Ses critiques
1005 critiques
9/10
Elisez-moi !
Elysée eux !
Eux, ce sont Evelyne, Pierre-Marie et Capucin, conseillers du Président de la République depuis 55 années au Château de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Oui, oui, vous avez bien lu ! 55 ans !
Des archétypes d’énarques passés également par Sciences-Po, comme il se doit, et qui ont élevé le conseil auprès du premier personnage de l’État au rang d’art de vivre.
Des hauts-fonctionnaires qui vont nous faire vivre de l’intérieur les heurs, bonheurs et malheurs confondus, de la cinquième République.
Une façon de nous faire réviser notre Histoire contemporaine par le filtre de l’humour, mais également par le prisme d’une vision très saine de la relation qu’ont ces hommes politiques vis-à-vis du pouvoir, et ce, quelle que soit leur étiquette.
Telle est la formidable idée de départ de cette pièce écrite, mise en scène et interprétée par Stéphane Olivié-Bisson et David Salles. Delphine Baril interprétant le personnage d’Evelyne, sorte de Dir-Cab omniprésente.
C’est d’ailleurs elle qui pénètre dans la salle, après que Charles Trénet avec sa chanson éponyme et Serge Gainsbourg avec sa version reggae de la Marseillaise se soient tus, c’est elle qui pénètre dans la salle, donc, pour nous faire visiter l’Elysée lors d’une journée du patrimoine.
Durant une heure et quarante cinq minutes, nous voici au milieu des ors de la République (un coup de chapeau appuyé à Angélo Zamparutti, qui signe la belle et très efficace scénographie).
Stéphane Olivié-Bisson et David Salles vont nous faire revivre avec énormément d’humour les grands événements politiques français survenus depuis l’année 1966, ce qui ne nous rajeunit pas.
Oui, nous allons beaucoup rire. Un rire sain, pas du tout populiste.
Les deux compères ont réalisé un très important travail de recherches d’archives, dont beaucoup de photos et de documents video, qui sont projetés au lointain, en plus du portrait des présidents successifs de la Vème.
Avec souvent un décalage entre les déclarations et les faits. Un décalage qui bien entendu provoque l’hilarité.
Mais ne nous y trompons pas.
Pour concevoir un tel spectacle, il faut avoir une sacrée connaissance de son Histoire et de la chose politique !
Ce à quoi nous assistons est très pédagogique.
Hier soir, de jeunes spectateurs sont sortis de la salle en ayant fait bien des découvertes.
Des spectateurs plus âgés ont quant à eux bien révisé, certains avouant qu’ils avaient complètement oublié telle ou telle affaire…
Pédagogie hilarante souvent, comme par exemple lorsque David Salles nous explique à grand renfort de gestes la théorie du ruissellement… Vous n’en saurez évidemment pas plus.
C’est grandiose !
(J’ai particulièrement aimé la réponse faite à ceux qui postulent que finalement, « le Front National, on ne l’a pas encore essayé »… Bravo, Messieurs ! Et je n’en dis pas plus...)
La comédienne et les deux comédiens ne ménagent pas leur peine.
On ressent très vite leur vis comica, grâce notamment à un texte souvent jouissif, avec des formules à l’emporte-pièce qui font mouche à tous les coups.
Je vous raconterais bien celle qui concerne les mensonges de Jacques Chirac, mais ce serait déflorer un formidable effet comique.
Pour marquer le temps qui passe, MM Salles et Olivié-Bisson ont eu recours à de nombreux changements de costumes, mais également de perruques, ce qui provoque également beaucoup de rires.
Un accessoire figure également le déroulement temporel : les téléphones. Les conseillers du Château, ceux que le Patron appelle en permanence…
Là encore, voici un excellent travail de recherche.
Et nous de retrouver les affaires de la Vème : la Françafrique, l’affaire Robert Boulin, le SAC, le Rainbow-Warrior, l’affaire Bousquet, la séquence Khadafi, j’en passe et non des moindres.
Et nous de nous souvenir des «grands » hommes gravitant dans ces hautes sphères : Charles Pasqua, Jacques Foccart, La famille Balkany, MM Strauss-Kahn, Cahuzac, De Rugy et consorts…
Des moments chorégraphiés sont eux aussi hilarants et très réussis, comme notamment ces scènes symbolisant l’arrivée au pouvoir de Georges Pompidou ou de Nicolas Sarkozy.
Il me faut également mentionner le remarquable travail d’Adrien Beccaria et Thibault Delage en matière de création sonore. C’est aussi un spectacle qui doit s’écouter attentivement.
La dernière partie provoquant nombre de fou-rires dans la salle conclut magistralement la pièce, avec la France transformée en Start-up Nation, et la gestion calamiteuse de la pandémie…
Ce spectacle est de ceux qui se dégustent avec délectation et sans modération aucune.
Les cent-cinq minutes de cette épatante réussite théâtrale passent décidément trop vite.
On apprend, on révise, on revoit, on revit, on retrouve, on se souvient, et surtout, surtout, on rit. Enormément…
C’est un vrai bonheur !
Mais au fait, dans cinq ans, la pièce pourra durer un peu plus longtemps, non ?
Elysée eux !
Eux, ce sont Evelyne, Pierre-Marie et Capucin, conseillers du Président de la République depuis 55 années au Château de la rue du Faubourg Saint-Honoré.
Oui, oui, vous avez bien lu ! 55 ans !
Des archétypes d’énarques passés également par Sciences-Po, comme il se doit, et qui ont élevé le conseil auprès du premier personnage de l’État au rang d’art de vivre.
Des hauts-fonctionnaires qui vont nous faire vivre de l’intérieur les heurs, bonheurs et malheurs confondus, de la cinquième République.
Une façon de nous faire réviser notre Histoire contemporaine par le filtre de l’humour, mais également par le prisme d’une vision très saine de la relation qu’ont ces hommes politiques vis-à-vis du pouvoir, et ce, quelle que soit leur étiquette.
Telle est la formidable idée de départ de cette pièce écrite, mise en scène et interprétée par Stéphane Olivié-Bisson et David Salles. Delphine Baril interprétant le personnage d’Evelyne, sorte de Dir-Cab omniprésente.
