Critiques pour l'événement Vu du Pont
Voilà une pièce que j'ai raté la saison passée et j'en étais toute attristée mais le père noël fait des miracles !!!
Me voila donc posée devant cette scène qui est au centre des gradins et qui m'a fait penser à un ring de boxe dès que je l'ai vue et quelque part c'est un combat auquel nous assistons avec son chauffeur de salle en la personne de l'avocat qui tourne autour et nous met l'eau à la bouche en plantant le contexte.
Alors, il y a Charles Berling, bouleversant d'humanité blessée, à vif, qui incarne l'oncle protecteur d'une jeune fille : Catherine innocente et vive (limite un peu énervante dans l'exubérance des premières scènes). Il incarne un docker oscillant dangereusement entre suivre son code d'honneur et un désir indicible qui nous conduira vers une fin de l'histoire tragique. Il est juste merveilleux !
Les autres comédiens sont tous très bien aussi, même si le personnage de Marco incarné par Laurent Papot est un peu trop en retrait à mon goût.
Et il y a cette mise en scène fabuleuse avec des idées originales et réussies jusqu'à la scène finale qui m'a laissée bouche bée. Ce qui est sur, c'est que je me souviendrai longtemps de cette pièce.
Me voila donc posée devant cette scène qui est au centre des gradins et qui m'a fait penser à un ring de boxe dès que je l'ai vue et quelque part c'est un combat auquel nous assistons avec son chauffeur de salle en la personne de l'avocat qui tourne autour et nous met l'eau à la bouche en plantant le contexte.
Alors, il y a Charles Berling, bouleversant d'humanité blessée, à vif, qui incarne l'oncle protecteur d'une jeune fille : Catherine innocente et vive (limite un peu énervante dans l'exubérance des premières scènes). Il incarne un docker oscillant dangereusement entre suivre son code d'honneur et un désir indicible qui nous conduira vers une fin de l'histoire tragique. Il est juste merveilleux !
Les autres comédiens sont tous très bien aussi, même si le personnage de Marco incarné par Laurent Papot est un peu trop en retrait à mon goût.
Et il y a cette mise en scène fabuleuse avec des idées originales et réussies jusqu'à la scène finale qui m'a laissée bouche bée. Ce qui est sur, c'est que je me souviendrai longtemps de cette pièce.
Impeccable, on reste sans voix, d’autant que le final est particulièrement réussi, à l’issu de cette pièce qui nous tiendra en haleine pendant deux heures, sans nous perdre malgré des scènes lentes pour apporter une tension grandissante à ce spectacle sombre mais pas malsain.
La mise en scène et le décor est tout aussi impeccable, sobre mais d’une redoutable efficacité tout comme les acteurs, quoique campant des personnages un poil archétypé, que l’on redécouvre (je pense notamment à Caroline Proust que je n’avais vu qu’en flic bourru dans « engrenages », l’opposé de ce rôle de gentil mère au foyer).
La mise en scène et le décor est tout aussi impeccable, sobre mais d’une redoutable efficacité tout comme les acteurs, quoique campant des personnages un poil archétypé, que l’on redécouvre (je pense notamment à Caroline Proust que je n’avais vu qu’en flic bourru dans « engrenages », l’opposé de ce rôle de gentil mère au foyer).
Chef d'oeuvre !
Que dire d'autre si ce n'est « Chef d'oeuvre » !
Pour la deuxième fois (c'est une reprise de la saison passée), je ne peux m'empêcher d'utiliser ce terme : Chef d'oeuvre !
Voir dans la même saison « Les damnés » et « Vu du pont » c'est se dire – une nouvelle fois s'il en était besoin – qu'Ivo Van Hove est l'un des deux plus grands metteurs en scène européens actuels.
En ce soir de première, il est d'ailleurs venu saluer le public pendant les nombreux rappels.
Alors évidemment, je vais développer un peu.
Miller. Arthur.
Pour beaucoup, c'est un dramaturge américain un peu oublié, accessoirement marié à Maryline Monroe, daté années 50/60, Actor's studio, qu'on ne joue plus beaucoup.
La version française de sa pièce a été créée en 1958 par un certain Peter Brook, dans une traduction-adaptation d'un certain... Marcel Aymé.
Qu'est-ce qui a donc poussé Ivo Van Hove à mettre en scène ce « Vu du Pont » ?
Assurément, c'est le fait de pouvoir ôter toute référence temporelle à la pièce et le fait de tendre vers une universalité.
