Critiques pour l'événement La vie est un songe
A La Tempête, Clément Poirée reprend sa mise en scène du chef d'œuvre de Pedro Calderon de la Barca, créée ici même voici deux saisons.
Faut-il rappeler que cette pièce a été écrite en 1635, s'inscrivant dans ce qu'il est convenu d'appeler le théâtre baroque espagnol ?
Théâtre métaphysique, également. L'auteur se livre à une vertigineuse mise en abyme. Qu'est-ce que la réalité, qu'est-ce que l'illusion ? Quand commence la vie, quand débute le rêve...
Le songe.
Nous pénétrons dans la salle totalement enfumée, éclairée par de multiples néons qui créent ainsi une structure mi-cathédrale mi-grotte fantastique.
Sur le plateau, la neige. Et des sortes de grandes toiles style camouflage militaire.
Nous sommes dans le royaume de Pologne dirigé par le souverain Basile.
C'est un roi-mathématicien-astrologue.
Le jour de la naissance de son fils, la maman n'ayant pas survécu à l'accouchement, le monarque a décelé une très mauvaise conjonction des astres. Son Sigismond deviendra un monstre de perversité, un tyran sanguinaire.
Aussi, pour conjurer le sort, Basile enferme son héritier dans une tour au fin fond de la montagne, le transformant en reclus.
Le temps passe. Une vingtaine d'années...
Déguisée en homme, Rosaura trouve Sigismond dans son cachot, sous la garde du sévère Clotharde.
Rongé par le remords, le roi Basile va tenter une expérience : il décide de libérer son fils pour une journée, afin de voir si vraiment la prédiction se réalise.
L'expérience se révèle catastrophique. Sigismond commet moul atrocités.
Seulement voilà, le Peuple veille au grain !
Il faut un successeur royal qui soit polonais ! Sigismond conviendra donc !
Tout au long des trois jours qui constituent la structure temporelle de la pièce, rêves et songes seront nombreux.
Mais la raison, la morale triompheront : « Car même en rêve, ça n'est jamais vain de faire le bien ! »
Il faut évidemment mettre en avant le fait que même déguisée, c'est une femme qui va transformer le monstre en homme doté d'une grande noblesse.
Rosaura est le symbole même de ce libre-arbitre qui fait que la prédestination fatale sera contrecarrée.
Clément Poirée a transposé l'action dans un royaume militaire, à mis chemin entre Game of Thrones et le film Dune de David Lynch.
De grandes toiles actionnées par les comédiens eux-mêmes au moyen de grosses ficelles (non, je ne l'ai pas dit...) révèlent des petites structures sur roulettes symbolisant différents espaces.
Le cachot de Sigismond, mi toile d'araignée mi geôle répugnante est très réussi.
Le personnage est retenu par des gros élastiques qui l'empêchent de se ruer sur Rosaura tout en s'en approchant suffisamment. L'effet est fascinant.
Le metteur en scène a réuni sur le plateau des comédiens tout simplement magnifiques !
John Arnold est un impressionnant roi Basile. Quelle interprétation, quel engagement, quelle énergie ! Quel sentiment de puissance, allié à une impression de fragilité permanente. Ce roi-là est une sacrée composition !
Tout comme celle de son fils Sigismond, interprété par l'excellent Makita Samba qui parvient à faire passer son personnage de la plus ignoble monstruosité à la plus belle noblesse d'âme. Là aussi, quelle interprétation tout en force et subtilité mêlées !
L'humour aura droit de cité grâce notamment au valet Clairon. Thibault Corrion l'incarne avec de vraies truculence et drôlerie.
Quant à Louise Grinberg, elle aussi est remarquable en Rosaura. Dans de longues tirades enflammées, sauvages, elle est cette femme qui prend en charge deux "renaissances", la sienne et celle de Sigismond. Elle m'a bouleversé !
Les autres comédiens ne sont pas en reste. La troupe est d'une parfaite homogénéité.
Je vous recommande donc chaudement cette pièce, si comme moi, vous étiez passé à côté en 2017.
Clément Poirée a adapté et monté Calderon avec une rigueur sauvage, une force brute, et en même temps une vraie et subtile finesse
C'est un spectacle fascinant !
Faut-il rappeler que cette pièce a été écrite en 1635, s'inscrivant dans ce qu'il est convenu d'appeler le théâtre baroque espagnol ?
Théâtre métaphysique, également. L'auteur se livre à une vertigineuse mise en abyme. Qu'est-ce que la réalité, qu'est-ce que l'illusion ? Quand commence la vie, quand débute le rêve...
Le songe.