C’est d’ailleurs elle qui pénètre dans la salle, après que Charles Trénet avec sa chanson éponyme et Serge Gainsbourg avec sa version reggae de la Marseillaise se soient tus, c’est elle qui pénètre dans la salle, donc, pour nous faire visiter l’Elysée lors d’une journée du patrimoine.
Durant une heure et quarante cinq minutes, nous voici au milieu des ors de la République (un coup de chapeau appuyé à Angélo Zamparutti, qui signe la belle et très efficace scénographie).
Stéphane Olivié-Bisson et David Salles vont nous faire revivre avec énormément d’humour les grands événements politiques français survenus depuis l’année 1966, ce qui ne nous rajeunit pas.
Oui, nous allons beaucoup rire. Un rire sain, pas du tout populiste.
Les deux compères ont réalisé un très important travail de recherches d’archives, dont beaucoup de photos et de documents video, qui sont projetés au lointain, en plus du portrait des présidents successifs de la Vème.
Avec souvent un décalage entre les déclarations et les faits. Un décalage qui bien entendu provoque l’hilarité.
Mais ne nous y trompons pas.
Pour concevoir un tel spectacle, il faut avoir une sacrée connaissance de son Histoire et de la chose politique !
Ce à quoi nous assistons est très pédagogique.
Hier soir, de jeunes spectateurs sont sortis de la salle en ayant fait bien des découvertes.
Des spectateurs plus âgés ont quant à eux bien révisé, certains avouant qu’ils avaient complètement oublié telle ou telle affaire…
Pédagogie hilarante souvent, comme par exemple lorsque David Salles nous explique à grand renfort de gestes la théorie du ruissellement… Vous n’en saurez évidemment pas plus.
C’est grandiose !
(J’ai particulièrement aimé la réponse faite à ceux qui postulent que finalement, « le Front National, on ne l’a pas encore essayé »… Bravo, Messieurs ! Et je n’en dis pas plus...)
La comédienne et les deux comédiens ne ménagent pas leur peine.
On ressent très vite leur vis comica, grâce notamment à un texte souvent jouissif, avec des formules à l’emporte-pièce qui font mouche à tous les coups.
Je vous raconterais bien celle qui concerne les mensonges de Jacques Chirac, mais ce serait déflorer un formidable effet comique.
Pour marquer le temps qui passe, MM Salles et Olivié-Bisson ont eu recours à de nombreux changements de costumes, mais également de perruques, ce qui provoque également beaucoup de rires.
Un accessoire figure également le déroulement temporel : les téléphones. Les conseillers du Château, ceux que le Patron appelle en permanence…
Là encore, voici un excellent travail de recherche.
Et nous de retrouver les affaires de la Vème : la Françafrique, l’affaire Robert Boulin, le SAC, le Rainbow-Warrior, l’affaire Bousquet, la séquence Khadafi, j’en passe et non des moindres.
Et nous de nous souvenir des «grands » hommes gravitant dans ces hautes sphères : Charles Pasqua, Jacques Foccart, La famille Balkany, MM Strauss-Kahn, Cahuzac, De Rugy et consorts…
Des moments chorégraphiés sont eux aussi hilarants et très réussis, comme notamment ces scènes symbolisant l’arrivée au pouvoir de Georges Pompidou ou de Nicolas Sarkozy.
Il me faut également mentionner le remarquable travail d’Adrien Beccaria et Thibault Delage en matière de création sonore. C’est aussi un spectacle qui doit s’écouter attentivement.
La dernière partie provoquant nombre de fou-rires dans la salle conclut magistralement la pièce, avec la France transformée en Start-up Nation, et la gestion calamiteuse de la pandémie…
Ce spectacle est de ceux qui se dégustent avec délectation et sans modération aucune.
Les cent-cinq minutes de cette épatante réussite théâtrale passent décidément trop vite.
On apprend, on révise, on revoit, on revit, on retrouve, on se souvient, et surtout, surtout, on rit. Enormément…
C’est un vrai bonheur !
Mais au fait, dans cinq ans, la pièce pourra durer un peu plus longtemps, non ?
9,5/10
« L’éternité, c’est long, surtout vers la fin ! », postulait naguère Woody Allen.
A y bien réfléchir, cette boutade nous pose un problème qui depuis des millénaires hante le genre humain : notre perception du temps et ses différentes appréhensions culturelles, sociales et scientifiques.
C’est ce temps et ses affres qui constituent le substrat de cette nouvelle création de la compagnie 14:20. Le temps qui va être matière à un fascinant spectacle, mis en scène par Clément Debailleul, Æon, la nuit des temps.
Æon, ce mot grec qui signifiait au commencement « vie », « être »
Æon, l’une des trois divinités, avec Chronos et Kaïros. Æon, le dieu de l’éternité, justement.
Les fidèles lecteurs de ce site le savent bien : je suis un fan absolu de cette compagnie pas comme les autres, « spécialisée » dans ce concept de magie nouvelle développé par Clément Debailleul, Valentine Losseau et Raphaël Navarro.
Je vous rappelle mes émerveillements successifs pour ce Faust, à la Comédie française, ou encore La veilleuse, ici-même au 104.
Æon, ce spectacle actuel mêle magie nouvelle et sciences pour nous proposer de nous confronter à une merveilleuse esthétique du temps.
Je pèse cet épithète « merveilleuse ». Ce que nous allons voir relève véritablement du merveilleux.
Magie, physique, neurosciences, psychologie cognitive, chronobiologie vont agir en symbiose, de façon totalement complémentaire, au service d’un lemme qui relie Platon, Newton et Einstein : le temps n’est qu’apparence, le temps n’est pas ce que l’on croit, le temps vécu n’est pas celui que l’on pense vivre.
D’autant que la perception de ce temps peut être différente selon les individus.
Pour permettre à cette pièce chorégraphique d’exister, le metteur en scène Clément Debailleul a travaillé avec Alice Guyon, enseignant-chercheur pendant 10 ans à l’Université Paris 6 puis chercheur Nice Sophia Antipolis.
Elle occupe actuellement un poste de directeur de recherches au CNRS. Elle est spécialisée dans les interactions entre cerveau et système immunitaire.
C’est une voix qui résonne une fois la salle et le plateau plongés dans le noir.
