Critiques pour l'événement Moâ Sacha
18 mai 2019
8/10
7
1944, Sacha Guitry, vêtu de sa robe de chambre rouge, répond aux questions du juge. Celui-ci lui parle de sa “collaboration” avec l’occupant et aussi du livre écrit “de Jeanne d’Arc à Philippe Pétain”, ce livre était écrit pour les gloires françaises, et il ne faut pas oublier que la notoriété de Guitry a permis à des écrivains d’être libérés des camps.

Mais le juge intervient aussi dans la vie et le théâtre de Guitry. Ses cinq femmes, toutes plus élégantes et raffinées, pas toujours bonnes comédiennes, mais c’est mon avis personnel ! Ses disputes avec son père le grand Lucien Guitry et puis, et puis… Chloé Lambert intervient en tant que Chloé, elle interpelle Christophe Barbier par son prénom, et tout part en vrille ! le théâtre dans le théâtre.

Barbier tente de reprendre le fil de “sa pièce” mais pas facile quand deux camarades ont décidé de régler leurs comptes personnels et passionnels.

Christophe Barbier, grand admirateur de Sacha Guitry a su s’entourer de comédiens connaissant le “Maître” par coeur ! la charmante Chloé Lambert, élégante, qui change de robe et de rôles pour être toutes les femmes de Sacha, et le subtil Pierre Val qui endosse les rôles de Lucien, des maris ou amants délaissés ou pas !

Vous l’aurez deviné, c’est un sympathique moment de théâtre, on s’amuse des répliques des pièces du grand Sacha et les trois comédiens s’amusent autant que le public.

La salle du Petit Poche devrait s'appeler la pochette ! Franchement il faut faire une taille 38 pour être à l'aise, quel dommage que cette salle soit désormais en cabaret.
Alors ?
"- Votre nom ?
- Guitry, Monsieur le juge"

La pièce démarre dans le bureau d'un magistrat. Les deux hommes s'entretiennent pour refaire l'histoire du comédien, dramaturge et réalisateur Sacha Guitry. La disposition du public ne respecte pas celle d'une salle d'audience puisque la salle du Kabarett du Théâtre de Poche-Montparnasse porte bien son nom. Les spectateurs prennent place autour de tables rondes type bistrot. Un service est assuré avant la représentation pour pouvoir trinquer en ces températures printanières. Soir de première et stress oblige, peut-être, j'ai eu la malchance d'être recouverte de vin blanc (et presque heureusement !), ce qui rafraîchit à plus d'un titre...

Néanmoins, la plaidoirie guitryienne m'a fait oublier ce drame poisseux. L'inculpation de Sacha Guitry pour intelligence avec l'ennemi ne sera qu'un prétexte pour dérouler une litanie de textes écrits de ses mains (18 extraits de pièces et pas moins de 11 œuvres dont sont extraites des citations). Il est déconcertant de savoir que le spectacle, qui ne dure qu'une heure vingt, condense autant d'extraits. Disparates sont les textes et pourtant une réelle fluidité se dégage, si on enlève les clins d’œil à la réalité du plateau de théâtre : Christophe Barbier, l'homme à l'écharpe rouge, faisant des commentaires sur le plateau de la chaîne d'information en continue BFM TV. D'ailleurs, Sacha Guitry portera, outre de grosses bagues, une certaine robe de chambre... rouge ! Dans le dossier de presse de la pièce, la couleur est annoncée, Christophe Barbier déclare que puisque Sacha Guitry "a mis son propre personnage dans ses pièces, [il s'est permis] d'en faire autant".

L'écrivain, metteur en scène et comédien du spectacle, Christophe Barbier, a en effet le beau rôle, il est mis (ou se met) plusieurs fois à l'honneur, en son nom propre, lui qui a un avis sur tout. Les allers-retours entre le spectacle et les coulisses de la pièce sont un peu déconcertants mais non dénués de cocasseries. La comédienne Chloé Lambert incarne les femmes de Sacha, ses épouses ou son épouse, "celle avec un grand E qui les résume toutes".

Le troisième et dernier comédien, Pierre Val, joue plusieurs rôles, dont Lucien Guitry, le père de Sacha, le juge. Ce trio maintient en haleine avec brio un spectacle où la verve est haute, et les punchlines fusent. Oui au mensonge, non à cette banalité à vouloir dire la vérité ! Quand l'homme parle, la femme succombe ! Les féministes puritaines sont priées de ronger leur frein, la misogynie ambiante plane.

Christophe Barbier déclame avec malice ce qui aujourd'hui en ferait bondir plus d'une. Mais on pardonnera ces piques car la seule femme du spectacle offrira l'un des plus beaux moments de la soirée en chantant la chanson "J'ai deux amants" de Yvonne Printemps.
"Mon Dieu, que c'est bête un homme..."