Nous pénétrons dans la salle totalement enfumée, éclairée par de multiples néons qui créent ainsi une structure mi-cathédrale mi-grotte fantastique.
Sur le plateau, la neige. Et des sortes de grandes toiles style camouflage militaire.
Nous sommes dans le royaume de Pologne dirigé par le souverain Basile.
C'est un roi-mathématicien-astrologue.
Le jour de la naissance de son fils, la maman n'ayant pas survécu à l'accouchement, le monarque a décelé une très mauvaise conjonction des astres. Son Sigismond deviendra un monstre de perversité, un tyran sanguinaire.
Aussi, pour conjurer le sort, Basile enferme son héritier dans une tour au fin fond de la montagne, le transformant en reclus.
Le temps passe. Une vingtaine d'années...
Déguisée en homme, Rosaura trouve Sigismond dans son cachot, sous la garde du sévère Clotharde.
Rongé par le remords, le roi Basile va tenter une expérience : il décide de libérer son fils pour une journée, afin de voir si vraiment la prédiction se réalise.
L'expérience se révèle catastrophique. Sigismond commet moul atrocités.
Seulement voilà, le Peuple veille au grain !
Il faut un successeur royal qui soit polonais ! Sigismond conviendra donc !
Tout au long des trois jours qui constituent la structure temporelle de la pièce, rêves et songes seront nombreux.
Mais la raison, la morale triompheront : « Car même en rêve, ça n'est jamais vain de faire le bien ! »
Il faut évidemment mettre en avant le fait que même déguisée, c'est une femme qui va transformer le monstre en homme doté d'une grande noblesse.
Rosaura est le symbole même de ce libre-arbitre qui fait que la prédestination fatale sera contrecarrée.
Clément Poirée a transposé l'action dans un royaume militaire, à mis chemin entre Game of Thrones et le film Dune de David Lynch.
De grandes toiles actionnées par les comédiens eux-mêmes au moyen de grosses ficelles (non, je ne l'ai pas dit...) révèlent des petites structures sur roulettes symbolisant différents espaces.
Le cachot de Sigismond, mi toile d'araignée mi geôle répugnante est très réussi.
Le personnage est retenu par des gros élastiques qui l'empêchent de se ruer sur Rosaura tout en s'en approchant suffisamment. L'effet est fascinant.
Le metteur en scène a réuni sur le plateau des comédiens tout simplement magnifiques !
John Arnold est un impressionnant roi Basile. Quelle interprétation, quel engagement, quelle énergie ! Quel sentiment de puissance, allié à une impression de fragilité permanente. Ce roi-là est une sacrée composition !
Tout comme celle de son fils Sigismond, interprété par l'excellent Makita Samba qui parvient à faire passer son personnage de la plus ignoble monstruosité à la plus belle noblesse d'âme. Là aussi, quelle interprétation tout en force et subtilité mêlées !
L'humour aura droit de cité grâce notamment au valet Clairon. Thibault Corrion l'incarne avec de vraies truculence et drôlerie.
Quant à Louise Grinberg, elle aussi est remarquable en Rosaura. Dans de longues tirades enflammées, sauvages, elle est cette femme qui prend en charge deux "renaissances", la sienne et celle de Sigismond. Elle m'a bouleversé !
Les autres comédiens ne sont pas en reste. La troupe est d'une parfaite homogénéité.
Je vous recommande donc chaudement cette pièce, si comme moi, vous étiez passé à côté en 2017.
Clément Poirée a adapté et monté Calderon avec une rigueur sauvage, une force brute, et en même temps une vraie et subtile finesse
C'est un spectacle fascinant !
Ne suivez pas mon exemple. J'ai cherché à "rentabiliser" mon déplacement à la Cartoucherie et j'ai enchainé La Mort de Tintagiles avec La vie est un songe. C'était trop. D'abord parce que cette pièce est longue et qu'ensuite elle réclame une attention sans faille.
C'est une épopée métaphysique qui, forcément, nous amène à nous poser de multiples questions, ce qui en soit est très positif.