Celle de Michel Siffre, ce spéléologue qui passa volontairement plusieurs séjours au fond de gouffres, sans lumière, sans repères temporels, pour étudier les mécanismes sensoriels et perceptifs qui découlent de ces privations.
Sans ces repères temporels, nous dira-t-il, la conscience est modifiée.
Le gouffre, la caverne et son mythe.
C’est ce que nous découvrons sur scène. Un lointain étrange, fait d’un mur évoquant des pierres étranges, des roches mystérieuses.
Et puis, il paraît, dans une semi-obscurité. Le danseur et chorégraphe Aragorn Boulanger.
En grosse chemise à carreaux.
Il n’est pas seul. La mère, la génitrice est là. Comme un premier symbole de ce temps.
Ce que va nous montrer (ou pas) Aragorn Boulanger va nous sidérer, nous émerveiller, nous désorienter complètement.
Notre cerveau va se faire piéger en permanence.
Nous allons être forcés à reconsidérer notre système de perception, notre capacité à être certains de ce que l’on voit et l’on ressent.
La lumière va jouer un grand rôle.
Cette petite ampoule qui descend des cintres, tout d’abord, et que le danseur va mettre en mouvement, nous désorientant une première fois.
La lumière qui va éclairer pendant de nombreuses périodes successives d’une à deux secondes le plateau.
Durant ces petits temps lumineux, Aragorn Boulanger bouge. Le noir revenu, nous imaginons durant le même temps très court la suite de son mouvement. Et pourtant, les projecteurs rallumés, nous ne voyons pas ce que notre cerveau avait prévu d’anticiper. Et tout recommence.
C’est à chaque fois phénoménal et époustouflant.
C’est également d’une beauté stupéfiante.
Il s’élève dans les airs, également, marchant sur cette étrange paroi. Est-ce bien réel, notre cerveau est-il une nouvelle fois pris au piège ?
Et d’ailleurs, cette paroi, est-elle immobile, ou évolue-t-elle, imperceptiblement mais sûrement ?
Et ce grand cercle étrange qui descend des cintres, a-t-il un rapport avec ces ombres projetées, changeantes et en mouvement, alors que le corps du danseur avance devant nous ?
Durant une heure et quart, nous sommes amenés à remettre en permanence en cause notre conception de la réalité.
Nous ne sommes jamais certains de ce que nous voyons ou croyons voir.
Ce magnifique spectacle d’un point de vue formel est de ceux qui vous font profondément douter.
On ressort de la salle complètement ébranlés dans nos certitudes. Comme désorientés.
Qu’est-ce que j’ai vraiment vu ?
A quoi ai-je vraiment assisté ?
Aurais-je été trompé en permanence, et ce, pour mon plus grand plaisir ?
Ne manquez pas cet Æon, fascinant, onirique et mystérieux !
A y bien réfléchir, cette boutade nous pose un problème qui depuis des millénaires hante le genre humain : notre perception du temps et ses différentes appréhensions culturelles, sociales et scientifiques.
C’est ce temps et ses affres qui constituent le substrat de cette nouvelle création de la compagnie 14:20. Le temps qui va être matière à un fascinant spectacle, mis en scène par Clément Debailleul, Æon, la nuit des temps.
Æon, ce mot grec qui signifiait au commencement « vie », « être »
Æon, l’une des trois divinités, avec Chronos et Kaïros. Æon, le dieu de l’éternité, justement.
Les fidèles lecteurs de ce site le savent bien : je suis un fan absolu de cette compagnie pas comme les autres, « spécialisée » dans ce concept de magie nouvelle développé par Clément Debailleul, Valentine Losseau et Raphaël Navarro.
Je vous rappelle mes émerveillements successifs pour ce Faust, à la Comédie française, ou encore La veilleuse, ici-même au 104.
Æon, ce spectacle actuel mêle magie nouvelle et sciences pour nous proposer de nous confronter à une merveilleuse esthétique du temps.
Je pèse cet épithète « merveilleuse ». Ce que nous allons voir relève véritablement du merveilleux.
Magie, physique, neurosciences, psychologie cognitive, chronobiologie vont agir en symbiose, de façon totalement complémentaire, au service d’un lemme qui relie Platon, Newton et Einstein : le temps n’est qu’apparence, le temps n’est pas ce que l’on croit, le temps vécu n’est pas celui que l’on pense vivre.
D’autant que la perception de ce temps peut être différente selon les individus.
Pour permettre à cette pièce chorégraphique d’exister, le metteur en scène Clément Debailleul a travaillé avec Alice Guyon, enseignant-chercheur pendant 10 ans à l’Université Paris 6 puis chercheur Nice Sophia Antipolis.
Elle occupe actuellement un poste de directeur de recherches au CNRS. Elle est spécialisée dans les interactions entre cerveau et système immunitaire.
C’est une voix qui résonne une fois la salle et le plateau plongés dans le noir.
Celle de Michel Siffre, ce spéléologue qui passa volontairement plusieurs séjours au fond de gouffres, sans lumière, sans repères temporels, pour étudier les mécanismes sensoriels et perceptifs qui découlent de ces privations.
Sans ces repères temporels, nous dira-t-il, la conscience est modifiée.
Le gouffre, la caverne et son mythe.
C’est ce que nous découvrons sur scène. Un lointain étrange, fait d’un mur évoquant des pierres étranges, des roches mystérieuses.
Et puis, il paraît, dans une semi-obscurité. Le danseur et chorégraphe Aragorn Boulanger.
En grosse chemise à carreaux.
Il n’est pas seul. La mère, la génitrice est là. Comme un premier symbole de ce temps.
Ce que va nous montrer (ou pas) Aragorn Boulanger va nous sidérer, nous émerveiller, nous désorienter complètement.
Notre cerveau va se faire piéger en permanence.
Nous allons être forcés à reconsidérer notre système de perception, notre capacité à être certains de ce que l’on voit et l’on ressent.
La lumière va jouer un grand rôle.
Cette petite ampoule qui descend des cintres, tout d’abord, et que le danseur va mettre en mouvement, nous désorientant une première fois.
La lumière qui va éclairer pendant de nombreuses périodes successives d’une à deux secondes le plateau.
