Critiques pour l'événement Ciel rouge. Matin
16 oct. 2022
8,5/10
3
La forme est étonnante !
Une famille, la mère, le père et la fille se croisent sans se voir et ne se parlent pas. L’adresse est faite uniquement au public, comme s’ils avaient besoin de témoins à leur mal-être. C’est un appel au secours de la part de ces trois personnages englués dans un cercle vicieux, incapables de communiquer entre eux malgré leur envie et leurs piètres tentatives.

On espère jusqu’à la fin que le cadre va céder, qu’une brèche dans leur armure va s’ouvrir et que l’un d’entre eux va réussir à parler et à atteindre l’autre.

Mais c’est à nous qu’ils parlent, comme s’ils cherchaient à se justifier, comme s’ils avaient besoin de nous pour exister.
Cette pression qu’ils mettent sur nous en tant que témoins ne laisse pas insensible, comme si tout à coup nous avions une responsabilité dans leur malheur. Ces monologues qui pourraient mettre à distance englobent au contraire les spectateurs. Leurs appels à l’aide nous incluent dans leur histoire.

Aurore Kahan a traduit et mis en scène avec précision cette pièce écrite comme une partition par Tom Holloway, auteur australien. On se laisse embarquer par la musicalité du texte et le rythme très travaillé des trois excellents comédiens.

Le texte extrêmement bien construit mélange leurs paroles, leurs mots s’entrecroisent, se chevauchent se percutent sans jamais permettre aux protagonistes de se rencontrer.

C’est étonnamment à la fois terriblement bavard et silencieux, les acteurs sont centrés et la tension est palpable, la distance entre eux se creuse au fur et à mesure de la pièce.

La très jolie mise en lumière de Johanna Boyer-Dilollo et la scénographie épurée de Joffrey Roux renforcent leur isolement et appuient leurs propos.

C’est une pièce sur la solitude où l'incommunicabilité pervertit toute possibilité de relation.
Un drame sur une famille en grande souffrance.

Une pièce d'une grande intensité.