Critiques pour l'événement Là, aux Bouffes du Nord
Au début était le blanc !
Le règne de l’immaculé, le lieu où tout était à faire, à réaliser, à écrire.
Un espace vide et vierge.
Là.
Et puis, ils apparurent. De façon assez saugrenue et inhabituelle sur un plateau, il faut bien l’avouer.
Plus qu’une entrée en scène, ce furent plutôt deux naissances, deux accouchements.
Deux nativités issues du rien.
Là.
Homo Sapiens, de l’ordre des primates, de la famille des hominidæ.
Un homme, une femme, lui en costume noir, elle en robe de la même couleur.
Comme un négatif de ce lieu fait du plus grand des contrastes.
Deux êtres humains malhabiles, qui vont vouloir apprendre à exister dans cette étrange caverne monochrome, aux ombres certes douces, mais bien réelles.
Lui va nous démontrer d’emblée sa gaucherie : devant un micro sur pied, il va tenter de nous expliquer ce qu’il va faire, de présenter ce qui va suivre...
Mais un troisième être vivant va débarquer sans prévenir, qui va contrecarrer l’entreprise de l’homme.
Corvus albus, de l’ordre des passeriformes et de la famille des corvidæ.
Un corbeau pie, répondant au patronyme de Gus, et dont le ramage semble déjà en cours d’adaptation au milieu ambiant : lui est déjà à la fois noir et blanc.
Il y a là quelque chose qui relève des grands comiques du cinéma muet, Chaplin en tête, dans cette première séquence : un être totalement inadapté au milieu ambiant doit se débrouiller comme il peut avec ses moyens.
Cette séquence d’ouverture annonce d’emblée la couleur, et engendre immédiatement rires et admiration. (Admiration qui succède aussitôt la stupéfaction passée : il faut le voir pour le croire… Et je n’en dis pas plus...)
Elle aussi aura bien du mal à s’exprimer et à exister : les relations avec l’homme ne vont pas aller de soi, et pourtant il va bien falloir s’adapter pour arriver au vivre ensemble.
Camille Decourtye et Blaï Mateau Trias, avec la dramaturge Barbara Métais-Castanier ont écrit un spectacle à nul autre pareil, l’un de ces objets théâtraux étonnants et atypiques qui ne peuvent qu’interpeller les spectateurs. Pour mieux les ravir !
Durant une heure et dix minutes, grâce à un savant mélange de poésie, de burlesque, de mime, d’arts du cirque et notamment celui du clown, de danse, de chant lyrique, mais également grâce à une véritable création graphique et picturale, les deux artistes vont fasciner, oui je dis bien fasciner tout le public.
Et si nous assistions à un spectacle total ?
Melle Decourtye et el señor Trias ne vont ménager ni leur peine ni leur énergie.
Durant ces soixante dix minutes, ils vont nous livrer une véritable prestation circassienne.
Ces deux-là sont rompus à ces disciplines exigeantes, formés qu’ils sont notamment au CNAC, le Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne.
Si le texte, les mots seront volontairement réduits à leur strict minimum, les corps, en revanche vont produire un véritable langage.
Des corps qui se poussent, s’attirent, s’étreignent, des corps qui se portent, se supportent, des corps qui s’élèvent et qui doivent retomber sur terre.
Un exemple de ces mots en portion congrue ?
Lui interviewe Elle, et le tout se termine par un tableau qui fera en sorte que les corps reprennent l’avantage, pour exulter à qui mieux-mieux.
Là encore, je n’en dis pas plus. C’est drôlissime et nos zygomatiques sont mis à très rude épreuve.
(Il faut d’ailleurs rendre hommage appuyé à la marque de micros Shure, pour la solidité à toute épreuve de son modèle SM58, soumis à bien des avanies !)
Ce spectacle repose également sur une magnifique création sonore et musicale, que l’on doit à Fanny Thollot.
Des sons étranges s’échappent des enceintes Lacoustics des Bouffes du Nord, mais également une magnifique pièce pour cordes, qui permettra à Camille Decourtye de nous révéler son grand talent de chanteuse lyrique.
Il faut souligner de plus les très jolies et délicates lumières d’Adèle Grépinet, qui met en valeur subtilement tout ce blanc, permettant de lui donner d’imperceptibles colorations, et créant des ombres plus ou moins soulignées selon les différents tableaux.
Et puis, je l’écrivais un peu plus haut, c’est également un spectacle graphique.
Grâce à la scénographie très réussie de Lluc Castells, à base de tentures recouvertes de blanc de Meudon, les deux artistes vont pouvoir créer leur propre alphabet, leur propre écriture.
C’est très beau.
Et la fin…
Les deux humains ont pris conscience de leur état, devenant eux aussi noirs et blancs.
Ayant délivré leur message ici et surtout là, ils n’auront plus comme but ultime que de réintégrer la matrice originelle.
L’idée est épatante et le moyen d’y parvenir est on ne peut plus judicieux et inventif.
Une véritable ovation et de très nombreux « bravo » ô combien mérités accueillent Camille, Blaï Mateu et Gus revenus saluer.
Ce fascinant spectacle est de ceux qu’il ne faut pas manquer !