Sigismond, prince héritier de Pologne, vit au secret dans une tour depuis que le roi Basile a lu dans les astres que son fils le destituerait et livrerait le royaume à la violence. Au terme de son règne, Basile est devant une alternative : remettre la couronne à Astolphe et Étoile, ses neveu et nièce, ou donner une chance à son fils en le soumettant à une épreuve : on administre un narcotique au prisonnier, et le voilà transporté dans le palais royal où on le traite en prince. Mais Sigismond s’y comporte en véritable brute. A nouveau endormi, et renvoyé au cachot, on le persuade qu’il a vécu en songe. Mais une révolte éclate et le peuple, libérant Sigismond, le proclame son souverain. Maintenant chef de guerre, se laissera-t-il aller à sa fureur vengeresse ? De grands changements toutefois se sont produits en lui. Héritier légitime, victorieux sur lui-même, Sigismond rétablit l’ordre, pardonne à son père, et fait par la sagesse de ses décisions l’admiration de tous. Mais c’est l’amour, sous les traits de Rosaura, sa jumelle en infortune – abandonnée par son père Clothalde puis trompée par Astolphe – qui aura été le grand agent de sa métamorphose. Comme dans un conte, c’est par les plus invraisemblables péripéties et dans le feu des passions que la vérité vient au jour. Lucidité et pondération, justice et honneur, amour et liberté en sont les maîtres mots : Sigismond ou le Destin de l’homme.
Clotaldo, le vieillard, s'alarme dès le début de la pièce. Nous ne sommes qu'au premier jour et il s'interroge : Quel est ce confus labyrinthe où je me trouve perdu et où ma raison marche sans guide ?
Calderón a écrit en 1636 un déroulement sur trois jours, qui comportent chacun plusieurs scènes. Il donne comme indication de lieu "un site sauvage. Des montagnes. Une caverne" ... et la scénographie élaborée par Erwan Creff est fidèle à l'esprit quoique déroutante pour le spectateur qui ne sait pas à quelle époque on se situe ni à quel endroit ... imaginant plutôt ce qu'on appelle un théâtre d'opérations (militaires). C'est au final astucieux puisque cela permet d'asseoir l'universalité du propos. Cependant l'éclairage au néon peut déranger les yeux fragiles.
Si Calderón invoque des croyances liées à la superstition aux astres il n'est pas compliqué de les imaginer dans un contexte contemporain. Les rapports entre honneur, morale et politique n'ont besoin d'aucune transposition. L'actualité est frappante.
Clément Poirée (dont c'est la première mise en scène en tant que directeur de la Tempête) a travaillé avec un oeil quasi cinématographique tout en respectant la spécificité baroque de ce théâtre. Les péripéties s'enchainent dans la démesure. Il y aura plusieurs tempêtes, de la neige, des évocations de terres lointaines.
Ce que l'on voit est-il songe ou mensonge ? Le questionnement est plusieurs fois repris, par plusieurs personnages. Avec le double sens du mot songe qui peut être compris comme rêve ou comme prédiction. En fin de compte nous sommes interrogés sur le sens qu'on peut donner à une vie qui, parfois semble n'être qu'une illusion.
Comme le dit Sigismond lors de la deuxième journée :
– Qu’est-ce que la vie ? – Une fureur. Qu’est-ce que la vie ? – Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes mêmes ne sont que songes.
De multiples métaphores font osciller le spectacle entre conte métaphysique et fable politique. Clément Poirée a voulu signifier combien il fallait s'extirper de nos pulsions pour atteindre la civilisation. Les dialogues ont été écrits il y a plusieurs siècles mais ils continuent de résonner aujourd'hui alors que nous n'avons guère de barrières, dans quelque domaine que ce soit.
Les comédiens qui interprètent parfois plusieurs personnages sont pour beaucoup dans la prise de conscience du spectateur qui ressort troublé, se promettant de lire le texte parce qu'il n'a jamais fini de s'interroger ...
C'est une épopée métaphysique qui, forcément, nous amène à nous poser de multiples questions, ce qui en soit est très positif.
Sigismond, prince héritier de Pologne, vit au secret dans une tour depuis que le roi Basile a lu dans les astres que son fils le destituerait et livrerait le royaume à la violence. Au terme de son règne, Basile est devant une alternative : remettre la couronne à Astolphe et Étoile, ses neveu et nièce, ou donner une chance à son fils en le soumettant à une épreuve : on administre un narcotique au prisonnier, et le voilà transporté dans le palais royal où on le traite en prince. Mais Sigismond s’y comporte en véritable brute. A nouveau endormi, et renvoyé au cachot, on le persuade qu’il a vécu en songe. Mais une révolte éclate et le peuple, libérant Sigismond, le proclame son souverain. Maintenant chef de guerre, se laissera-t-il aller à sa fureur vengeresse ? De grands changements toutefois se sont produits en lui. Héritier légitime, victorieux sur lui-même, Sigismond rétablit l’ordre, pardonne à son père, et fait par la sagesse de ses décisions l’admiration de tous. Mais c’est l’amour, sous les traits de Rosaura, sa jumelle en infortune – abandonnée par son père Clothalde puis trompée par Astolphe – qui aura été le grand agent de sa métamorphose. Comme dans un conte, c’est par les plus invraisemblables péripéties et dans le feu des passions que la vérité vient au jour. Lucidité et pondération, justice et honneur, amour et liberté en sont les maîtres mots : Sigismond ou le Destin de l’homme.
