Critiques pour l'événement Pompier(s)
24 sept. 2019
6/10
5
Elle est drôle et entière, touchante et fragile. On a de la compassion pour elle et l’envie de la protéger de ce qui l’a déjà détruite par le passé et de ce qui va, on le sent, forcément la blesser au cours de la pièce.
Lui est froid, sans émotion aucune (à peine la peur d’être jugé coupable). Il est sûr de son bon droit : c’est le méchant.
C’est une relation plutôt simple entre les deux protagonistes qui est présentée dans cette version. Le doute n’est pas permis, dès le début, chacun est à sa place (un peu trop ?) le bon contre le mauvais, l’innocence contre la perversion.

Le texte de Jean-Benoît Patricot est fort et profond, plein de nuances et de subtilité. Jusqu’où peut-on abuser de quelqu’un, le manipuler afin d’obtenir ce que l’on souhaite ? Qu’en est-il du consentement ? Du discernement entre l’acceptation et le souhait ?
Une réflexion très intéressante.

Géraldine Martineau est réceptive, vivante et vibrante, elle nous démontre encore une fois son incroyable talent de comédienne.
21 sept. 2019
7/10
10
Elle : elle aime l’homme et il l’aime évidemment car il lui a donné le plus intime. C’est qu’elle croit car enfin comment donner l’intime si n’est pas intime ?
Lui : mais elle ne disait rien, elle venait... je ne l’ai forcé à rien, elle ne disait rien !

L’homme, pompier, aurait abusé d’elle avec ses collègues mais si le corps de la fille a 25 ans, dans sa tête, ce n’est pas la même chanson…

Pompier(s) est un texte de Jean-Benoît Patricot où se livre un duel de deux voix qui ne se comprennent pas dans une salle de tribunal avant la comparution dans un premier temps,…

La metteure en scène Catherine Schaub organise le huis clos avec une tension palpable qui pose une question importante : comment ne pas dépasser les limites des uns et des autres si on ne se comprend pas ? Pourtant ils parlent la même langue mais la compréhension n’est pas la même… Et chaque spectateur trouvera que les arguments des uns et des autres vacilleront chacun à leur tour… On ne sait sous quel angle se positionner pour aborder ce qu’il s’est passé.

C’est une pièce coup de cœur et coup de poing sur une thématique qui plane dans notre actualité.

Et puis il y a Géraldine Martineau qui est la fille… troublante de simplicité et naïveté. Elle est magnifique ! Face à elle, c’est Antoine Cholet qui est le pompier et son interprétation fait basculer notre jugement à plusieurs reprises tellement les arguments sont assénés avec force.
12 sept. 2019
7/10
6
« Jocelyne ? Jocelyne ? Viens voir… »
Jocelyne était occupée à trier et nettoyer de nouveaux cendriers qu’elle avait chiné ce week-end. Sa marotte. Elle passe la tête à l’extérieur, et voit ses 2 hommes assis autour de la table, un apéritif à la main.
- Tu savais toi que le petit était au théâtre ce soir ? Bon, à tous les coups, il avait dû te le dire. Mais il t’a dit ce qu’il allait voir ?

Jocelyne s’approche d’eux, une grenouille avaleuse de mégots et un chiffon dans la main.
- Oui, une pièce qui s’appelle d’un nom de métier, je crois. Les infirmiers ou un truc dans le genre...
- Presque Maman, ça s’appelle Pompiers.
- Et il t’a dit ton fils le thème de la pièce ?
- Non. Pourquoi ?
- Ah voilà ! Dis à ta mère ce que tu viens de me raconter. Assieds-toi, Jocelyne. Tu vas voir, ça secoue !
Pendant que Bernard sert un verre de vin à sa femme, leur fils attaque :
- Bon, Maman, l’histoire c’est celle d’une femme, qui doit avoir entre 20 et 25 ans. Elle est limitée mentalement et se fait violer en réunion par des pompiers.

Jocelyne ne s’attendait pas à ça. Elle déglutit longuement, on dirait qu’elle avale un mégot. Elle ressemble à sa grenouille, les yeux exorbités et vides. Elle interroge : « Mais pourquoi es-tu allé voir un truc pareil ?
- Ah ça ! Mais elle est marrante ta question ! D’habitude, vous me demandez simplement si la pièce était bonne, non ? Qu’est-ce qui vous prend aujourd’hui ?
Alors, pour vous répondre, j’ai passé un bon moment. Ne serait-ce que le fait de réfléchir à ces sujets auxquels je n’avais jamais pensé.
- Il est curieux ton drôle (il n’est plus son fils quand il le trouve trop citadin), maintenant, il lui suffit de penser à un truc inconnu pour être intéressé. C’est complètement con. Regarde, ce matin, le facteur m’a dit que le voisin se cognait son âne. Je n’y avais jamais pensé mais ça n’en fait pas un sujet intéressant pour autant… Surtout quand tu connais le facteur.
- Tu as raison, p’pa. C’est un peu con, et un peu pompeux en plus. Bon, en fait, déjà, j’ai trouvé la pièce vraiment bien foutue. Le personnage de cette femme est vraiment très juste, dans le texte et dans le jeu de l’actrice. Elle est vraiment superbe, légère.
Ensuite, et c’est là que c’est original : Cette femme éprouve le désir d’aimer et aime. Mais, elle ne sait pas concevoir que l’on puisse lui faire l’amour sans l’aimer en retour. On l’aime forcément. Par amour alors, elle cède à toutes les « outrances » de son pompier d’un soir qui l’offre trop souvent à ses camarades de caserne. Mais sans qu’elle consente, sans qu’elle le veuille.

Le fils fait une pause pour une gorgée de Ricard. Il croise le regard de son père, amorphe. Imaginons que la grenouille de sa femme ait couché avec l’âne du voisin ? l’image est parlante ?
Le fils tente de le récupérer :
- C’est là que l’auteur est bien meilleur que moi pour raconter tout cela ! C’est un peu complexe. Mais finalement, le plus choquant dans cette pièce, ce n’est pas l’ambiguïté de la situation ou les scènes douloureuses que l’on imagine. Le plus choquant, c’est le déni du pompier, son incapacité à assumer. L’homme fort à l’image inaltérable, culturellement encensée, qui devient sombre, apeuré. C’est l’absence perceptible de remords qui est insupportable. Sa candeur à elle est belle, aussi belle que la lâcheté de cet homme est difficilement tolérable.
Bref, vous voyez, j’ai gambergé, j’ai ri, j’ai eu les yeux embués, j’ai eu envie de me battre. C’est pas mal pour une soirée non ?
- Jocelyne, c’est beau, ça me rappelle notre mariage…