Durant ces petits temps lumineux, Aragorn Boulanger bouge. Le noir revenu, nous imaginons durant le même temps très court la suite de son mouvement. Et pourtant, les projecteurs rallumés, nous ne voyons pas ce que notre cerveau avait prévu d’anticiper. Et tout recommence.
C’est à chaque fois phénoménal et époustouflant.
C’est également d’une beauté stupéfiante.
Il s’élève dans les airs, également, marchant sur cette étrange paroi. Est-ce bien réel, notre cerveau est-il une nouvelle fois pris au piège ?
Et d’ailleurs, cette paroi, est-elle immobile, ou évolue-t-elle, imperceptiblement mais sûrement ?
Et ce grand cercle étrange qui descend des cintres, a-t-il un rapport avec ces ombres projetées, changeantes et en mouvement, alors que le corps du danseur avance devant nous ?
Durant une heure et quart, nous sommes amenés à remettre en permanence en cause notre conception de la réalité.
Nous ne sommes jamais certains de ce que nous voyons ou croyons voir.
Ce magnifique spectacle d’un point de vue formel est de ceux qui vous font profondément douter.
On ressort de la salle complètement ébranlés dans nos certitudes. Comme désorientés.
Qu’est-ce que j’ai vraiment vu ?
A quoi ai-je vraiment assisté ?
Aurais-je été trompé en permanence, et ce, pour mon plus grand plaisir ?
Ne manquez pas cet Æon, fascinant, onirique et mystérieux !
9/10
Une partie de cartes, sans aucune tricherie…
Varsovie. De nos jours.
Blanche est l’épouse de Renaud, attaché d’ambassade.
En se promenant dans les rues de la capitale polonaise, ses pas la mènent dans une synagogue, une des rares qui n’aient pas été détruites.
Elle y découvre une série de photos du temps du ghetto.
Au grand étonnement de son mari, elle va entreprendre de tracer la carte de ce qui fut le plus important ghetto juif durant la seconde guerre mondiale. L'antichambre de l'enfer...
Varsovie. 1940.
Un cartographe âgé, au terme de sa vie, demande à sa petite fille de dresser la carte de ce ghetto, là où « L’homme chasse l’homme ».
Il n’a plus la force de réaliser lui-même cet important travail.
Dans cette pièce, le dramaturge espagnol Juan Mayorga nous parle de mémoire.
Comment la trace écrite participe à graver sur le papier la réalité tragique d’un des moments les plus horribles de l’histoire de l’humanité.
Comment les cartes géographiques permettent de fixer ce qui s’est passé.
Les deux époques vont se rejoindre par le biais d’un autre personnage important que nous allons retrouver à différentes époques de sa vie.
Déborah est elle-même cartographe, aux prises avec l’administration polonaise, qui a tout intérêt, elle, à minimiser cet épisode malheureux de son histoire.
Les gouvernements polonais n’ont jamais été très clairs (c’est un euphémisme) quant à l’implication du pays dans la Shoah.
J’en profite pour rappeler (c’est une expérience vécue) que vous ne pouvez pas visiter ce qui reste du camp d’Auschwitz sans un guide officiel polonais, qui vous délivre un discours « officiel » et formaté. Et je referme ma parenthèse.
Ce faisant, l’auteur nous propose une passionnante réflexion concernant la transmission mémorielle, à travers le travail de ceux qui cherchent à fixer sur le papier nos lieux de vie.
Avec un très intéressant questionnement concernant les cartes géographiques et surtout géopolitiques.
Et notamment une importante question que pose le vieil homme : « Qu’est-ce que nous voulons qu’ils voient ? »
On notera au passage que cette question pourrait également s’appliquer au théâtre : qu’est-ce qu’un metteur en scène veut que les spectateurs voient ?
Une question essentielle…
Hervé Petit, habitué au théâtre ibérique, met en scène avec une réelle intensité dramatique cette pièce. (Il a déjà monté Lope de Vega, Josep M. Benet i Jornet, Calderon ou encore Garcia Lorca.)
Il fait évoluer ses comédiens dans une scénographie minimaliste, faite de deux grands panneaux gris anthracite du plus bel effet, qui se marient admirablement bien avec les pierres et les tommettes du théâtre de l’Opprimé.
Des comédiens qui joueront à la fois devant et parfois derrière ces panneaux.
Parfois, nous les entendons dire le texte alors que nous ne les voyons pas.
Ce parti-pris est très réussi.
Mayorga a construit sa pièce sur un grand nombre de duos.
Ici, Hervé Petit nous les montre de façon passionnante et très intense, dans une succession de scènes séparées par de nombreux noirs-plateau.
Grâce à des intertitres temporels projetés sur le panne le plus proche du public, nous ne sommes jamais perdus. Nous savons exactement dans quelle époque nous nous trouvons.
On sent une manifeste et vraie complicité entre tous les membres de la compagnie La Traverse.
Une cohérence de tous les instants émane de cette entreprise artistique.
Une réelle tension nous saisit immédiatement.
Nous sommes véritablement absorbés par ce qui nous est raconté.
Une magnifique scène m’a beaucoup touché : celle où est matérialisé le tracé du ghetto. Je n’en dis pas plus.
Voici donc un très beau moment de théâtre totalement maîtrisé tant sur la forme que sur le fond.
Une création de cette pièce en France, qui repose sur une intensité de tous les instants.
C’est une belle et vraie réussite.
Varsovie. De nos jours.
Blanche est l’épouse de Renaud, attaché d’ambassade.
En se promenant dans les rues de la capitale polonaise, ses pas la mènent dans une synagogue, une des rares qui n’aient pas été détruites.
Elle y découvre une série de photos du temps du ghetto.
Au grand étonnement de son mari, elle va entreprendre de tracer la carte de ce qui fut le plus important ghetto juif durant la seconde guerre mondiale. L'antichambre de l'enfer...
Varsovie. 1940.
Un cartographe âgé, au terme de sa vie, demande à sa petite fille de dresser la carte de ce ghetto, là où « L’homme chasse l’homme ».
Il n’a plus la force de réaliser lui-même cet important travail.
Dans cette pièce, le dramaturge espagnol Juan Mayorga nous parle de mémoire.
