Critiques pour l'événement La Fuite, Makeïeff
6 déc. 2017
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La fuite de Boulgakov par Macha Makeieff

1920 les russes blancs fuient la Russie de Staline.
Cette débâcle écrite entre 1926 et 1937 n’a jamais été jouée du vivant de Boulgakov. Ses œuvres étant bannies par le régime.

Nous suivrons la débâcle des migrants de Crimée à Paris en passant par Constantinople.
Lors de cette fuite nous côtoierons des moines, des employés du contre-espionnage, un spectre, le typhus, la fête foraine, la prostitution, l’appât du jeu, les amours déçus...
Tous les personnages sont hauts en couleur.
Les situations sont à la fois rocambolesques et plausibles.
En parallèle Macha Makeieff nous raconte son histoire en voix off à travers l’image d’une petite fille.


Comédiens vêtus de superbes costumes, sont talentueux ; merveilleux acteurs, choristes et musiciens…
Geoffroy Rondeau, Alain Fromager, Pierre Hancisse, Samuel Glaume Sylvain L'évite, Pascal Reneric, Vanessa Fonte, Vincent Winterhalter et Karylk Elgrichi .
Sans oublier : Emilie Pictet prodigieuse soprano et Thomas Morris remarquable ténor.

Macha Makeieff nous transporte à travers cette satire drôle et profonde sur l’exil grâce à sa mise en scène innovante et pétillante ainsi qu’à ses décors transformables magnifiques.


La lumiére de Jean Bellorini et la participation d’Angelin Preljocaj nous transportent d’un songe à l’autre et intensifie nos émotions.

La collaboration de Macha Makeieff, Jean Bellorini et Angelin Preljocaj ne pouvait être que grandiose.
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Grandiose et magique, ce spectacle vogue sur notre imaginaire pour le conduire vers des plongées merveilleuses et nous fait poser un regard acerbe et touchant sur le sort des russes migrants, fuyant la Russie soviétique des années 1920.

La pièce de Mikhaïl Boulgakov, écrite à quatre reprises à partir de 1928, jamais jouée de son vivant, est composée de huit songes, huit séquences jouant de l’équilibre entre le réel et le fantastique. Macha Makeïeff s’en saisit et l’adapte avec maestria pour nous offrir une occasion manifeste de raconter avec chaleur et poésie des brides de souvenirs de son histoire familiale mêlées aux rêves éveillés du texte originel.

Dans cet univers onirique et saisissant, la démence et la passion se confondent, le courage et la dévotion aussi, l’émotion prévaut à la raison. Les militaires font la guerre comme d’autres font l’amour, les riches mentent autant qu’ils espèrent, les nouveaux pauvres se réfugient dans des croyances d’exil heureux. Le pouvoir brule les consciences et soumet par la peur celles et ceux qui l’empêchent. Les valeurs s’enflamment pour s’éteindre de leur impuissance. Il ne reste que la fuite !

Comme cette quête de partir pour sauver sa vie et trouver un autre bonheur se fait vaine pour certains ou au contraire rédemptrice pour d’autres. Une quête du bonheur, comme Alice, de l’autre côté du miroir, de l’autre côté de l’Europe, de l’autre côté du pouvoir. Il y a dans ce spectacle comme un conte de fées sans fées, remplacées par des illusions, une majestueuse fresque pathétique aux envolées épiques et aux atouts romanesques.

Parsemé de moments musicaux et chantés, l’histoire spectaculaire de la fuite de ces gens ainsi contée, bourgeois ou militaires, nous touche et nous enchante. Cette fuite vers un impossible retour semble se fondre dans la fuite des repères, celle des plaisirs anciens et celle des âmes perdues, jamais oubliées.

Macha Makeïeff signe ici un travail de fond et de forme qui saisit, tant la qualité artistique est plurielle, les talents rassemblés et les marques de beauté admirables. Les émules et les souvenirs de ce spectacle seront légion.

Cette adaptation de « LA FUITE ! » résonne comme une épopée captivante, drôle et émouvante qui nous enveloppe de multiples plaisirs délicieux et se montre superbement jouée. Un temps de théâtre mémorable.