Ses critiques
1005 critiques
9/10
Vas-y dans le métro...
Une femme, dont nous ne saurons jamais ni le prénom ni le nom, est assise dans une rame.
On sent bien sa gêne et son appréhension.
Grâce dans un premier temps à sa voix en off, elle va nous dire sa peur.
La peur de ces longs tunnels, la peur de cet underground qui lui fait traverser la ville, passer d’une rive à l’autre, passer d’une histoire d’amour à une autre.
La peur, le risque, qui vont tenir un rôle éminemment important dans cette deuxième pièce de Julie R’Bibo.
Et puis, cette femme se met à nous raconter.
Une rupture, tout d’abord.
Un matin pas si beau que cela, celui qu’elle aimait est parti. Comme ça. Sans autre forme de procès.
Celui-là même en qui elle avait projeté tous ses rêves, du type « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ».
Une histoire dont elle nous dit le drôle de commencement et la triste fin.
Suite à cette douloureuse rupture-là, elle nous raconte sa descente « au terrier », dans ce bar, où la barmaid a dû consoler nombre d’hommes chiens devenus loups…
Et puis, dans ce club enfumé, une nouvelle rencontre amoureuse.
Celle d’une autre femme. Qui va chambouler sa vie, son quotidien.
Durant une heure et cinq minutes que dure cette pièce, l’auteure va nous parler du risque, donc.
Le risque qui existe à se projeter et entrer dans une histoire d’amour.
Ce moment où il faut analyser un nombre incalculables de variables intimes, afin de peser le pour et le contre pour finalement prendre sa décision.
Le risque qui va constituer pour l’héroïne un véritable parcours initiatique, la libérant de ses carcans psychologiques précédents, ainsi que de cet ordre établi et cette morale auxquels elle s’était inconsciemment ou non accoutumée, la faisant accéder à son propre libre-arbitre.
Ce qui aboutira à lui faire envisager et considérer le monde avec son propre regard.
D’une écriture à la fois puissante, imagée, précise et ciselée, Julie R’Bibo nous plonge dans la tête et le cœur du personnage.
Il s’agit ici de mettre en mots et en images une véritable introspection, qui évidemment interpelle chaque spectateur, chaque amant potentiel.
Sur quelle échelle nous situons nous par rapport à cette prise de risque ?
Sommes-nous même capables de prendre ce risque ?
Toutes ces questions se posent à nous, au fur et à mesure que se déroule le spectacle.
Des questions que va nous poser Clémentine Bernard, interprétant de façon magnifique et bouleversante cette femme.
Dès les premiers mots, la comédienne nous attrape pour ne plus nous lâcher.
C’est bien simple, il est impossible de se détacher de ce qu’elle nous dit et nous montre.
Dans une très belle robe terre-de-sienne, sur laquelle elle endosse parfois un trench-coat, elle va de façon lumineuse nous faire ressentir les hésitations, mais également les méditations de son personnage.
Melle Bernard parvient à nous faire ressentir les suspens et dilemme qui se posent : que va faire cette femme, que va-t-elle décider, quelle implications découleront de sa décision ?
Comment ce risque parviendra-t-il à la faire accéder à sa propre liberté ?
Il faut un très grand talent pour aborder ce type de personnage.
Sans ce talent-là, on peut vite tomber dans une sorte de caricature, ou dans pathos de très mauvais aloi.
Ici, ce n’est jamais le cas.
La comédienne est d’une phénoménale justesse, à nous dire l’univers, LES univers intérieurs de son personnage.
Elle est aidée en cela par l'épatante création sonore et la musique de Guillaume Léglise.
C’est une pièce qu’il faut écouter également avec la plus grande attention.
Des sons, des notes, des bruits, des rythmes martelés nous disent et nous décrivent aussi les univers évoqués plus haut.
Autre coup de chapeau à Fanny Laplane et Mélisse Nugues-Schönfeid qui signent respectivement la scénographie et la lumière.
Toute la difficulté réside ici à mettre en avant tous les lieux évoqués, sans aucun décor ni autres accessoires que deux chaises figurant les sièges du métro.
Les scènes dans le bar-terrier sont particulièrement bien traitées. Je vous laisse découvrir.
Je vous conseille vraiment d’aller applaudir Clémentine Bernard, dans cette pièce qui nous renvoie à notre ou nos propres expériences.