Le théâtre est comme ces palimpsestes, ces parchemins médiévaux calligraphiés que les moines grattaient pour pouvoir réécrire dessus.
Ivo van Hove a bien compris cette dimension théâtrale. Une mise en scène est faite pour ré-écrire et ré-écrire encore la pièce.
Nous sommes ici dans le Mythe.
Nous sommes ici dans la Tragédie antique, celle d'Euripide, par exemple.
Ici, c'est un regard absolu et sans concession sur la condition humaine qui nous est proposé.
Oui, c'est une tragédie d'hommes et de femmes de tous les jours, des dockers, des sans-papiers, à laquelle nous assistons, et qui nous renvoie à nos propres turpitudes, nos propres faiblesses, à nos pauvres compromis.
Avec des archétypes, ces « modèles primitifs et idéaux », pour reprendre le sens étymologique du mot :
Le jeune héros, beau, jugé indigne par la figure du Père, accablé par la perte prochaine de la fille qui va vouloir voler de ses propres ailes.
La Mère, soumise au mari.
Le choeur, en l'occurence l'avocat-narrateur.
Des sentiments, des passions, des travers humains : l'honneur, l'amour, la jalousie, l'inceste, la révolte, la dénonciation, le meurtre.
Nous sommes vraiment dans l'Universel.
Pas besoin de décors, pas besoin de costumes sophistiqués, pas besoin de chaussures (les comédiens sont tous pieds-nus), le texte se suffit à lui-même (dans une nouvelle traduction du conseiller littéraire de l'Odéon, Daniel Loayza).
Le texte et la direction d'acteurs.
Ce qu'a demandé aux comédiens et ce qu'a obtenu le metteur en scène est purement et simplement prodigieux.
Prodigieux !
Une nouvelle fois, j'ai été stupéfait, bluffé, scotché par ce qui est demandé et ce que nous donnent les huit comédiens.
Au premier chef, bien entendu, Charles Berling.
Il est bouleversant d'humanité blessée, d'humanité douloureuse.
Il va faire porter à son personnage de façon grandiose le poids du destin, de la fatalité.
Bouleversant, vous dis-je.
Les autres sont à l'avenant et notamment la toute jeune Pauline Cheviller qui, en nièce orpheline recueillie par le personnage de Berling, crève littéralement le plateau.
Nicolas Avinée, qui lui est son amoureux sans-papiers, est également excellent.
Tout comme Alain Fromager interprétant l'avocat-narrateur, et qui m'a particulièrement enthousiasmé.
Et puis, il y a la scène finale, l'apothéose, le climax dramaturgique.
Une scène dont je ne peux parler.
Une scène finale inoubliable, tout comme celle des Damnés.
Une scène finale qui vous marque à jamais, dont vous savez qu'elle restera à vie dans votre mémoire.
Je ne crois pas m'avancer en pariant que cette mise en scène de « Vu du pont » fera évidemment date dans l'histoire théâtrale du XXIème siècle, et assurément dans l'histoire théâtrale tout court.
Que dire d'autre si ce n'est « Chef d'oeuvre » !
Pour la deuxième fois (c'est une reprise de la saison passée), je ne peux m'empêcher d'utiliser ce terme : Chef d'oeuvre !
Voir dans la même saison « Les damnés » et « Vu du pont » c'est se dire – une nouvelle fois s'il en était besoin – qu'Ivo Van Hove est l'un des deux plus grands metteurs en scène européens actuels.
En ce soir de première, il est d'ailleurs venu saluer le public pendant les nombreux rappels.
Alors évidemment, je vais développer un peu.
Miller. Arthur.
Pour beaucoup, c'est un dramaturge américain un peu oublié, accessoirement marié à Maryline Monroe, daté années 50/60, Actor's studio, qu'on ne joue plus beaucoup.
La version française de sa pièce a été créée en 1958 par un certain Peter Brook, dans une traduction-adaptation d'un certain... Marcel Aymé.
Qu'est-ce qui a donc poussé Ivo Van Hove à mettre en scène ce « Vu du Pont » ?
Assurément, c'est le fait de pouvoir ôter toute référence temporelle à la pièce et le fait de tendre vers une universalité.
Le théâtre est comme ces palimpsestes, ces parchemins médiévaux calligraphiés que les moines grattaient pour pouvoir réécrire dessus.