Comment la trace écrite participe à graver sur le papier la réalité tragique d’un des moments les plus horribles de l’histoire de l’humanité.
Comment les cartes géographiques permettent de fixer ce qui s’est passé.
Les deux époques vont se rejoindre par le biais d’un autre personnage important que nous allons retrouver à différentes époques de sa vie.
Déborah est elle-même cartographe, aux prises avec l’administration polonaise, qui a tout intérêt, elle, à minimiser cet épisode malheureux de son histoire.
Les gouvernements polonais n’ont jamais été très clairs (c’est un euphémisme) quant à l’implication du pays dans la Shoah.
J’en profite pour rappeler (c’est une expérience vécue) que vous ne pouvez pas visiter ce qui reste du camp d’Auschwitz sans un guide officiel polonais, qui vous délivre un discours « officiel » et formaté. Et je referme ma parenthèse.
Ce faisant, l’auteur nous propose une passionnante réflexion concernant la transmission mémorielle, à travers le travail de ceux qui cherchent à fixer sur le papier nos lieux de vie.
Avec un très intéressant questionnement concernant les cartes géographiques et surtout géopolitiques.
Et notamment une importante question que pose le vieil homme : « Qu’est-ce que nous voulons qu’ils voient ? »
On notera au passage que cette question pourrait également s’appliquer au théâtre : qu’est-ce qu’un metteur en scène veut que les spectateurs voient ?
Une question essentielle…
Hervé Petit, habitué au théâtre ibérique, met en scène avec une réelle intensité dramatique cette pièce. (Il a déjà monté Lope de Vega, Josep M. Benet i Jornet, Calderon ou encore Garcia Lorca.)
Il fait évoluer ses comédiens dans une scénographie minimaliste, faite de deux grands panneaux gris anthracite du plus bel effet, qui se marient admirablement bien avec les pierres et les tommettes du théâtre de l’Opprimé.
Des comédiens qui joueront à la fois devant et parfois derrière ces panneaux.
Parfois, nous les entendons dire le texte alors que nous ne les voyons pas.
Ce parti-pris est très réussi.
Mayorga a construit sa pièce sur un grand nombre de duos.
Ici, Hervé Petit nous les montre de façon passionnante et très intense, dans une succession de scènes séparées par de nombreux noirs-plateau.
Grâce à des intertitres temporels projetés sur le panne le plus proche du public, nous ne sommes jamais perdus. Nous savons exactement dans quelle époque nous nous trouvons.
On sent une manifeste et vraie complicité entre tous les membres de la compagnie La Traverse.
Une cohérence de tous les instants émane de cette entreprise artistique.
Une réelle tension nous saisit immédiatement.
Nous sommes véritablement absorbés par ce qui nous est raconté.
Une magnifique scène m’a beaucoup touché : celle où est matérialisé le tracé du ghetto. Je n’en dis pas plus.
Voici donc un très beau moment de théâtre totalement maîtrisé tant sur la forme que sur le fond.
Une création de cette pièce en France, qui repose sur une intensité de tous les instants.
C’est une belle et vraie réussite.
9,5/10
Les envies de Bizet, ça peut vous prendre n’importe où et n’importe quand..
C’est bien connu..
C’est surtout ce qu’a bien compris Philippe Lafeuille, l’actuel directeur de la compagnie Chicos Mambo, une compagnie créée voici presque vingt ans à Barcelone suite à une rencontre entre le sus-nommé et deux danseurs, l’un espagnol, l’autre vénézuelien.
Le succès arrive avec la deuxième création, Méli-Mélo, et surtout Tutu qui va ravir des centaines de milliers de spectateurs. (Oui oui, des centaines de milliers…)
Fort de cette expérience et de ces incontestables succès, M. Lafeuille et ses boys sont de retour pour nous proposer leur version du plus célèbre des opéras français, et de la plus célèbre héroïne du répertoire : Carmen !
La Carmencita en personne !
Mais avec un slash : Car / Men ...
Alors évidemment, nous allons avoir droit à une réjouissante et hilarante relecture de ce chef d’œuvre.
Une sorte de Carmen 2.0, une « fantaisie ibéricochorégraphique », pour reprendre les mots même du créateur, faite de jubilatoires tableaux dansés et autres ballets on ne peut plus réussis.
Une entreprise artistique qui va une nouvelle fois avec beaucoup d’intelligence, de finesse, de clins d’œil questionner l’œuvre originale, certes, mais aussi tous les codes espagnols et tous les clichés de l’art lyrique et chorégraphique.
Durant une heure et quart, j’ai beaucoup ri, énormément ri, mais j’ai également été fasciné par la capacité des neuf artistes à nous faire vibrer grâce à leur expérience de danseurs tout en faisant fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
Il faut un sacré talent pour arriver à ce résultat : ici, tout à l’air si facile, si amusant, si délirant, même.
Et pourtant, on imagine les heures et les heures de travail qu’il doit falloir pour y parvenir.
Détournement des codes ibériques, donc.
Dès la célèbre ouverture, reconnaissable entre toutes, nous retrouvons les robes à volants et à gros points, les mantilles, les éventails, les chapeaux plats ou encore les castagnettes.
Et les cartes postales andalouses avec le tissu en relief ? Oui, oui, nous en verrons !
Et les gitanes qui sont aux fumeurs ce que la crème brûlée est aux catalans ? Aussi !
Au milieu de ce plateau aux accents madrilènes, les neuf interprètes vont se déchaîner.
Dans la salle tout le monde est complice et au fait du propos : ces danseurs masculins vont en faire des tonnes pour nous montrer leur idée de l’idéal féminin…
Il y a parfois un formidable petit côté Zaza di Napoli dans ce que nous voyons.
C’est évidemment le grand ingrédient désopilant de ce spectacle.
De grands moments nous attendent.
Sans évidemment déflorer toutes les surprises du spectacle, on peut toutefois révéler que la Carmencita est interprétée par un formidable chanteur, Antonio Macipe, à l’incroyable tessiture : haute-contre, il est également capable de chanter pratiquement comme un baryton.
Il est véritablement parfait en femme fatale espagnole, et nous interroge vraiment sur cette héroïne, archétype de l’amoureuse maudite, causant la perte de tous ceux qui l’approchent…
Qui est-elle vraiment cette femme-là ?
