Critiques pour l'événement ARRÊTE AVEC TES MENSONGES
« Arrête avec tes mensonges » sur la scène de la salle Copi du théâtre la Tempête d’après le roman de Philippe Besson dans une adaptation et une mise en scène d’Angélique Clairand & Eric Massé est un coup de poing émotionnel sur une jeunesse en recherche de repères.
Dès la première scène nous plongeons dans l’univers de Philippe Besson avec virtuosité, un plongeon remarquable jusqu’à la dernière scène : j’avais l’impression d’assister à une lecture à voix haute de ce roman, qui m’avait particulièrement touché, par une distribution étincelante de vie, de courage, d’émotions, dans un jeu élégant, respectant la plume de l’auteur à la fois sensible, délicate et crue, sa sonorité, ponctuée par cette voix-off, fil conducteur de son roman.
Tout y est, Philippe Besson adulte, Philippe Besson adolescent, Thomas Andrieu son amour de jeunesse, lien essentiel de cette histoire, le fils de Thomas, Lucas et en introduction la journaliste, dans une alternance interprétée ce soir sous les traits d’un homme, Eric Massé.
Un récit qui n’est pas sans me rappeler la pièce « Un cœur sauvage » de Christophe Botti, au sujet de laquelle j’écrivais : « Faut-il renoncer à son identité pour se fondre dans le moule de cette société où le regard des autres peut être destructeur, ou combattre, l’accepter et la revendiquer ?
D’ailleurs pourquoi combattre ? N’oublions jamais les paroles d’Aznavour dans sa chanson « Comme ils disent » : « et je précise, que c’est bien la nature qui est seule responsable si je suis un homme, oh !, comme ils disent… ». »
En préambule à cette poignante histoire d’Amour, au détour d’une interview, Philippe livre quelques secrets qui l’ont amené à devenir écrivain, lui qui a découvert la littérature par le club des cinq. « Quand j’étais enfant, ma mère ne cessait de me répéter : « Arrête avec tes mensonges. » J’inventais si bien les histoires, paraît-il, qu’elle ne savait plus démêler le vrai du faux. J’ai fini par en faire un métier, je suis devenu romancier. »
Quand on lui pose la question qu’est-ce qu’un homosexuel, il répond : « c’est un homme comme un autre ».
Entre deux anecdotes, le regard de Philippe s’évade et croit reconnaître dans la silhouette d’un homme qui croise son regard, Thomas qu’il n’a pas revu depuis la fin de son adolescence. Ce passé qui resurgit telle une claque en pleine figure, ce passé avec ses joies, ses peines, ses douleurs, ce passé qu’il pensait avoir enfoui pour le reste de sa vie : un amour qui a fini par le rattraper.
Sous l’œil avisé de la caméra du journaliste, c’est le départ de cette folle aventure vécue intensément, passionnément, dans des allers-retours entre son adolescence et sa vie d’adulte. Dans un jeu subtil du passage d’une époque à une autre, d’un décor à un autre, sous le prisme d’un tulle où l’incrustation des vidéos de Vincent Boujon leur donnera un rythme impétueux.
Nous sommes en 1984, Philippe qui écoute à la radio « Radioscopie » de Jacques Chancel est un élève exemplaire, il a dix-sept ans, il sait qu’il n’aura plus jamais dix-sept ans, mais il ne sait pas que la jeunesse ne dure pas. Il est dans la cour de récréation d’un lycée à Barbezieux : « Ça n’existe pas, Barbezieux. ».
Et c’est la rencontre qui va bouleverser sa vie, celle avec Thomas Andrieu élève de terminale…Philippe qui se fait traiter régulièrement de « sale pédé » ou encore de « tapette ».
Evidemment que Philippe préfère les garçons mais il est incapable de le verbaliser. Des regards qui se croisent, des pensées qui se parlent, qui se repoussent, des gestes qui en attirent d’autres, des peaux qui se frôlent, et c’est l’étreinte qui finit par gagner les corps brûlant de désir.