Ivo van Hove a bien compris cette dimension théâtrale. Une mise en scène est faite pour ré-écrire et ré-écrire encore la pièce.
Nous sommes ici dans le Mythe.
Nous sommes ici dans la Tragédie antique, celle d'Euripide, par exemple.
Ici, c'est un regard absolu et sans concession sur la condition humaine qui nous est proposé.
Oui, c'est une tragédie d'hommes et de femmes de tous les jours, des dockers, des sans-papiers, à laquelle nous assistons, et qui nous renvoie à nos propres turpitudes, nos propres faiblesses, à nos pauvres compromis.
Avec des archétypes, ces « modèles primitifs et idéaux », pour reprendre le sens étymologique du mot :
Le jeune héros, beau, jugé indigne par la figure du Père, accablé par la perte prochaine de la fille qui va vouloir voler de ses propres ailes.
La Mère, soumise au mari.
Le choeur, en l'occurence l'avocat-narrateur.
Des sentiments, des passions, des travers humains : l'honneur, l'amour, la jalousie, l'inceste, la révolte, la dénonciation, le meurtre.
Nous sommes vraiment dans l'Universel.
Pas besoin de décors, pas besoin de costumes sophistiqués, pas besoin de chaussures (les comédiens sont tous pieds-nus), le texte se suffit à lui-même (dans une nouvelle traduction du conseiller littéraire de l'Odéon, Daniel Loayza).
Le texte et la direction d'acteurs.
Ce qu'a demandé aux comédiens et ce qu'a obtenu le metteur en scène est purement et simplement prodigieux.
Prodigieux !
Une nouvelle fois, j'ai été stupéfait, bluffé, scotché par ce qui est demandé et ce que nous donnent les huit comédiens.
Au premier chef, bien entendu, Charles Berling.
Il est bouleversant d'humanité blessée, d'humanité douloureuse.
Il va faire porter à son personnage de façon grandiose le poids du destin, de la fatalité.
Bouleversant, vous dis-je.
Les autres sont à l'avenant et notamment la toute jeune Pauline Cheviller qui, en nièce orpheline recueillie par le personnage de Berling, crève littéralement le plateau.
Nicolas Avinée, qui lui est son amoureux sans-papiers, est également excellent.
Tout comme Alain Fromager interprétant l'avocat-narrateur, et qui m'a particulièrement enthousiasmé.
Et puis, il y a la scène finale, l'apothéose, le climax dramaturgique.
Une scène dont je ne peux parler.
Une scène finale inoubliable, tout comme celle des Damnés.
Une scène finale qui vous marque à jamais, dont vous savez qu'elle restera à vie dans votre mémoire.
Je ne crois pas m'avancer en pariant que cette mise en scène de « Vu du pont » fera évidemment date dans l'histoire théâtrale du XXIème siècle, et assurément dans l'histoire théâtrale tout court.
Le début de la pièce est relativement lent, et je commençais à me dire que si ça continuais aussi lentement, ça allait devenir un peu ennuyeux.
Heureusement, il y a d'excellents comédiens au service de ce texte. Car la montée en puissance du jeu, ainsi que l'intensité dramatique du texte, fait qu'à la fin j'étais totalement aspiré par tout ce qui se passait devant moi.
La disposition des spectateurs est assez atypique, car on est assez proche du plateau et ça donne l'impression d'un aquarium. La mise en scène en soit parait simple, car aucun décor, ni accessoires, juste un simple sol blanc. Et c'est tout l'intérêt de cette scénographie, car les comédiens doivent tout composer et faire imaginer ces différents lieux.
En résumé, un spectacle à voir absolument pour d'une part le texte d'Arthur Miller, mais surtout les comédiens qui se transforment et nous transportent avec eux dans cette magnifique pièce.
Heureusement, il y a d'excellents comédiens au service de ce texte. Car la montée en puissance du jeu, ainsi que l'intensité dramatique du texte, fait qu'à la fin j'étais totalement aspiré par tout ce qui se passait devant moi.
La disposition des spectateurs est assez atypique, car on est assez proche du plateau et ça donne l'impression d'un aquarium. La mise en scène en soit parait simple, car aucun décor, ni accessoires, juste un simple sol blanc. Et c'est tout l'intérêt de cette scénographie, car les comédiens doivent tout composer et faire imaginer ces différents lieux.
En résumé, un spectacle à voir absolument pour d'une part le texte d'Arthur Miller, mais surtout les comédiens qui se transforment et nous transportent avec eux dans cette magnifique pièce.