Les célèbres airs seront bien présents, même si parfois, ils sont remixés ou transformés avec là encore beaucoup d’à-propos.
(Il faut noter en insert une magnifique pièce d’Alberto Iglesias, le compositeur attitré de Pedro Almodovar.)
Des tableaux on ne peut plus burlesques nous sont proposés.
Burlesques, certes, mais d’une très grande intensité physique et d’une irréprochable technique, j’insiste sur ce point.
Tous ne ménagent pas leur peine. Tous se dépensent sans compter.
On aperçoit la sueur qui perle, on sent bien malgré une apparente facilité toute les difficultés techniques.
Tous les héros que l’on connaît bien seront là.
Le brigadier Don José, les petits chanteurs de la relève de la garde montante puis descendante, Lillas Pastia ou encore le taureau.
Oui le taureau. Dont la tête est projetée en très gros plan.
Alors que le toréador est devant lui. Entièrement nu.
Un homme face à la bête.
Cette séquence est magnifique. Un homme, dans le plus simple appareil, très peu éclairé, qui danse dans sa plus totale et naturelle humanité et défie le monstre noir.
Bouleversant !
Cet Escamillo nous aura été présenté au préalable grâce au célébrissime tube « Toréador prends garde à toi... »
Avec un costume hallucinant de drôlerie ! Un costume sonore… (Et non, vous n’en saurez pas plus…)
C’est l’une des scènes les plus drôles auxquelles j’ai assisté depuis longtemps. A pleurer de rire !
Gloire éternelle à celle ou celui qui a eu l’idée de cet habit de lumière si particulier !
Non n’insistez pas, je n’en dirai pas plus…
Le final sera à l’image de tout le show : flamboyant, débridé, haut en couleurs, mais également chorégraphié et interprété avec talent et une grande sensibilité.
Il faut absolument aller voir ce spectacle musical à nul autre pareil, l’un de ceux qui vous font passer un moment inoubliable, hilarant.
Un spectacle qui vous fait du bien !
Quant aux spectateurs amateurs de majorettes, ceux-là se régalent !
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Ah ! J’allais oublier...
Ne partez pas trop tôt du Théâtre Libre : Philippe Lafeuille va vous carméniser en beauté, grâce non plus à Bizet mais à Chostakovitch et sa valse N°2…
Là encore, un très grand moment !
C’est bien connu..
C’est surtout ce qu’a bien compris Philippe Lafeuille, l’actuel directeur de la compagnie Chicos Mambo, une compagnie créée voici presque vingt ans à Barcelone suite à une rencontre entre le sus-nommé et deux danseurs, l’un espagnol, l’autre vénézuelien.
Le succès arrive avec la deuxième création, Méli-Mélo, et surtout Tutu qui va ravir des centaines de milliers de spectateurs. (Oui oui, des centaines de milliers…)
Fort de cette expérience et de ces incontestables succès, M. Lafeuille et ses boys sont de retour pour nous proposer leur version du plus célèbre des opéras français, et de la plus célèbre héroïne du répertoire : Carmen !
La Carmencita en personne !
Mais avec un slash : Car / Men ...
Alors évidemment, nous allons avoir droit à une réjouissante et hilarante relecture de ce chef d’œuvre.
Une sorte de Carmen 2.0, une « fantaisie ibéricochorégraphique », pour reprendre les mots même du créateur, faite de jubilatoires tableaux dansés et autres ballets on ne peut plus réussis.
Une entreprise artistique qui va une nouvelle fois avec beaucoup d’intelligence, de finesse, de clins d’œil questionner l’œuvre originale, certes, mais aussi tous les codes espagnols et tous les clichés de l’art lyrique et chorégraphique.
Durant une heure et quart, j’ai beaucoup ri, énormément ri, mais j’ai également été fasciné par la capacité des neuf artistes à nous faire vibrer grâce à leur expérience de danseurs tout en faisant fonctionner nos zygomatiques à plein régime.
Il faut un sacré talent pour arriver à ce résultat : ici, tout à l’air si facile, si amusant, si délirant, même.
Et pourtant, on imagine les heures et les heures de travail qu’il doit falloir pour y parvenir.
Détournement des codes ibériques, donc.
Dès la célèbre ouverture, reconnaissable entre toutes, nous retrouvons les robes à volants et à gros points, les mantilles, les éventails, les chapeaux plats ou encore les castagnettes.
Et les cartes postales andalouses avec le tissu en relief ? Oui, oui, nous en verrons !
Et les gitanes qui sont aux fumeurs ce que la crème brûlée est aux catalans ? Aussi !
Au milieu de ce plateau aux accents madrilènes, les neuf interprètes vont se déchaîner.
Dans la salle tout le monde est complice et au fait du propos : ces danseurs masculins vont en faire des tonnes pour nous montrer leur idée de l’idéal féminin…
Il y a parfois un formidable petit côté Zaza di Napoli dans ce que nous voyons.
C’est évidemment le grand ingrédient désopilant de ce spectacle.
De grands moments nous attendent.
Sans évidemment déflorer toutes les surprises du spectacle, on peut toutefois révéler que la Carmencita est interprétée par un formidable chanteur, Antonio Macipe, à l’incroyable tessiture : haute-contre, il est également capable de chanter pratiquement comme un baryton.
Il est véritablement parfait en femme fatale espagnole, et nous interroge vraiment sur cette héroïne, archétype de l’amoureuse maudite, causant la perte de tous ceux qui l’approchent…
Qui est-elle vraiment cette femme-là ?
Les célèbres airs seront bien présents, même si parfois, ils sont remixés ou transformés avec là encore beaucoup d’à-propos.
(Il faut noter en insert une magnifique pièce d’Alberto Iglesias, le compositeur attitré de Pedro Almodovar.)
Des tableaux on ne peut plus burlesques nous sont proposés.
Burlesques, certes, mais d’une très grande intensité physique et d’une irréprochable technique, j’insiste sur ce point.
Tous ne ménagent pas leur peine. Tous se dépensent sans compter.
On aperçoit la sueur qui perle, on sent bien malgré une apparente facilité toute les difficultés techniques.
