Critiques pour l'événement Roberto Zucco
16 févr. 2016
4,5/10
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Là tout n’est qu’agitation, désordre, et longueur.

Roberto s’enfuit, Roberto tue, Roberto séduit une naïve « gamine », Roberto picole et se bat, Roberto tue encore, s’enfuit encore et meurt on ne sait pour qui ni pourquoi, peut être seulement pour faire ce dont il a envie quand il en a envie.

Mettre en scène cette succession d’instants présents sans but nécessite que celle ci ait un point de vue, une cohérence, une structure profonde. En l’occurrence c’est raté.

La mise en scène est touffue et mal maitrisée : représenter le chaos n’implique pas une mise en scène chaotique, au contraire, une maitrise millimétrée de l’espace et un rythme au cordeau sont exigés ; au lieu de cela, le désordre et une impression d’improvisation l’emportent : plateau encombré qui gêne les scènes de groupe et scène chorales manquant de rythmes, ce qui les rend hasardeuses et balbutiantes dans leur déploiement.

Cela avait pourtant bien débuté : quelques jolis moment bien découpés dans un clair obscur à la Caravage : scène du meurtre d’une mère qu’on devine abusive, tableau de la médiocrité sordide d’une famille illuminée par la présence culottée et pleine de sève de la Gamine (très bonne Noémie Develay-Ressiguier) mais au fil de la pièce, la peinture s’édulcore et devient barbouillage, les énergies s’épuisent, le mouvement devient agitation, la mise en scène brouillonne et erratique, le jeu des acteurs une succession de morceaux de bravoure personnels sans interaction des comédiens entre eux.

Dans cette distribution inégale, certains se détachent par la force de leur jeu donnant un peu de répit à la débandade : la grande bourgeoise amorale (magnifique Luce Mouchel) le frère, veule petite frappe (Thibault Vinçon).

Pio Marmai, pourtant physiquement taillé pour le rôle, reste en deçà de ce qu’on attend : pas de folie dans son jeu, peu de puissance autre que celle physique qu’il déploie généreusement pourtant : il s’agite, fait le chien fou ou le canard sans tête sans l’intensité, l’épaisseur qui serait nécessaire au personnage. Il se dépense sans compter, mais ce jeu basé sur son seul physique ne dégage pas l’inquiétude qu’on aurait voulu le voir incarner : acteur charismatique à l’écran il est singulièrement plat à la scène. Peut être est il simplement mal dirigé.

Il reste cependant, ça et là, quelques moments drôles ou profonds mais entrecoupés de (longues) plages de jeu trop faible (les scènes chorales) qui semblent n’être là que pour relier ces fugaces moments de grâce, tout cela donnant une impression décousue et incohérente, une pièce sans tension, ni montée, ni acmé, ni chute (si ce n’est celle de la fin totalement ratée) qui ne peut s’expliquer que par un manque de point de vue de la mise en scène.

Ce n’est sans doute pas le meilleur texte de Koltès, mais certainement le plus émouvant en ce qu’il est une des (la ?) dernières pièces, écrite dans l’urgence solitaire de la mort et l’inéluctable déchéance physique. On ne peut s’empêcher d’y voir Koltès, trahi par l’amoureuse vie, elle même jetée au trottoir du sida. C’est en cela qu’on attendait une dimension autre à cette pièce et qu’on est triste de voir ce qui en a été fait, car on aurait aimé aimer ce « Roberto Zucco ».
4 févr. 2016
6,5/10
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Première fois que j'assiste à une représentation de cette pièce de Koltès, j'en ressors partagée.

Les premières scènes m'ont fait très peur, les acteurs étant dans une théâtralité telle qu'on aurait dit une déclamation de poésie plutôt qu'une pièce de théâtre. Et puis d'autres acteurs arrivent qui incarnent le texte et leur personnage, qui occupent la scène et réussissent à focaliser l'attention. Ceux-là font merveille et leurs scènes emportent l'adhésion. D'autres semblent enfin se révéler dans certains tableaux.

La pièce alterne alors entre de très très bons moments et scènes artificielles et creuses. L'humour (noir) affleure par instants mais n'est pas valorisé. Ne reste vraiment que la noirceur du destin des personnages et la folie de Zucco.

Je suis contente de l'avoir découverte, contente de ne pas y avoir été seule pour pouvoir en discuter à la sortie mais partagée dans l'ensemble. 24h plus tard, je garde dans un coin de ma tête l'idée de revoir la pièce mais dans une autre mise en scène pour peut-être arriver à discerner ce qui du texte ou de la représentation m'a laissé sur ma faim.