"On voudrait parfois crier gare et dire sans ménagement à un homme de façon précise ce que lui réserve l’avenir" : l’avocat Altieri – l’excellent Alain Fromager – fait figure de Chœur, de Cassandre.
Il s’apprête à nous exposer le destin d’Eddie Carbone, un docker new-yorkais qui travaille dur pour élever Catherine, la nièce de sa femme Béatrice. Un destin qui va prendre la forme d’un véritable drame antique.
Ivo van Hove n’a-t-il pas lui-même déclaré s’être « attaqué » à la pièce d’Arthur Miller comme à une tragédie grecque? Très vite, on se sent happé par l’intensité des rapports unissant les six personnages. Chacun d’eux défend des enjeux considérables. L’apparent dénuement de la scénographie nous recentre sur l’essentiel : les différents combats qui se livrent sous nos yeux. Combat d’un homme fou d’adoration pour celle qu’il ne lui est justement pas permis d’aimer. Combat d’une femme pour son mari qu’elle voit s’éloigner, se détruire et se perdre. Combat de deux immigrés italiens qui luttent contre la pauvreté et la mise à l’écart.
Pour incarner ces combattants, ces guerriers, ces lutteurs aux pieds nus, Ivo van Hove a rassemblé une troupe d’exception. Charles Berling, troublant de désespoir, de sincérité, de colère rentrée, de passion jalouse, apparaît au sommet de son art. Face à lui, deux comédiennes se le disputent : une incroyable Caroline Proust – à mon sens trop rare sur les scènes de théâtre – et la jeune et prometteuse Pauline Cheviller. Nicolas Avinée, le plus jeune des frères italiens, impose également une remarquable et saisissante figure de héros. Chacun d’eux prend place dans l’arène façon ring de boxe proposée par Ivo van Hove. Une arène qui se déploie au coeur même des spectateurs, grâce à un dispositif trifrontal extrêmement approprié.
La scène finale est aussi belle que bouleversante, elle referme la page ouverte par Alfieri au tout début du spectacle. On comprend d’où vient cette pluie mystérieuse. On la voit après l’avoir entendue. Elle nous restera longtemps en mémoire. On sort de là un peu sonné, comme si l’on avait nous-mêmes pris place sur ce fameux ring. Personnellement, j’aurais bien prolongé par quelques rounds supplémentaires…
Il s’apprête à nous exposer le destin d’Eddie Carbone, un docker new-yorkais qui travaille dur pour élever Catherine, la nièce de sa femme Béatrice. Un destin qui va prendre la forme d’un véritable drame antique.
Ivo van Hove n’a-t-il pas lui-même déclaré s’être « attaqué » à la pièce d’Arthur Miller comme à une tragédie grecque? Très vite, on se sent happé par l’intensité des rapports unissant les six personnages. Chacun d’eux défend des enjeux considérables. L’apparent dénuement de la scénographie nous recentre sur l’essentiel : les différents combats qui se livrent sous nos yeux. Combat d’un homme fou d’adoration pour celle qu’il ne lui est justement pas permis d’aimer. Combat d’une femme pour son mari qu’elle voit s’éloigner, se détruire et se perdre. Combat de deux immigrés italiens qui luttent contre la pauvreté et la mise à l’écart.
Pour incarner ces combattants, ces guerriers, ces lutteurs aux pieds nus, Ivo van Hove a rassemblé une troupe d’exception. Charles Berling, troublant de désespoir, de sincérité, de colère rentrée, de passion jalouse, apparaît au sommet de son art. Face à lui, deux comédiennes se le disputent : une incroyable Caroline Proust – à mon sens trop rare sur les scènes de théâtre – et la jeune et prometteuse Pauline Cheviller. Nicolas Avinée, le plus jeune des frères italiens, impose également une remarquable et saisissante figure de héros. Chacun d’eux prend place dans l’arène façon ring de boxe proposée par Ivo van Hove. Une arène qui se déploie au coeur même des spectateurs, grâce à un dispositif trifrontal extrêmement approprié.