Une pièce qui interpelle chacun de nous, de façon très intime et très personnelle, nous faisant partager les émotions du personnage pour mieux nous inviter à nous remémorer les nôtres.
C’est un très beau moment de théâtre !
Une femme, dont nous ne saurons jamais ni le prénom ni le nom, est assise dans une rame.
On sent bien sa gêne et son appréhension.
Grâce dans un premier temps à sa voix en off, elle va nous dire sa peur.
La peur de ces longs tunnels, la peur de cet underground qui lui fait traverser la ville, passer d’une rive à l’autre, passer d’une histoire d’amour à une autre.
La peur, le risque, qui vont tenir un rôle éminemment important dans cette deuxième pièce de Julie R’Bibo.
Et puis, cette femme se met à nous raconter.
Une rupture, tout d’abord.
Un matin pas si beau que cela, celui qu’elle aimait est parti. Comme ça. Sans autre forme de procès.
Celui-là même en qui elle avait projeté tous ses rêves, du type « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ».
Une histoire dont elle nous dit le drôle de commencement et la triste fin.
Suite à cette douloureuse rupture-là, elle nous raconte sa descente « au terrier », dans ce bar, où la barmaid a dû consoler nombre d’hommes chiens devenus loups…
Et puis, dans ce club enfumé, une nouvelle rencontre amoureuse.
Celle d’une autre femme. Qui va chambouler sa vie, son quotidien.
Durant une heure et cinq minutes que dure cette pièce, l’auteure va nous parler du risque, donc.
Le risque qui existe à se projeter et entrer dans une histoire d’amour.
Ce moment où il faut analyser un nombre incalculables de variables intimes, afin de peser le pour et le contre pour finalement prendre sa décision.
Le risque qui va constituer pour l’héroïne un véritable parcours initiatique, la libérant de ses carcans psychologiques précédents, ainsi que de cet ordre établi et cette morale auxquels elle s’était inconsciemment ou non accoutumée, la faisant accéder à son propre libre-arbitre.
Ce qui aboutira à lui faire envisager et considérer le monde avec son propre regard.
D’une écriture à la fois puissante, imagée, précise et ciselée, Julie R’Bibo nous plonge dans la tête et le cœur du personnage.
Il s’agit ici de mettre en mots et en images une véritable introspection, qui évidemment interpelle chaque spectateur, chaque amant potentiel.
Sur quelle échelle nous situons nous par rapport à cette prise de risque ?
Sommes-nous même capables de prendre ce risque ?
Toutes ces questions se posent à nous, au fur et à mesure que se déroule le spectacle.
Des questions que va nous poser Clémentine Bernard, interprétant de façon magnifique et bouleversante cette femme.
Dès les premiers mots, la comédienne nous attrape pour ne plus nous lâcher.
C’est bien simple, il est impossible de se détacher de ce qu’elle nous dit et nous montre.
Dans une très belle robe terre-de-sienne, sur laquelle elle endosse parfois un trench-coat, elle va de façon lumineuse nous faire ressentir les hésitations, mais également les méditations de son personnage.
Melle Bernard parvient à nous faire ressentir les suspens et dilemme qui se posent : que va faire cette femme, que va-t-elle décider, quelle implications découleront de sa décision ?
Comment ce risque parviendra-t-il à la faire accéder à sa propre liberté ?
Il faut un très grand talent pour aborder ce type de personnage.
Sans ce talent-là, on peut vite tomber dans une sorte de caricature, ou dans pathos de très mauvais aloi.
Ici, ce n’est jamais le cas.
La comédienne est d’une phénoménale justesse, à nous dire l’univers, LES univers intérieurs de son personnage.
Elle est aidée en cela par l'épatante création sonore et la musique de Guillaume Léglise.
C’est une pièce qu’il faut écouter également avec la plus grande attention.
Des sons, des notes, des bruits, des rythmes martelés nous disent et nous décrivent aussi les univers évoqués plus haut.
Autre coup de chapeau à Fanny Laplane et Mélisse Nugues-Schönfeid qui signent respectivement la scénographie et la lumière.
Toute la difficulté réside ici à mettre en avant tous les lieux évoqués, sans aucun décor ni autres accessoires que deux chaises figurant les sièges du métro.
Les scènes dans le bar-terrier sont particulièrement bien traitées. Je vous laisse découvrir.