Là !
Le règne de l’immaculé, le lieu où tout était à faire, à réaliser, à écrire.
Un espace vide et vierge.
Là.
Et puis, ils apparurent. De façon assez saugrenue et inhabituelle sur un plateau, il faut bien l’avouer.
Plus qu’une entrée en scène, ce furent plutôt deux naissances, deux accouchements.
Deux nativités issues du rien.
Là.
Homo Sapiens, de l’ordre des primates, de la famille des hominidæ.
Un homme, une femme, lui en costume noir, elle en robe de la même couleur.
Comme un négatif de ce lieu fait du plus grand des contrastes.
Deux êtres humains malhabiles, qui vont vouloir apprendre à exister dans cette étrange caverne monochrome, aux ombres certes douces, mais bien réelles.
Lui va nous démontrer d’emblée sa gaucherie : devant un micro sur pied, il va tenter de nous expliquer ce qu’il va faire, de présenter ce qui va suivre...
Mais un troisième être vivant va débarquer sans prévenir, qui va contrecarrer l’entreprise de l’homme.
Corvus albus, de l’ordre des passeriformes et de la famille des corvidæ.
Un corbeau pie, répondant au patronyme de Gus, et dont le ramage semble déjà en cours d’adaptation au milieu ambiant : lui est déjà à la fois noir et blanc.
Il y a là quelque chose qui relève des grands comiques du cinéma muet, Chaplin en tête, dans cette première séquence : un être totalement inadapté au milieu ambiant doit se débrouiller comme il peut avec ses moyens.
Cette séquence d’ouverture annonce d’emblée la couleur, et engendre immédiatement rires et admiration. (Admiration qui succède aussitôt la stupéfaction passée : il faut le voir pour le croire… Et je n’en dis pas plus...)
Elle aussi aura bien du mal à s’exprimer et à exister : les relations avec l’homme ne vont pas aller de soi, et pourtant il va bien falloir s’adapter pour arriver au vivre ensemble.
Camille Decourtye et Blaï Mateau Trias, avec la dramaturge Barbara Métais-Castanier ont écrit un spectacle à nul autre pareil, l’un de ces objets théâtraux étonnants et atypiques qui ne peuvent qu’interpeller les spectateurs. Pour mieux les ravir !
Durant une heure et dix minutes, grâce à un savant mélange de poésie, de burlesque, de mime, d’arts du cirque et notamment celui du clown, de danse, de chant lyrique, mais également grâce à une véritable création graphique et picturale, les deux artistes vont fasciner, oui je dis bien fasciner tout le public.
Et si nous assistions à un spectacle total ?
Melle Decourtye et el señor Trias ne vont ménager ni leur peine ni leur énergie.
Durant ces soixante dix minutes, ils vont nous livrer une véritable prestation circassienne.
Ces deux-là sont rompus à ces disciplines exigeantes, formés qu’ils sont notamment au CNAC, le Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne.
Si le texte, les mots seront volontairement réduits à leur strict minimum, les corps, en revanche vont produire un véritable langage.
Des corps qui se poussent, s’attirent, s’étreignent, des corps qui se portent, se supportent, des corps qui s’élèvent et qui doivent retomber sur terre.
Un exemple de ces mots en portion congrue ?
Lui interviewe Elle, et le tout se termine par un tableau qui fera en sorte que les corps reprennent l’avantage, pour exulter à qui mieux-mieux.
Là encore, je n’en dis pas plus. C’est drôlissime et nos zygomatiques sont mis à très rude épreuve.
(Il faut d’ailleurs rendre hommage appuyé à la marque de micros Shure, pour la solidité à toute épreuve de son modèle SM58, soumis à bien des avanies !)
Ce spectacle repose également sur une magnifique création sonore et musicale, que l’on doit à Fanny Thollot.
Des sons étranges s’échappent des enceintes Lacoustics des Bouffes du Nord, mais également une magnifique pièce pour cordes, qui permettra à Camille Decourtye de nous révéler son grand talent de chanteuse lyrique.
Il faut souligner de plus les très jolies et délicates lumières d’Adèle Grépinet, qui met en valeur subtilement tout ce blanc, permettant de lui donner d’imperceptibles colorations, et créant des ombres plus ou moins soulignées selon les différents tableaux.
Et puis, je l’écrivais un peu plus haut, c’est également un spectacle graphique.
Grâce à la scénographie très réussie de Lluc Castells, à base de tentures recouvertes de blanc de Meudon, les deux artistes vont pouvoir créer leur propre alphabet, leur propre écriture.
C’est très beau.
Et la fin…
Les deux humains ont pris conscience de leur état, devenant eux aussi noirs et blancs.
Ayant délivré leur message ici et surtout là, ils n’auront plus comme but ultime que de réintégrer la matrice originelle.
L’idée est épatante et le moyen d’y parvenir est on ne peut plus judicieux et inventif.
Une véritable ovation et de très nombreux « bravo » ô combien mérités accueillent Camille, Blaï Mateu et Gus revenus saluer.
Ce fascinant spectacle est de ceux qu’il ne faut pas manquer !
Là !
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