Clotaldo, le vieillard, s'alarme dès le début de la pièce. Nous ne sommes qu'au premier jour et il s'interroge : Quel est ce confus labyrinthe où je me trouve perdu et où ma raison marche sans guide ?
Calderón a écrit en 1636 un déroulement sur trois jours, qui comportent chacun plusieurs scènes. Il donne comme indication de lieu "un site sauvage. Des montagnes. Une caverne" ... et la scénographie élaborée par Erwan Creff est fidèle à l'esprit quoique déroutante pour le spectateur qui ne sait pas à quelle époque on se situe ni à quel endroit ... imaginant plutôt ce qu'on appelle un théâtre d'opérations (militaires). C'est au final astucieux puisque cela permet d'asseoir l'universalité du propos. Cependant l'éclairage au néon peut déranger les yeux fragiles.
Si Calderón invoque des croyances liées à la superstition aux astres il n'est pas compliqué de les imaginer dans un contexte contemporain. Les rapports entre honneur, morale et politique n'ont besoin d'aucune transposition. L'actualité est frappante.
Clément Poirée (dont c'est la première mise en scène en tant que directeur de la Tempête) a travaillé avec un oeil quasi cinématographique tout en respectant la spécificité baroque de ce théâtre. Les péripéties s'enchainent dans la démesure. Il y aura plusieurs tempêtes, de la neige, des évocations de terres lointaines.
Ce que l'on voit est-il songe ou mensonge ? Le questionnement est plusieurs fois repris, par plusieurs personnages. Avec le double sens du mot songe qui peut être compris comme rêve ou comme prédiction. En fin de compte nous sommes interrogés sur le sens qu'on peut donner à une vie qui, parfois semble n'être qu'une illusion.
Comme le dit Sigismond lors de la deuxième journée :
– Qu’est-ce que la vie ? – Une fureur. Qu’est-ce que la vie ? – Une illusion, une ombre, une fiction, et le plus grand bien est peu de chose, car toute la vie est un songe et les songes mêmes ne sont que songes.
De multiples métaphores font osciller le spectacle entre conte métaphysique et fable politique. Clément Poirée a voulu signifier combien il fallait s'extirper de nos pulsions pour atteindre la civilisation. Les dialogues ont été écrits il y a plusieurs siècles mais ils continuent de résonner aujourd'hui alors que nous n'avons guère de barrières, dans quelque domaine que ce soit.
Les comédiens qui interprètent parfois plusieurs personnages sont pour beaucoup dans la prise de conscience du spectateur qui ressort troublé, se promettant de lire le texte parce qu'il n'a jamais fini de s'interroger ...
Pure illustration du théâtre Baroque, cette comédie de Pedro Calderón, crée en 1636, se rapproche de l’« auto sacramental » (pièce de théâtre espagnole basée sur une allégorie religieuse), genre dans lequel s’illustrera particulièrement Calderón dans la deuxième partie de son œuvre prolilifique.
Ce long poème épique et métaphysique interroge sur l’existence, nous contant par épisodes une double-histoire dans laquelle nombre de sujets sont traités. La superstition aux astres nourrissant la croyance humaine ; les velléités de l’amour et de ses trahisons ; les marques de l’honneur traversées par la morale ; les soumissions au pouvoir politique.
Rosaura recherche son amant Astolphe pour se venger d'avoir été abandonnée. Le roi Basile appelle à ses côtés son fils Sigismond qu'il a emprisonné depuis l’enfance pour déjouer le destin promis par les astres. Les deux histoires vont se croiser et n’en faire qu’une et nous faire vivre des péripéties grandioses où la magie des images, l’onirisme des situations et la profusion des répliques nous envoutent et nous emportent, nous laissant étourdis.
La symbolique du songe, souvent présente dans le théâtre baroque, est utilisée ici par Calderón pour dresser un tableau foudroyant et complexe, baigné d’illusions permanentes, sur l’origine et l’apprentissage du bien et du mal, sur l’inné et l’acquis, le découvert et l’appris. Argumentées dans une langue riche et magnifique, les questions qui traversent le récit n’hésitent pas à nous interpeller par le biais des personnages.
« … Qu'est-ce que la vie ? Un délire.