Des étreintes secrètes dans cette province où il ne faut pas se faire remarquer, où il faut vivre caché, où l’homosexualité n’a pas droit de cité, avec Philippe fils d’instituteur et Thomas, fils de paysan.
Une jeunesse dans l’insouciance du sida, maladie qui en est au balbutiement de sa connaissance et qui fera des ravages dans la communauté, dans l’entourage de Philippe au début de sa vie d’adulte.
C’est aussi ponctué par des musiques de ces années quatre-vingt, mises en valeur par Bertrand Gaude, sur lesquelles Raphaël Defour, qui joue dans une ressemblance troublante Philippe Besson adulte, y déposera sa belle voix de rocker pour suggérer cette époque où les références de Philippe adolescent sont « L’homme blessé » de Patrice Chéreau ou encore « La femme d’à côté » de François Truffaut, quand Thomas lui est attiré par « Scarface » de Brian de Palma.
Une adolescence qui se nourrit de l’instant présent, de ses jeux d’insouciance, mais qui dans un moment de lucidité fait dire à Thomas cette phrase qui restera inoubliable pour Philippe : « parce que tu partiras et que nous resterons », lui le très bon élève promis à un bel avenir, loin de cette ville dont le quidam ne connaît pas le nom.
Et nous voilà transposés en 2007, dans la ville métamorphosée de Bordeaux, plus de vingt années se sont écoulées : Philippe est devenu écrivain.
Une signature dans une librairie l’amène à rencontrer cette silhouette du début, la ressemblance avec Thomas est telle qu’il en reste paralysé. Il ne s’est pas trompé, sauf sur le nom, c’est Lucas qui se dresse devant lui avec son œil volontaire, le fils de Thomas…
Un Lucas conscient de ce trouble qui lui fait dire : « vous avez dû l’aimer beaucoup, pour me regarder comme ça. »
Ce passé qui resurgit les conduit à évoquer leurs chemins de vie et dans une scène finale des plus émouvantes où Lucas lui donne la lettre que son père n’a jamais osé poster à Philippe : un Thomas « qui n’a pas cédé à l’Amour », lui qui « se sera caché toute sa vie, mutilé toute sa vie ».
Une conclusion de Philippe qui fait écho encore de nos jours et encore pour longtemps dans cette société où l’homophobie ne régresse pas : « ceux qui n’ont pas franchi le pas, qui ne se sont pas mis en accord avec leur nature profonde, ne sont pas forcément des effrayés, ils sont peut-être des désemparés, des désorientés ; perdus comme on l’est au milieu d’une forêt trop vaste ou trop dense ou trop sombre. »
Une adaptation et une mise en scène riche et fluide à la fois d’Angélique Clairand et Eric Massé, soulignée par le jeu raffiné des lumières de Juliette Romens, donne un éclat vivifiant à cette histoire portée magistralement par les jeux éclairés d’Etienne Galharague, Philippe adolescent et Mariochka, Thomas & Lucas.
Ils nous font passer du rire à l’émotion, à la tendresse dans un tourbillon d’humour qui fait énormément de bien avec la participation judicieuse d’Anna Walkenhorst.
Dès la première scène nous plongeons dans l’univers de Philippe Besson avec virtuosité, un plongeon remarquable jusqu’à la dernière scène : j’avais l’impression d’assister à une lecture à voix haute de ce roman, qui m’avait particulièrement touché, par une distribution étincelante de vie, de courage, d’émotions, dans un jeu élégant, respectant la plume de l’auteur à la fois sensible, délicate et crue, sa sonorité, ponctuée par cette voix-off, fil conducteur de son roman.
Tout y est, Philippe Besson adulte, Philippe Besson adolescent, Thomas Andrieu son amour de jeunesse, lien essentiel de cette histoire, le fils de Thomas, Lucas et en introduction la journaliste, dans une alternance interprétée ce soir sous les traits d’un homme, Eric Massé.
Un récit qui n’est pas sans me rappeler la pièce « Un cœur sauvage » de Christophe Botti, au sujet de laquelle j’écrivais : « Faut-il renoncer à son identité pour se fondre dans le moule de cette société où le regard des autres peut être destructeur, ou combattre, l’accepter et la revendiquer ?