La scène finale est aussi belle que bouleversante, elle referme la page ouverte par Alfieri au tout début du spectacle. On comprend d’où vient cette pluie mystérieuse. On la voit après l’avoir entendue. Elle nous restera longtemps en mémoire. On sort de là un peu sonné, comme si l’on avait nous-mêmes pris place sur ce fameux ring. Personnellement, j’aurais bien prolongé par quelques rounds supplémentaires…
Le plateau ressemble à une boîte avec ses murs noirs comme la mort. Puis, dans un espace épuré à l’extrême, dénué de tout accessoire excepté une unique chaise, le spectacle tri frontal place le public dans l’intimité du drame qui se joue au milieu d’eux et laisse entrevoir une mise à mort dans un combat sans merci.
Quand les trois parois tombent, ne laissant que le quatrième mur comme unique porte de sortie, on se croirait propulsés sur un ring de boxe, lieu du combat par excellence, qui focalise une lumière d’une blancheur proche de la pureté. L’intensité de la première scène nous captive d’entrée de jeu : Eddie Carbone et Louis, deux dockers abîmés par la vie, prennent une douche sommaire avant de retrouver leur quotidien familial. Tout fait silence.
C’est beau comme les prémices de l’automne mais déjà, le drame se noue sur le plateau dénudé à l’éclairage cru pour ne pas dire cruel et qui sera poussé à son paroxysme jusqu’à la scène finale, d’une saisissante beauté. Le destin de chacun sera éclaboussé à jamais par le drame au dénouement tragique, car lorsqu’on « se bat avec un fleuve, on finit noyé ».
Après avoir dirigé Juliette Binoche dans une prenante version d’Antigone en fin de saison dernière, Ivo van Hove reste ici proche de la tragédie grecque où le drame couve doucement sans que l’on puisse l’en empêcher, malgré un petit problème de rythme. D’ailleurs l’avocat Alfieri, dont les interventions de narrateur ponctuent la pièce, se place comme un digne héritier du chœur antique ou de l’oracle de Delphes, symbolisant également la question du droit, des interdits et de la justice, fil rouge du texte d’Arthur Miller. Et même si la mise en tension tarde un peu à s’installer et s’il manque un brin de finesse dans l’inconscience des désirs, tout n’est qu’incroyable maîtrise et performance remarquable. Charles Berling est magistral et époustouflant dans la peau de l’émigré tourmenté, tiraillé entre honneur et désir. Avec un jeu subtil, il incarne la pudeur d’un docker exemplaire aux prises avec ses démons enfouis. Face à lui, la pétillante Pauline Cheviller donne au personnage de Catherine, toute l’énergie et l’innocence de la jeunesse. Elle est lumineuse et d’une grande justesse, tout comme Nicolas Avinée qui est Rodolpho, le joyeux migrant optimiste qui veut croire en un avenir meilleur dans les bras de l’amour. Caroline Proust, en épouse délaissée, Laurent Papot (l’énigmatique Marco) et Alain Fromager (l’avocat dont les mises en garde furent vaines) complètent la distribution de cette fascinante représentation dont les images puissantes créées un choc visuel d’une forte intensité.
Le metteur en scène belge, très attendu en 2016 dans la Cour d’Honneur à Avignon où il montera Les Damnés avec la troupe du Français, signe là aux Ateliers Berthier un Vu sur le pont sublime, marquant comme un coup de soleil et bouleversant, où les destins tragiques prennent vie dans une universalité saisissante. Un véritable drame de l’amour qui souligne avec brio toute la fragilité et la complexité des l’humanité, nous laissant submergés par l’émotion qui nous habitera encore longtemps après la représentation, après la fermeture de cette boîte de Pandore d’une sobriété évidente et percutante.
Quand les trois parois tombent, ne laissant que le quatrième mur comme unique porte de sortie, on se croirait propulsés sur un ring de boxe, lieu du combat par excellence, qui focalise une lumière d’une blancheur proche de la pureté. L’intensité de la première scène nous captive d’entrée de jeu : Eddie Carbone et Louis, deux dockers abîmés par la vie, prennent une douche sommaire avant de retrouver leur quotidien familial. Tout fait silence.
C’est beau comme les prémices de l’automne mais déjà, le drame se noue sur le plateau dénudé à l’éclairage cru pour ne pas dire cruel et qui sera poussé à son paroxysme jusqu’à la scène finale, d’une saisissante beauté. Le destin de chacun sera éclaboussé à jamais par le drame au dénouement tragique, car lorsqu’on « se bat avec un fleuve, on finit noyé ».
