Critiques pour l'événement Les ecchymoses invisibles
26 oct. 2019
8/10
12
Dans la pénombre d’un salon, une femme parle seule, elle est terrifiée à l’idée d’affronter Michel son mari. Il lui a remis 50 euros pas plus, pour acheter tout ce qu’il faut et préparer un apéro dinatoire. Ce pourrait être une soirée sympathique, avec le collège de Michel et sa copine, mais Corinne a tout loupé, malgré la liste sur Excel que lui a donné Michel. Elle a dépassé le budget et pas moyen de payer, elle n’avait pas de carte bancaire… Alors elle est sortie du supermarché sans rien, s’est posée un moment avant de rentrer, elle réfléchit, comment va t'elle s’en sortir ?

Michel rentre tout content, c’est un homme séduisant, rigolard il est fou de maquettes d’avion et souhaite montrer sa dernière trouvaille à Fabian son collègue. Un vrai môme !

Elle lui donne son scotch préféré, que bien sûr il lui ordonne de ne pas servir à leurs invités, ils auront un whisky banal ! Comment faire pour aborder la question “supermarché loupé” ?

Michel ne parle pas, il éructe, il gueule, insulte sa femme, arrive à la persuader de tous les maux de la terre, reproches, grossièretés. Elle n’a plus envie de rien, même pas de se préparer pour accueillir le collègue, Michel lui ordonne encore d’aller se changer, avec tout l’argent qu’il dépense pour elle, elle a bien de quoi se vêtir et se maquiller ce soir !

Corinne ne supporte plus les brimades, les humiliations, elle a tout subi, la perversité de son mari l’a éloignée de sa famille, de ses filles, elle n’a plus d’amis.

Les parents de Michel étaient trop amants, fusionnels, ne se préoccupant pas de leur fils, qu’ils ont appelé “Michele” en l’honneur de la chanteuse Michèle Torr, qu’ils adorent. Michèle Torr peut-être n’est-ce pas anodin comme choix, elle aussi est partie après 24 ans de vie commune et de maltraitance !

Corinne a maintenant les cartes en mains et surtout l’arme de service de Michel… que va-t-il arriver ?

Une bonne mise en scène sur un sujet douloureux, Emma Dubois est émouvante sans être larmoyante, Eric Moscardo a le mauvais rôle, mais il est parfait dans le personnage du grand gamin qui veut rattrapper une enfance pourrie. Cela explique ceci mais ne l’excuse pas.
18 oct. 2019
10/10
12
L’empire du mâle.
Après l’excellent « Exit » et ses 5 nominations aux Petits Molière, j’attendais avec impatience de découvrir « Ecchymoses invisibles », la nouvelle pièce de la Déesse Compagnie, qui se joue au Théo Théâtre sur un thème tristement d’actualité, avec un triste décompte à ce jour de 121 femmes décédées suite à des violences conjugales.
Cette pièce nous prend aux tripes dès le départ. Au trip devrais-je ajouter, dans son sens anglais de voyage, mais un voyage vers l’enfer, un de ces voyages dont même le spectateur, ne revient pas indemne, obligé malgré lui d’être un témoin voyeur de cette violence verbale qui monte crescendo alors que Corinne, remarquablement interprétée par Emma DUBOIS, se libère progressivement mais dans la douleur, comme une chenille qui devient papillon et parvient à s’envoler de l’emprise qu’exerce sur elle son époux, policier incarné par Eric MOSCARDO et dont le personnage est le portrait parfait du pervers narcissique et manipulateur avec ce double visage, séduisant à l’extérieur et faisant vivre un enfer à celles et ceux qui sont proches.
Le trait de génie du metteur en scène est d’arriver à ne pas le faire complètement détester, à nous faire percevoir la faille qu’il a en lui, à sa souffrance dont sa femme, veut le délivrer.
Je suis sorti sonné d’Ecchymoses invisibles. C’est une pièce remarquable, parfaitement incarnée avec une mise en scène léchée, une musique qui épouse la pièce et l’accompagne et un jeu de lumières au diapason.