Tous les héros que l’on connaît bien seront là.
Le brigadier Don José, les petits chanteurs de la relève de la garde montante puis descendante, Lillas Pastia ou encore le taureau.
Oui le taureau. Dont la tête est projetée en très gros plan.
Alors que le toréador est devant lui. Entièrement nu.
Un homme face à la bête.
Cette séquence est magnifique. Un homme, dans le plus simple appareil, très peu éclairé, qui danse dans sa plus totale et naturelle humanité et défie le monstre noir.
Bouleversant !
Cet Escamillo nous aura été présenté au préalable grâce au célébrissime tube « Toréador prends garde à toi... »
Avec un costume hallucinant de drôlerie ! Un costume sonore… (Et non, vous n’en saurez pas plus…)
C’est l’une des scènes les plus drôles auxquelles j’ai assisté depuis longtemps. A pleurer de rire !
Gloire éternelle à celle ou celui qui a eu l’idée de cet habit de lumière si particulier !
Non n’insistez pas, je n’en dirai pas plus…
Le final sera à l’image de tout le show : flamboyant, débridé, haut en couleurs, mais également chorégraphié et interprété avec talent et une grande sensibilité.
Il faut absolument aller voir ce spectacle musical à nul autre pareil, l’un de ceux qui vous font passer un moment inoubliable, hilarant.
Un spectacle qui vous fait du bien !
Quant aux spectateurs amateurs de majorettes, ceux-là se régalent !
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Ah ! J’allais oublier...
Ne partez pas trop tôt du Théâtre Libre : Philippe Lafeuille va vous carméniser en beauté, grâce non plus à Bizet mais à Chostakovitch et sa valse N°2…
Là encore, un très grand moment !
9/10
Des hommes !
Et non des bêtes de somme à qui la machine SS a tenté de faire renier toute humanité, pour les transformer en esclaves.
Robert Antelme a fait partie de ces hommes-là, lui qui fut arrêté en 1944 par la Gestapo, et déporté à Dachau, après avoir connu Fresnes, Buchenwald et Gandersheim.
Il sera affecté à un « kommando » de travail au sein d’une chaîne de montage de carlingues.
Deux ans après sa libération, il parviendra, en grande partie grâce à son ex-femme, Marguerite Duras, à écrire l’enfer qu’il a vécu là-bas.
A écrire, mais surtout à décrire.
Avec un style dépouillé, on ne peut plus réaliste, et pour cause, se servant de sa plume comme un scalpel le plus acéré qui soit, il va disséquer ce qu’il a vécu.
Il va nous parler de l’espèce humaine.
Pour témoigner, certes, mais surtout pour nous faire comprendre ce que les SS de ce camp voulaient arriver à faire, et comment ils tentaient d’y parvenir.
Il s’agissait d’enlever à ces déportés toute velléité d’exister, afin de réduire ces hommes à une sorte d’anéantissement moral et mental : « je ne veux pas que tu sois ».
Une destruction avant tout psychologique, car ces « Stücke », ces pions, devaient fournir un travail.
Il fallait les maintenir dans un lamentable état, tout en faisant en sorte qu’ils puissent continuer à riveter les pièces de métal.
Claude Viala, la fondatrice de la compagnie aberration Mentalis, a décidé d’adapter ce texte pour une scène, en l’occurrence celle du Théâtre de l’Opprimé en 2006, voici quinze ans.
Parce qu’elle s’est rendue compte de ce que l’écriture de Robert Antelm devait à l’oralité.
Durant presque une heure et demie, nous assistons à une remarquable mise en mots, en sons et en images de ce texte important.
Cet homme qui écrit ce qu’il a vécu, c’est avant tout un témoignage qu’il nous raconte, qu’il nous livre à voix presque haute.
Cette langue écrite est faite pour passer l’épreuve du gueuloir, pour reprendre l’expression flaubertienne.
Cette parole, il faut l’exprimer, il faut la porter haut et fort.
Ce sera le rôle de cinq comédiens.
Hier soir, certains faisaient déjà partie de l’équipe artistique de la création du spectacle.
Deux jeunes les ont rejoints.
Comme pour nous démontrer la nécessité de la transmission de ce témoignage, comme pour nous dire que cet écrit ne tombera jamais dans l’oubli.
Geoffrey Barbier, Hervé Laudière, Rafaël Perichon, Thierry Verin, Christian Roux et Vincent Martin (en alternance) vont se partager le « je » narratif.
Tous les cinq seront à tour de rôle l’auteur, certes, mais également les différents protagonistes de cette histoire.
Dans des costumes qu’ils pourraient porter « à la ville », ils interpréteront aussi les détenus, Gaston, des kapos, Lucien, des SS…
Comme pour nous faire comprendre que tous ceux-là pourraient être n’importe qui en général, et nous-mêmes en particulier.
Tout commence à une table de travail, pour une lecture commune du texte, comme pour nous mettre en évidence qu’il s’agit d’un travail d’adaptation du livre.
L’un des comédiens a même le livre en main, qui commence à le lire. D’autres ont devant leur recueil de feuilles reliées.
Et puis bientôt, nous comprenons.
Bientôt les textes disparaissent, le texte n’est plus lu mais interprété.
Et nous d’être à la fois hypnotisés, sidérés, horrifiés, par ce qu’ils vont nous dire.
Nous raconter ce qui ne sera « que » la réalité vécue par l’auteur.
Tous vont nous beaucoup nous émouvoir, à décrire ces hommes dont le seul et unique but était de s’empêcher de mourir, et qui devaient se raccrocher à d’infimes moyens de tenir bon…
« Tout ce que les SS ne peuvent pas contester est royal ! », affirme l’un des personnages.
Une émotion qui naît de ce qui peut nous paraître dérisoire, à nous autres spectateurs de 2021, comme cette épaisse couche de paille qui attend les déportés pour qu’ils puissent dormir.
Pouvoir dormir ? Non pas par bonté d’âme des SS, mais parce que pour fournir beaucoup d’efforts, il faut que le corps humain se régénère en dormant un minimum.
Les cinq comédiens nous font admirablement passer ce genre d’émotions présentes du début jusqu’à la fin du spectacle.