Après avoir dirigé Juliette Binoche dans une prenante version d’Antigone en fin de saison dernière, Ivo van Hove reste ici proche de la tragédie grecque où le drame couve doucement sans que l’on puisse l’en empêcher, malgré un petit problème de rythme. D’ailleurs l’avocat Alfieri, dont les interventions de narrateur ponctuent la pièce, se place comme un digne héritier du chœur antique ou de l’oracle de Delphes, symbolisant également la question du droit, des interdits et de la justice, fil rouge du texte d’Arthur Miller. Et même si la mise en tension tarde un peu à s’installer et s’il manque un brin de finesse dans l’inconscience des désirs, tout n’est qu’incroyable maîtrise et performance remarquable. Charles Berling est magistral et époustouflant dans la peau de l’émigré tourmenté, tiraillé entre honneur et désir. Avec un jeu subtil, il incarne la pudeur d’un docker exemplaire aux prises avec ses démons enfouis. Face à lui, la pétillante Pauline Cheviller donne au personnage de Catherine, toute l’énergie et l’innocence de la jeunesse. Elle est lumineuse et d’une grande justesse, tout comme Nicolas Avinée qui est Rodolpho, le joyeux migrant optimiste qui veut croire en un avenir meilleur dans les bras de l’amour. Caroline Proust, en épouse délaissée, Laurent Papot (l’énigmatique Marco) et Alain Fromager (l’avocat dont les mises en garde furent vaines) complètent la distribution de cette fascinante représentation dont les images puissantes créées un choc visuel d’une forte intensité.
Le metteur en scène belge, très attendu en 2016 dans la Cour d’Honneur à Avignon où il montera Les Damnés avec la troupe du Français, signe là aux Ateliers Berthier un Vu sur le pont sublime, marquant comme un coup de soleil et bouleversant, où les destins tragiques prennent vie dans une universalité saisissante. Un véritable drame de l’amour qui souligne avec brio toute la fragilité et la complexité des l’humanité, nous laissant submergés par l’émotion qui nous habitera encore longtemps après la représentation, après la fermeture de cette boîte de Pandore d’une sobriété évidente et percutante.
Lors de la présentation de saison 2015/2016 de l'Odéon VU DU PONT avait immédiatement retenu mon attention, par la rencontre entre un metteur en scène très en vogue, un auteur renommé et une distribution alléchante.
L'attente était donc forte et la peur d'être déçue également, d'autant plus après un début de saison en demi-teinte. Aussi dès que je suis entrée dans la salle j'ai su que je ne serai pas déçue. Rarement une pièce m'aura laissé une si forte impression. Certes il y a des imperfections dans cette adaptation du texte d'Arthur Miller.
L'histoire n'est pas transcendante : une famille d'immigrés italiens à New-York, des nouveaux migrants, une histoire d'amour, une tragédie. On y parle de notions qui sont peut-être aujourd'hui désuètes : la famille, le respect de la loi, le travail, l'honneur. On y évoque des sujets graves (le choix de l'exil, le sacrifice, l'inceste, le désir, la justice). Mais la force de la dramaturgie et de la mise en scène en font un spectacle qui ne laisse pas indifférent. Dès les premières secondes Ivo Van Hove installe le climat dramatique qui ne va pas lâcher le spectateur. Le rythme est lent, le personnages s'installent doucement. Et pourtant on est littéralement fascinés, happés par cette histoire.
Par Eddie (Charles Berling - pourtant pas toujours juste), être banal qui ne savait pas qu'il avait un destin, ce pur qui lutte contre ses démons intérieurs et que ne veut que le bonheur de sa fille adoptive. Par Catherine (lumineuse Pauline Cheviller), cette jeune fille amoureuse de la vie qui n'est qu'innocence et liberté. Par Béatrice (Caroline Proust juste et toute en retenue) qui assiste impuissante au drame naissant qui emportera sa famille entière. Par une troupe à l'unisson qui nous emporte dans une émotion intense qui culmine en une scène finale qui laisse la salle sans voix.
Bref : Une tragédie humaine, une humanité tragique, portée à son paroxysme par une mise en scène saisissante et des comédiens sublimés. Du grand, du beau théâtre.
L'attente était donc forte et la peur d'être déçue également, d'autant plus après un début de saison en demi-teinte. Aussi dès que je suis entrée dans la salle j'ai su que je ne serai pas déçue. Rarement une pièce m'aura laissé une si forte impression. Certes il y a des imperfections dans cette adaptation du texte d'Arthur Miller.