Je vous conseille vraiment d’aller applaudir Clémentine Bernard, dans cette pièce qui nous renvoie à notre ou nos propres expériences.
Une pièce qui interpelle chacun de nous, de façon très intime et très personnelle, nous faisant partager les émotions du personnage pour mieux nous inviter à nous remémorer les nôtres.
C’est un très beau moment de théâtre !
9,5/10
Amour, délice et orgue !
Dans le cadre des quarante ans du célèbre club de jazz parisien qu’est le Sunset-Sunside, la légende de l’orgue Hammond qu’est Rhoda Scott s’était proposée de nous faire franchir délicieusement et avec beaucoup d’amour la nouvelle année.
A ses côtés, pour compléter son Lady Quartet, les saxophonistes Lisa Cat-Berro et Sophie Alour.
Et puis… Thomas Derrouineau à la batterie, remplaçant aux pieds et aux mains levés Julie Saury.
Au programme, des compositions tirées du prochain album à paraître début janvier, mais également un joli lot de surprises.
Les quatre musiciens montent sur la scène de la cave voûtée, et sans plus attendre, voici le rituel que tous les fans de Miss Scott attendent.
Elle se déchausse et pieds nus s’installe aux deux claviers et au pédalier de son imposant B3.
La « barefoot lady » règle les tirettes harmoniques de son instrument, en vérifie les pré-réglages et les presets. Tout peut commencer.
© Photo Y.P.
Le premier titre sera City of the Rising sun, première composition de l’album cité plus haut.
Immédiatement, un groove puissant, profond s’installe.
Une intense complicité entre les quatre artistes est elle aussi immédiatement palpable.
La rythmique basse (assurée évidemment au pédalier par l’organiste aux pieds nus)-batterie ne laisse personne de marbre. Bien qu’assis, les spectateurs commencent à bouger. Impossible de faire autrement.
Après que les deux demoiselles saxophonistes aient interprété le thème, Lisa Cat-Berro entame le premier solo de la soirée.
Spécialiste française incontestée de l’alto, avec des musiciens comme Pierrick Pedron ou Géraldine Laurent, elle nous démontre s’il en était encore besoin tout son talent et tout son savoir-faire, jamais gratuits, au service du plus grand lyrisme.
A noter que ce soir, elle a été promue chef d’orchestre. Avec beaucoup d’humour, elle confessera qu’elle n’en a pas l’habitude.
Et puis voici le premier solo tant attendu de Rhoda Scott.
La demoiselle de 83 ans est toujours aussi impressionnante de virtuosité et de technique.
Celle qui commença sa carrière à huit ans dans les petites églises du New Jersey tire toujours autant de sons vibrants et lumineux de son orgue.
Elle sait comme personne tirer le meilleur des possibilités techniques de l’instrument.
Le toucher de la grande dame est d’une incroyable précision, que ce soit dans les délicats déliés mélodiques, ou les puissants accords caractéristiques, magnifiés par le rotor de la cabine Leslie.
Il y a quelque chose de félin dans sa façon de caresser les touches des deux claviers, avec délicatesse et sensualité, sans oublier des « coups de pattes » enfiévrés qui ravissent les aficionados.
Tout en nuances, en délicatesse et en finesse, Miss Scott est véritablement impressionnante.
Les titres s’enchaînent pour le plus grand plaisir de tous.
La patronne surveille sa montre.
A minuit précises, elle entame la petite chanson de rigueur « Ce n’est qu’un au-revoir... », une tradition américaine. Nous en France, "nous avons le champagne", nous dit-elle avec beaucoup d’humour. (Un humour qui transpercera également dans ses petites interventions parlées et très drôles, entre deux morceaux.)
© Photo Y.P.
Et puis voici venir le magnifique « I wanna move », une composition de Sophie Alour.
Une autre musicienne importante, désormais incontournable de la scène jazz européenne.
Mademoiselle Alour est elle aussi impressionnante.
Elle allie une immense et irréprochable virtuosité technique à une grande sensibilité de tous les instants.
Les notes se succèdent rapidement, certes, mais jamais la technique n’est là uniquement pour la technique. Son discours musical, clair, concis, limpide et souvent bouleversant procure beaucoup d’émotions.
Aux moments les plus intenses de ses soli, Sophie Alour nous prouve en plissant des yeux la grande difficulté de certains passages joués.
