Critiques pour l'événement Le portrait de madame T.
26 avr. 2022
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Une comédienne répète son texte, pas très motivée, elle redit la même phrase sur différents tons, un peu désabusée, et voilà que débarque dans sa vie, Marius, il veut faire son portrait, en fait c’est une commande, mais il ne peut pas révéler le nom de la personne.

Madame T le reçoit fraîchement, puis en découvrant un dessin, elle accepte. Ma foi pourquoi pas, elle se sent si seule…

Marius est peintre, portraitiste, c’est un homme blessé par la vie, mais il a sa philosophie, par contre il a du mal à supporter cette femme, qui ne sait pas ce qu’elle veut, qui bouge et surtout qui boit beaucoup !

Peu à peu, ils s’apprivoiseront, elle parle beaucoup, curieuse de connaitre sa vie, marié ? célibataire ? enfants ? en fait c’est elle qui se confiera, douloureusement et Marius finira par comprendre et aussi révéler certains secrets. Leurs destins vont-ils se croiser ?

Une touchante histoire comme sait les écrire Ana-Maria Bamberger, avec une pointe d’humour, que sait mettre en valeur Catherine Mahieu émouvante, crispante, drôle, il faut bien compenser avec Joël Grimaud, tendre, patient !
L’autrice Ana-Maria Bamberger nous propose un nouveau récit centré sur les relations interpersonnelles. Ici, l’histoire se situe à la croisée des chemins entre l’être et le paraître, entre l'oubli et le souvenir, entre la renaissance des regrets et le doute des remords. Une histoire à l’aspect troublant qui marche sur les pavés de l’intime et de ses secrets pour peu à peu se révéler tout à fait. Instants communs et destins distincts, destins rejoints et instants partagés.

« Approché par un client énigmatique pour faire le portrait de la célèbre actrice Madame T, le peintre Marius David parvient, après maintes réticences de celle-ci, à la convaincre d’accepter. Un dialogue surprenant s’initie, dévoilant avec tendresse et humour, deux histoires entremêlées de manière imprévue et le pouvoir de l’art, de nous révéler l’autre et nous-mêmes. »

Deux personnages aux attraits manifestes. Un peintre et son modèle vont se confronter dans un duo-duel qui commence dans une proximité aride et deviendra complice et bienveillant. Lui, un artiste intraverti, qui semble se suffire de son monde intérieur dans une harmonie quiète que les aléas de la vie ne bousculent pas plus que des cailloux sur un sentier. Elle, une actrice renommée, totalement extravertie qui vit dans une sorte de mégalomanie insolente et distante, qui se protège du dévoilement pour mieux cacher ses fractures intérieures en jouant d’elle-même comme elle jouerait un rôle.

Mais pour que l’échange ait lieu, il faudra bien que le face à face laisse place à un cheminement côte à côte. Il faudra bien se délivrer des carcans de l’apparence et défaire les nœuds qui les retiennent pour que le peintre puisse établir cette étroite union entre l’âme intérieure et l’enveloppe extérieure de son modèle. Il faudra bien se rapprocher au risque de s'étourdir, de lâcher prise en se découvrant et de laisser échapper les retenues affectives.

Que dévoilera cette joute ?

Pourquoi cette personne commanditaire veut-elle sublimer l’existence et la présence de Madame T. par la volonté de faire réaliser son portrait peint plutôt que conserver son visage pas l’instantanéité d’une photographie ? Motivation d’un être cher de toute évidence, mais qui est donc celui ou celle qui a commandité cette œuvre d’art et d’embellissement ?

Le saurons enfin ?

La mise en scène de Catherine Mahieu laisse le texte venir à nous, centrant notre attention sur les propos des personnages. Une sobriété très simple du déroulement que nous suivons comme une histoire qu’on nous raconte. Les comédiens Joël Grimaud et Catherine Mahieu jouent des partitions sans doute difficiles.

Un spectacle à découvrir pour la qualité de son récit.