D’ailleurs pourquoi combattre ? N’oublions jamais les paroles d’Aznavour dans sa chanson « Comme ils disent » : « et je précise, que c’est bien la nature qui est seule responsable si je suis un homme, oh !, comme ils disent… ». »
En préambule à cette poignante histoire d’Amour, au détour d’une interview, Philippe livre quelques secrets qui l’ont amené à devenir écrivain, lui qui a découvert la littérature par le club des cinq. « Quand j’étais enfant, ma mère ne cessait de me répéter : « Arrête avec tes mensonges. » J’inventais si bien les histoires, paraît-il, qu’elle ne savait plus démêler le vrai du faux. J’ai fini par en faire un métier, je suis devenu romancier. »
Quand on lui pose la question qu’est-ce qu’un homosexuel, il répond : « c’est un homme comme un autre ».
Entre deux anecdotes, le regard de Philippe s’évade et croit reconnaître dans la silhouette d’un homme qui croise son regard, Thomas qu’il n’a pas revu depuis la fin de son adolescence. Ce passé qui resurgit telle une claque en pleine figure, ce passé avec ses joies, ses peines, ses douleurs, ce passé qu’il pensait avoir enfoui pour le reste de sa vie : un amour qui a fini par le rattraper.
Sous l’œil avisé de la caméra du journaliste, c’est le départ de cette folle aventure vécue intensément, passionnément, dans des allers-retours entre son adolescence et sa vie d’adulte. Dans un jeu subtil du passage d’une époque à une autre, d’un décor à un autre, sous le prisme d’un tulle où l’incrustation des vidéos de Vincent Boujon leur donnera un rythme impétueux.
Nous sommes en 1984, Philippe qui écoute à la radio « Radioscopie » de Jacques Chancel est un élève exemplaire, il a dix-sept ans, il sait qu’il n’aura plus jamais dix-sept ans, mais il ne sait pas que la jeunesse ne dure pas. Il est dans la cour de récréation d’un lycée à Barbezieux : « Ça n’existe pas, Barbezieux. ».
Et c’est la rencontre qui va bouleverser sa vie, celle avec Thomas Andrieu élève de terminale…Philippe qui se fait traiter régulièrement de « sale pédé » ou encore de « tapette ».
Evidemment que Philippe préfère les garçons mais il est incapable de le verbaliser. Des regards qui se croisent, des pensées qui se parlent, qui se repoussent, des gestes qui en attirent d’autres, des peaux qui se frôlent, et c’est l’étreinte qui finit par gagner les corps brûlant de désir.
Des étreintes secrètes dans cette province où il ne faut pas se faire remarquer, où il faut vivre caché, où l’homosexualité n’a pas droit de cité, avec Philippe fils d’instituteur et Thomas, fils de paysan.
Une jeunesse dans l’insouciance du sida, maladie qui en est au balbutiement de sa connaissance et qui fera des ravages dans la communauté, dans l’entourage de Philippe au début de sa vie d’adulte.
C’est aussi ponctué par des musiques de ces années quatre-vingt, mises en valeur par Bertrand Gaude, sur lesquelles Raphaël Defour, qui joue dans une ressemblance troublante Philippe Besson adulte, y déposera sa belle voix de rocker pour suggérer cette époque où les références de Philippe adolescent sont « L’homme blessé » de Patrice Chéreau ou encore « La femme d’à côté » de François Truffaut, quand Thomas lui est attiré par « Scarface » de Brian de Palma.
Une adolescence qui se nourrit de l’instant présent, de ses jeux d’insouciance, mais qui dans un moment de lucidité fait dire à Thomas cette phrase qui restera inoubliable pour Philippe : « parce que tu partiras et que nous resterons », lui le très bon élève promis à un bel avenir, loin de cette ville dont le quidam ne connaît pas le nom.
Et nous voilà transposés en 2007, dans la ville métamorphosée de Bordeaux, plus de vingt années se sont écoulées : Philippe est devenu écrivain.