L'histoire n'est pas transcendante : une famille d'immigrés italiens à New-York, des nouveaux migrants, une histoire d'amour, une tragédie. On y parle de notions qui sont peut-être aujourd'hui désuètes : la famille, le respect de la loi, le travail, l'honneur. On y évoque des sujets graves (le choix de l'exil, le sacrifice, l'inceste, le désir, la justice). Mais la force de la dramaturgie et de la mise en scène en font un spectacle qui ne laisse pas indifférent. Dès les premières secondes Ivo Van Hove installe le climat dramatique qui ne va pas lâcher le spectateur. Le rythme est lent, le personnages s'installent doucement. Et pourtant on est littéralement fascinés, happés par cette histoire.
Par Eddie (Charles Berling - pourtant pas toujours juste), être banal qui ne savait pas qu'il avait un destin, ce pur qui lutte contre ses démons intérieurs et que ne veut que le bonheur de sa fille adoptive. Par Catherine (lumineuse Pauline Cheviller), cette jeune fille amoureuse de la vie qui n'est qu'innocence et liberté. Par Béatrice (Caroline Proust juste et toute en retenue) qui assiste impuissante au drame naissant qui emportera sa famille entière. Par une troupe à l'unisson qui nous emporte dans une émotion intense qui culmine en une scène finale qui laisse la salle sans voix.
Bref : Une tragédie humaine, une humanité tragique, portée à son paroxysme par une mise en scène saisissante et des comédiens sublimés. Du grand, du beau théâtre.
Vu du Pont est une pièce surprenante.
L'histoire est intéressante mais somme toute, pas extraordinaire. Ce qui transcende la pièce c'est sa mise en scène.
Dans cette pièce, on parle de beaucoup de choses: d'inceste, d'amour, de crainte, d'immigration et d'honneur.
Toutes ces choses, ces dérives ou ces vertus font partie de l'être humain. Pas seulement d'un seul mais d'une communauté. Et c'est la force de cette pièce, c'est qu'elle distribue les forces et les faiblesses dans ses personnages et pas seulement dans les principaux. Ils sont tous profonds, complexes et se révèlent à un moment donné.
Cette particularité se retrouve plus souvent dans les comédies. Certes les personnages sont plus légers mais chaque rôle à son petit moment de gloire. Ici, dans une tragédie, la dynamique est là-même et c'est rafraîchissant.
Car cela nous étonne, un personnage à la base effacé ne l'est plus du tout vers la fin et vice versa. On est toujours surpris et cela contribue à garder un rythme à la pièce.
La mise en scène minimaliste joue un grand rôle dans la réussite de la pièce. Cette épuration nous pousse à vraiment regarder ces personnages, à y réfléchir. Cette mise en scène se perçoit beaucoup dans les jeux d'éclairage, les ambiances et sensations qu'elle arrive à procurer. Elle est subtile, tellement qu'on l'oublie, qu'on se focalise sur les personnages. Et lorsqu'on n'y fait définitivement plus attention, elle nous revient magistralement dans la gueule avec cette sublime fin.
Une belle pièce à aller voir autant pour le texte, le jeu des acteurs que pour ce prendre une petite leçon de mise en scène.
Je rejoins l'avis de la rédaction : pour public averti !
L'histoire est intéressante mais somme toute, pas extraordinaire. Ce qui transcende la pièce c'est sa mise en scène.
Dans cette pièce, on parle de beaucoup de choses: d'inceste, d'amour, de crainte, d'immigration et d'honneur.
Toutes ces choses, ces dérives ou ces vertus font partie de l'être humain. Pas seulement d'un seul mais d'une communauté. Et c'est la force de cette pièce, c'est qu'elle distribue les forces et les faiblesses dans ses personnages et pas seulement dans les principaux. Ils sont tous profonds, complexes et se révèlent à un moment donné.
Cette particularité se retrouve plus souvent dans les comédies. Certes les personnages sont plus légers mais chaque rôle à son petit moment de gloire. Ici, dans une tragédie, la dynamique est là-même et c'est rafraîchissant.
Car cela nous étonne, un personnage à la base effacé ne l'est plus du tout vers la fin et vice versa. On est toujours surpris et cela contribue à garder un rythme à la pièce.
