Critiques pour l'événement L'affaire Corneille Molière
1 mars 2025
8/10
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« Les trésors sont enfouis, il faut du courage pour creuser ».

L’affaire Corneille-Molière nous invite à découvrir ou redécouvrir une des grandes questions de la littérature.
La proximité de langage et de tournures de phrases dans les textes des deux grands poètes du XVIIᵉ siècle a pu amener certains spécialistes à spéculer plus de 300 ans après leur mort sur la possibilité qu’il ne s’agisse que d’un seul et même auteur.
Corneille aurait-il utilisé le pseudonyme de « Molière » pour écrire des comédies ? Un peu tiré par les cheveux, me direz-vous, et pourtant… Le doute subsiste.

Notamment pour les protagonistes de cette rocambolesque enquête.
Sur fond d’insurrection étudiante en mai 1968, la nouvelle création de Marc Tourneboeuf mise en scène par Julien Alluguette nous plonge dans cette époque où l’on remettait tout en question, surtout les classiques, et nous présente trois étudiants en lettres, Alaïa, Arthur et Avrell lancés dans une quête de vérité.

Et si Corneille avait écrit tous les textes de Molière ? Les trois sympathiques lurons vont chercher à faire la lumière sur cette histoire. Ils iront de surprise en surprise pour notre plus grand plaisir de spectateur dans cette fresque enlevée aux tons et couleurs multiples.

La mise en scène est dynamique et inventive, brisant les règles de narration quand il le faut.
Elle est résolument moderne avec des allers-retours passé-présent efficaces, à la manière d’un montage vidéo. Impression renforcée par la présence de cadres lumineux au centre du plateau qui figurent les multiples temps et lieux que nous arpentons avec les trois courageux investigateurs.

Le travail sur la lumière et la musique (live, ce qui est assez original) est impeccable et fait qu’on se repère facilement malgré le rythme effréné. À noter cependant que les effets marchent mieux en centre de salle. Lorsqu’on est sur les côtés, l’impression est moins bonne puisqu’on ne se trouve pas en face de la scène.

Les acteurs sont tous très bons et s’amusent sur le plateau. Iona Cartier, Marc Tourneboeuf et Damien Bellard incarnent à la perfection de jeunes étudiants nous rappelant le Scooby Gang, partant sur les traces d’une énigme littéraire avec leur enthousiasme et leurs manies respectives.
Ils croiseront au cours de leur enquête une galerie de personnages drôles, inquiétants, farfelus campés par une Grétel Delattre et un Jean-Philippe Bèche bluffants.
C’est une trentaine de portraits qui se déploient sous nos yeux avec maestria, les passages d’un rôle à l’autre se faisant de manière imperceptible.

On se laisse ainsi emporter avec plaisir dans ce Da Vinci Code théâtral aux multiples références. On lui reprochera uniquement un rythme un peu inégal, une écriture parfois un peu maladroite avec quelques points en suspens et une fin pour le moins inattendue.

En plus d’un bon moment de théâtre, c’est une belle et intelligente façon de présenter l’affaire Corneille-Molière et de nous donner à réfléchir sur le sujet.