Une signature dans une librairie l’amène à rencontrer cette silhouette du début, la ressemblance avec Thomas est telle qu’il en reste paralysé. Il ne s’est pas trompé, sauf sur le nom, c’est Lucas qui se dresse devant lui avec son œil volontaire, le fils de Thomas…
Un Lucas conscient de ce trouble qui lui fait dire : « vous avez dû l’aimer beaucoup, pour me regarder comme ça. »
Ce passé qui resurgit les conduit à évoquer leurs chemins de vie et dans une scène finale des plus émouvantes où Lucas lui donne la lettre que son père n’a jamais osé poster à Philippe : un Thomas « qui n’a pas cédé à l’Amour », lui qui « se sera caché toute sa vie, mutilé toute sa vie ».
Une conclusion de Philippe qui fait écho encore de nos jours et encore pour longtemps dans cette société où l’homophobie ne régresse pas : « ceux qui n’ont pas franchi le pas, qui ne se sont pas mis en accord avec leur nature profonde, ne sont pas forcément des effrayés, ils sont peut-être des désemparés, des désorientés ; perdus comme on l’est au milieu d’une forêt trop vaste ou trop dense ou trop sombre. »
Une adaptation et une mise en scène riche et fluide à la fois d’Angélique Clairand et Eric Massé, soulignée par le jeu raffiné des lumières de Juliette Romens, donne un éclat vivifiant à cette histoire portée magistralement par les jeux éclairés d’Etienne Galharague, Philippe adolescent et Mariochka, Thomas & Lucas.
Ils nous font passer du rire à l’émotion, à la tendresse dans un tourbillon d’humour qui fait énormément de bien avec la participation judicieuse d’Anna Walkenhorst.
La pièce démarre à l’instant où l’auteur, écrivain connu et reconnu, croise par hasard le fils de son amour de jeunesse. L’aventure des deux amants nous est contée à deux voix, celle du Philippe d’antan et celle du Philippe d’aujourd’hui, joués par deux acteurs différents. C’est la vision de l’homme de quarante ans avec toute sa maturité et son recul confrontée à celle pleine de corps, de désir et de naïveté de celui qu’il était à 17 ans.
C’est un retour sur les années sida, sur fond de musique des années 80 dans une campagne ou être homo est encore impossible.
Dans un environnement qui le permet peu ou même pas du tout, c’est la découverte pour 2 jeunes garçons de leur homosexualité. Comment gérer ce désir des autres hommes dans un milieu social et familial ou être « pédé » est inconcevable. Dans ce lieu de préjugés, d’agressions, d’injures envers ces personnes différentes qui osent s’afficher, doit-on s’accepter ? se cacher ? ou encore fuir ? Deux garçons, deux choix, deux destins. Le récit de cet amour impossible est poignant.
Cette adaptation du roman autobiographique de Philippe Besson est réussie. Les vidéos apportent onirisme et fantasme tandis que les scènes dans le passé, très réalistes et concrètes, sont remplies de références de l’époque. Les comédiens incarnent avec justesse leur personnage et l’on suit avec intérêt l’amour de ces deux hommes aux destins si différents.
Une pièce très intéressante.
C’est un retour sur les années sida, sur fond de musique des années 80 dans une campagne ou être homo est encore impossible.
Dans un environnement qui le permet peu ou même pas du tout, c’est la découverte pour 2 jeunes garçons de leur homosexualité. Comment gérer ce désir des autres hommes dans un milieu social et familial ou être « pédé » est inconcevable. Dans ce lieu de préjugés, d’agressions, d’injures envers ces personnes différentes qui osent s’afficher, doit-on s’accepter ? se cacher ? ou encore fuir ? Deux garçons, deux choix, deux destins. Le récit de cet amour impossible est poignant.
Cette adaptation du roman autobiographique de Philippe Besson est réussie. Les vidéos apportent onirisme et fantasme tandis que les scènes dans le passé, très réalistes et concrètes, sont remplies de références de l’époque. Les comédiens incarnent avec justesse leur personnage et l’on suit avec intérêt l’amour de ces deux hommes aux destins si différents.
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