La mise en scène minimaliste joue un grand rôle dans la réussite de la pièce. Cette épuration nous pousse à vraiment regarder ces personnages, à y réfléchir. Cette mise en scène se perçoit beaucoup dans les jeux d'éclairage, les ambiances et sensations qu'elle arrive à procurer. Elle est subtile, tellement qu'on l'oublie, qu'on se focalise sur les personnages. Et lorsqu'on n'y fait définitivement plus attention, elle nous revient magistralement dans la gueule avec cette sublime fin.
Une belle pièce à aller voir autant pour le texte, le jeu des acteurs que pour ce prendre une petite leçon de mise en scène.
Je rejoins l'avis de la rédaction : pour public averti !
Ivo van Hove semble plus que jamais courtisé par les scènes hexagonales. Après une Antigone en demi-teinte au Théâtre de la Ville, la star belge met les Ateliers Berthier à feu et à sang dans Vu du pont.
La tragédie familiale d’Arthur Miller se transforme ici en cage aux fauves cinglante et incestueuse portée par un Charles Berling monstrueusement touchant dans sa passion destructrice pour sa nièce de cœur. S’inscrivant dans les canons du théâtre classique, Ivo van Hove respecte l’unité de lieu et d’action mais dilate habilement la perception temporelle. Le Belge parvient à restituer le continuum temporel alors que plusieurs mois s’écoulent les dix-sept printemps de Cathy et son mariage avec Rodolpho, une fois sa majorité atteinte. Les coups de gong lancinants, tel le battement agaçant et régulier d’une horloge, rappellent le compte à rebours fatidique.
Van Hove s’est entouré d’une troupe exclusivement française pour sa recréation de Vu du pont et ce procédé souvent décevant se montre ici payant. Charles Berling domine la distribution en malade de l’amour à la mauvaise foi débordante. Ses airs de chien battu dissimulent une hystérie volcanique et la pureté d’une passion contre-nature mais absolue. Impossible de détester complètement cet homme à la dérive mais tellement convaincu du bien fondé de son amour. Caroline Proust s’empare du rôle de l’épouse délaissée avec une dignité à fleur de peau tandis que Pauline Cheviller incarne à merveille l’éclosion de la féminité, de la tendre soumission à l’affirmation.
La scénographie minimaliste et les lumières crues de Jan Versweyveld invitent au voyeurisme et à la pénétration d’une intimité déchirée. Comme un ring de boxe compressé, le plateau en tri-frontal convie à un spectacle d’une violence effarante et captivante. Aussi froid et précis qu’un coup de scalpel, le travail de van Hove glace et brûle à la fois. Un spectacle d’une grande rigueur boosté par une direction d’acteurs impeccable. L’image finale de la pluie de sang aux relents de viande avariée ébranlera à coup sûr les consciences…
La tragédie familiale d’Arthur Miller se transforme ici en cage aux fauves cinglante et incestueuse portée par un Charles Berling monstrueusement touchant dans sa passion destructrice pour sa nièce de cœur. S’inscrivant dans les canons du théâtre classique, Ivo van Hove respecte l’unité de lieu et d’action mais dilate habilement la perception temporelle. Le Belge parvient à restituer le continuum temporel alors que plusieurs mois s’écoulent les dix-sept printemps de Cathy et son mariage avec Rodolpho, une fois sa majorité atteinte. Les coups de gong lancinants, tel le battement agaçant et régulier d’une horloge, rappellent le compte à rebours fatidique.
Van Hove s’est entouré d’une troupe exclusivement française pour sa recréation de Vu du pont et ce procédé souvent décevant se montre ici payant. Charles Berling domine la distribution en malade de l’amour à la mauvaise foi débordante. Ses airs de chien battu dissimulent une hystérie volcanique et la pureté d’une passion contre-nature mais absolue. Impossible de détester complètement cet homme à la dérive mais tellement convaincu du bien fondé de son amour. Caroline Proust s’empare du rôle de l’épouse délaissée avec une dignité à fleur de peau tandis que Pauline Cheviller incarne à merveille l’éclosion de la féminité, de la tendre soumission à l’affirmation.
La scénographie minimaliste et les lumières crues de Jan Versweyveld invitent au voyeurisme et à la pénétration d’une intimité déchirée. Comme un ring de boxe compressé, le plateau en tri-frontal convie à un spectacle d’une violence effarante et captivante. Aussi froid et précis qu’un coup de scalpel, le travail de van Hove glace et brûle à la fois. Un spectacle d’une grande rigueur boosté par une direction d’acteurs impeccable. L’image finale de la pluie de sang aux relents de viande avariée ébranlera à coup sûr les consciences…
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