Ils nous font comprendre que tous les éléments étaient ligués pour épuiser et exterminer ces pauvre hères : la faim, le froid, la fatigue, le temps qui s’écoulait, inexorablement.
Et puis la mort, présente dans tous les esprits.
Avec une précision et une justesse irréprochables, dans un admirable travail de vérité, sans pathos de mauvais aloi, ils nous font prendre conscience de ces questions qui peuvent nous paraître dérisoire, comme par exemple celle de savoir s’il vaut mieux manger sa maigre ration de pain d’un coup d’un seul, ou en garder un peu pour plus tard...
Je peux vous garantir que nous autres, dans le public, n’en menons pas large…
Ce spectacle est de ceux qui laissent sans voix, bien longtemps après que les projecteurs se sont rallumés pour le salut final.
C’est un admirable moment de théâtre, intense, poignant, bouleversant, et qui témoigne d’une grande maîtrise dramaturgique.
Et non des bêtes de somme à qui la machine SS a tenté de faire renier toute humanité, pour les transformer en esclaves.
Robert Antelme a fait partie de ces hommes-là, lui qui fut arrêté en 1944 par la Gestapo, et déporté à Dachau, après avoir connu Fresnes, Buchenwald et Gandersheim.
Il sera affecté à un « kommando » de travail au sein d’une chaîne de montage de carlingues.
Deux ans après sa libération, il parviendra, en grande partie grâce à son ex-femme, Marguerite Duras, à écrire l’enfer qu’il a vécu là-bas.
A écrire, mais surtout à décrire.
Avec un style dépouillé, on ne peut plus réaliste, et pour cause, se servant de sa plume comme un scalpel le plus acéré qui soit, il va disséquer ce qu’il a vécu.
Il va nous parler de l’espèce humaine.
Pour témoigner, certes, mais surtout pour nous faire comprendre ce que les SS de ce camp voulaient arriver à faire, et comment ils tentaient d’y parvenir.
Il s’agissait d’enlever à ces déportés toute velléité d’exister, afin de réduire ces hommes à une sorte d’anéantissement moral et mental : « je ne veux pas que tu sois ».
Une destruction avant tout psychologique, car ces « Stücke », ces pions, devaient fournir un travail.
Il fallait les maintenir dans un lamentable état, tout en faisant en sorte qu’ils puissent continuer à riveter les pièces de métal.
Claude Viala, la fondatrice de la compagnie aberration Mentalis, a décidé d’adapter ce texte pour une scène, en l’occurrence celle du Théâtre de l’Opprimé en 2006, voici quinze ans.
Parce qu’elle s’est rendue compte de ce que l’écriture de Robert Antelm devait à l’oralité.
Durant presque une heure et demie, nous assistons à une remarquable mise en mots, en sons et en images de ce texte important.
Cet homme qui écrit ce qu’il a vécu, c’est avant tout un témoignage qu’il nous raconte, qu’il nous livre à voix presque haute.
Cette langue écrite est faite pour passer l’épreuve du gueuloir, pour reprendre l’expression flaubertienne.
Cette parole, il faut l’exprimer, il faut la porter haut et fort.
Ce sera le rôle de cinq comédiens.
Hier soir, certains faisaient déjà partie de l’équipe artistique de la création du spectacle.
Deux jeunes les ont rejoints.
Comme pour nous démontrer la nécessité de la transmission de ce témoignage, comme pour nous dire que cet écrit ne tombera jamais dans l’oubli.
Geoffrey Barbier, Hervé Laudière, Rafaël Perichon, Thierry Verin, Christian Roux et Vincent Martin (en alternance) vont se partager le « je » narratif.
Tous les cinq seront à tour de rôle l’auteur, certes, mais également les différents protagonistes de cette histoire.
Dans des costumes qu’ils pourraient porter « à la ville », ils interpréteront aussi les détenus, Gaston, des kapos, Lucien, des SS…
Comme pour nous faire comprendre que tous ceux-là pourraient être n’importe qui en général, et nous-mêmes en particulier.
Tout commence à une table de travail, pour une lecture commune du texte, comme pour nous mettre en évidence qu’il s’agit d’un travail d’adaptation du livre.
L’un des comédiens a même le livre en main, qui commence à le lire. D’autres ont devant leur recueil de feuilles reliées.
Et puis bientôt, nous comprenons.
Bientôt les textes disparaissent, le texte n’est plus lu mais interprété.
Et nous d’être à la fois hypnotisés, sidérés, horrifiés, par ce qu’ils vont nous dire.
Nous raconter ce qui ne sera « que » la réalité vécue par l’auteur.
Tous vont nous beaucoup nous émouvoir, à décrire ces hommes dont le seul et unique but était de s’empêcher de mourir, et qui devaient se raccrocher à d’infimes moyens de tenir bon…
« Tout ce que les SS ne peuvent pas contester est royal ! », affirme l’un des personnages.
Une émotion qui naît de ce qui peut nous paraître dérisoire, à nous autres spectateurs de 2021, comme cette épaisse couche de paille qui attend les déportés pour qu’ils puissent dormir.
Pouvoir dormir ? Non pas par bonté d’âme des SS, mais parce que pour fournir beaucoup d’efforts, il faut que le corps humain se régénère en dormant un minimum.
Les cinq comédiens nous font admirablement passer ce genre d’émotions présentes du début jusqu’à la fin du spectacle.
Ils nous font comprendre que tous les éléments étaient ligués pour épuiser et exterminer ces pauvre hères : la faim, le froid, la fatigue, le temps qui s’écoulait, inexorablement.
Et puis la mort, présente dans tous les esprits.
Avec une précision et une justesse irréprochables, dans un admirable travail de vérité, sans pathos de mauvais aloi, ils nous font prendre conscience de ces questions qui peuvent nous paraître dérisoire, comme par exemple celle de savoir s’il vaut mieux manger sa maigre ration de pain d’un coup d’un seul, ou en garder un peu pour plus tard...
Je peux vous garantir que nous autres, dans le public, n’en menons pas large…
Ce spectacle est de ceux qui laissent sans voix, bien longtemps après que les projecteurs se sont rallumés pour le salut final.
C’est un admirable moment de théâtre, intense, poignant, bouleversant, et qui témoigne d’une grande maîtrise dramaturgique.