Qu'est donc la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction ;
le plus grand bien est peu de chose,
car toute la vie n'est qu'un songe,
et les songes rien que des songes. » (Extrait du monologue de Sigismond)
La vie ne serait pas l’essentiel de l’existence mais un préambule d'un au-delà. Vivre comme dans un rêve où vivre ses désirs, défier le mal et le temps.
Comédie du bien et du mal, tragédie du désir, cette pièce nous conduit à réfléchir sur ce qui fonde la sagesse et les notions d’amour, d’honneur et de pouvoir (triptyque récurent chez Calderón). Tout ce que nous appelons volontiers aujourd’hui : responsabilité, conscience de soi et liberté de pensée.
La mise en scène de Clément Poirée joue avec maestria dans le registre de l’étrange, du doute, du fondu-enchainé entre réel et mystifié, entre présent et suggéré. La scénographie soignée, les lumières et les sons éclatants aident à la fabulation. Les monologues et les dialogues cruciaux sont souvent données parmi le public ou proche de lui. Le tout est haletant et lent à la fois, la violence est discours.
Nous sommes dans un temps de théâtre particulier où le fabuleux côtoie l’invective et la drôlerie côtoie la sauvagerie. Les jeux des comédien·nes nous tiennent en haleine, leur diction est précise et les situations sont vécues avec un engagement forcené et élégant.
La distribution est brillante. Un bémol toutefois pour le personnage de Sigismond, joué « techniquement », moins habité que ses propos l’exigent sans doute. À noter, John Arnold en roi Basile qui explose d’ardeur et Morgane Nairaud qui étincelle en Rosaura.
Un spectacle lumineux, vivant et surprenant pour une pièce-phare de Pedro Calderón.
Ce long poème épique et métaphysique interroge sur l’existence, nous contant par épisodes une double-histoire dans laquelle nombre de sujets sont traités. La superstition aux astres nourrissant la croyance humaine ; les velléités de l’amour et de ses trahisons ; les marques de l’honneur traversées par la morale ; les soumissions au pouvoir politique.
Rosaura recherche son amant Astolphe pour se venger d'avoir été abandonnée. Le roi Basile appelle à ses côtés son fils Sigismond qu'il a emprisonné depuis l’enfance pour déjouer le destin promis par les astres. Les deux histoires vont se croiser et n’en faire qu’une et nous faire vivre des péripéties grandioses où la magie des images, l’onirisme des situations et la profusion des répliques nous envoutent et nous emportent, nous laissant étourdis.
La symbolique du songe, souvent présente dans le théâtre baroque, est utilisée ici par Calderón pour dresser un tableau foudroyant et complexe, baigné d’illusions permanentes, sur l’origine et l’apprentissage du bien et du mal, sur l’inné et l’acquis, le découvert et l’appris. Argumentées dans une langue riche et magnifique, les questions qui traversent le récit n’hésitent pas à nous interpeller par le biais des personnages.
« … Qu'est-ce que la vie ? Un délire.
Qu'est donc la vie ? Une illusion, une ombre, une fiction ;
le plus grand bien est peu de chose,
car toute la vie n'est qu'un songe,
et les songes rien que des songes. » (Extrait du monologue de Sigismond)
La vie ne serait pas l’essentiel de l’existence mais un préambule d'un au-delà. Vivre comme dans un rêve où vivre ses désirs, défier le mal et le temps.
Comédie du bien et du mal, tragédie du désir, cette pièce nous conduit à réfléchir sur ce qui fonde la sagesse et les notions d’amour, d’honneur et de pouvoir (triptyque récurent chez Calderón). Tout ce que nous appelons volontiers aujourd’hui : responsabilité, conscience de soi et liberté de pensée.
La mise en scène de Clément Poirée joue avec maestria dans le registre de l’étrange, du doute, du fondu-enchainé entre réel et mystifié, entre présent et suggéré. La scénographie soignée, les lumières et les sons éclatants aident à la fabulation. Les monologues et les dialogues cruciaux sont souvent données parmi le public ou proche de lui. Le tout est haletant et lent à la fois, la violence est discours.
Nous sommes dans un temps de théâtre particulier où le fabuleux côtoie l’invective et la drôlerie côtoie la sauvagerie. Les jeux des comédien·nes nous tiennent en haleine, leur diction est précise et les situations sont vécues avec un engagement forcené et élégant.
La distribution est brillante. Un bémol toutefois pour le personnage de Sigismond, joué « techniquement », moins habité que ses propos l’exigent sans doute. À noter, John Arnold en roi Basile qui explose d’ardeur et Morgane Nairaud qui étincelle en Rosaura.
Un spectacle lumineux, vivant et surprenant pour une pièce-phare de Pedro Calderón.
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