain
- Théâtre du Rond-Point
- Paris 8ème
Amore

- Théâtre du Rond-Point
- 2bis, Avenue Franklin D. Roosevelt
- 75008 Paris
- Franklin D. Roosevelt (l.1, l.9)
Un arbre sec se laisse tordre sous le vent, dans un coin du plateau aux murs d’un rouge sombre. Il refleurira bientôt, grâce au fado portugais, à la danse des âmes brisées et aux mots des poètes. Tout érige ici les prémices d’une beauté nouvelle, dans la célébration d’un amour incandescent.
En réponse à la pandémie et aux deuils impossibles, Amore fête le Portugal, ses contradictions, sa mélancolie et sa joie, la vie même.
Chien fou de la scène internationale, couronné des prix Europe Nouvelles réalités théâtrales, prix Olimpici ou prix de la Critique, Pippo Delbono coordonne dans la rage et les larmes un florilège de fulgurances, tout un carnaval de la comédie humaine. Après Il Silenzio, Dopo la battaglia, Orchidées ou La Gioia, il revient au Rond-Point en maître de cérémonie vêtu de blanc, pour livrer un chant d’amour aux tableaux sidérants.
Grinçante, Anémone apostrophe sa petite fille et se glisse le fond de son verre de chardonnay.
- Non, je te provoque. Mais c’est indéniable pour moi, il y a un avant et un après ORPEA. Ma vie est transformée. Exit l’EPAD et regarde depuis : Appartement dans Paris, budget illimité, carte uber eats, abonnement à l’hippodrome, à Netflix et au théâtre… Qu’est-ce que c’est beau la culpabilité !
- C’est vrai qu’elle a sacrément bougé le curseur. Je soupçonne un petit effet ménopause non ?
- Oh que c’est vilain ça ! Mais c’est possible oui. C’est même plutôt probable maintenant que tu le dis…
Anna, un peu coupable, se veut plus tendre, et tente de faire le lien entre sa mère et sa grand-mère :
- En fait, je pense que c’est par amour. Elle vient de s’apercevoir qu’elle t’aimait. Non, non écoute moi. Elle réalise, à 52 ans, ce que tu as fait pour elle. Enfin libre de ses enfants, elle comprend l’ingratitude des partants. Et cela la rend aimante, un peu coupable, mais profondément aimante de ce que tu es.
Anémone, un peu gênée par l’hypothèse, tente une virgule pour éviter de trop penser à Annie, sa fille.
- Tu crois que ça va parler de ce type d’amour ce soir ?
- Je doute. Il y a du Fado prévu…
- Ah oui, c’est juste.
C’est en sortant qu’elles pourraient répondre à la question. Nous les retrouvons, émues, 1h30 plus tard.
- Je crois que j’ai raté quelques phrases. Cette traduction allait parfois un peu vite pour moi. Mais surtout, je crois que je ne le regardais plus souvent, totalement absorbée par la scène.
- Quelle beauté, quelle élégance. Et tu as vu les acteurs ? Que des gueules incroyables. Pas des gens à la plastique parfaite. Mais des gueules, des gens habités, beaux d’une âme supposée.
- Et ce rouge, ces jeux sur la teinture, cette lumière et ses jeux d’ombres permanent, c’était vraiment superbe.
- Et ce fado, oh putain ce fado Mamie ! Je suis lisboète, je veux Lisbonne, je veux porto, je veux aimer. Je suis amoureuse de sa voix, de ses guitares. Je veux faire l’amour en portugais, sur une guitare sèche. Je veux faire l’amour mélancolique, voir mon ombre sur le mur. Je veux pleurer…
- Oui c’était superbe. Je crois que je vais en parler à ta mère