Elle mettra en œuvre à un certain moment un growl saisissant, à tel point que Rhoda Scott suit des yeux avec grand intérêt sa cadette.
Et puis, ce sera au tour de Thomas Derrouineau de se porter sur le devant du propos musical, avec un incroyable seul à seul avec ses fûts et ses cymbales.
Des fûts dont il varie la hauteur et le timbre en appuyant sur la peau avec l’une des deux baguettes. (un passage de son solo sur les cerclages métalliques est fascinant ! )
Des cymbales qu’il met à rude épreuve, notamment lorsqu’il en tord une pour obtenir là encore différentes hauteurs de son.
Je rappelle que cet excellent batteur et l’organiste se connaissent de longue date. C’est lui qui joue en duo avec elle sur l’album Movin’ blue.
Une exaltante version de « Moanin », composé par Bobby Timmons, à l’origine pour Art Blakey et les Jazz Messengers va ravir le public du Sunset-Sunside.
Là encore, la cohérence du groupe est manifeste, les quatre artistes s’amusent et prennent beaucoup de plaisir à jouer ensemble. C’est évident.
Vers une heure du matin, il faudra bien se quitter, avec un feu d’artifice musical, en l’occurrence le fameux « What’d I say » de Ray Charles. Nous sommes bien entendu mis à contribution pour les « Oh ! » et les « Ah ! » de la célèbre chanson.
Une standing-ovation on ne peut plus logique et méritée est ensuite réservée au groupe.
Durant ces deux heures, a régné comme un véritable état de grâce sur la scène du Sunset-Sunside.
Une grande Dame, entourée de trois jeunes et talentueux artistes, nous a envoûtés et charmés, nous faisant passer de 2021 à 2022 de la plus belle façon musicale qui soit.
Merci pour tout, Miss Scott !
Dans le cadre des quarante ans du célèbre club de jazz parisien qu’est le Sunset-Sunside, la légende de l’orgue Hammond qu’est Rhoda Scott s’était proposée de nous faire franchir délicieusement et avec beaucoup d’amour la nouvelle année.
A ses côtés, pour compléter son Lady Quartet, les saxophonistes Lisa Cat-Berro et Sophie Alour.
Et puis… Thomas Derrouineau à la batterie, remplaçant aux pieds et aux mains levés Julie Saury.
Au programme, des compositions tirées du prochain album à paraître début janvier, mais également un joli lot de surprises.
Les quatre musiciens montent sur la scène de la cave voûtée, et sans plus attendre, voici le rituel que tous les fans de Miss Scott attendent.
Elle se déchausse et pieds nus s’installe aux deux claviers et au pédalier de son imposant B3.
La « barefoot lady » règle les tirettes harmoniques de son instrument, en vérifie les pré-réglages et les presets. Tout peut commencer.
© Photo Y.P.
Le premier titre sera City of the Rising sun, première composition de l’album cité plus haut.
Immédiatement, un groove puissant, profond s’installe.
Une intense complicité entre les quatre artistes est elle aussi immédiatement palpable.
La rythmique basse (assurée évidemment au pédalier par l’organiste aux pieds nus)-batterie ne laisse personne de marbre. Bien qu’assis, les spectateurs commencent à bouger. Impossible de faire autrement.
Après que les deux demoiselles saxophonistes aient interprété le thème, Lisa Cat-Berro entame le premier solo de la soirée.
Spécialiste française incontestée de l’alto, avec des musiciens comme Pierrick Pedron ou Géraldine Laurent, elle nous démontre s’il en était encore besoin tout son talent et tout son savoir-faire, jamais gratuits, au service du plus grand lyrisme.
A noter que ce soir, elle a été promue chef d’orchestre. Avec beaucoup d’humour, elle confessera qu’elle n’en a pas l’habitude.
Et puis voici le premier solo tant attendu de Rhoda Scott.
La demoiselle de 83 ans est toujours aussi impressionnante de virtuosité et de technique.
Celle qui commença sa carrière à huit ans dans les petites églises du New Jersey tire toujours autant de sons vibrants et lumineux de son orgue.
Elle sait comme personne tirer le meilleur des possibilités techniques de l’instrument.
Le toucher de la grande dame est d’une incroyable précision, que ce soit dans les délicats déliés mélodiques, ou les puissants accords caractéristiques, magnifiés par le rotor de la cabine Leslie.
Il y a quelque chose de félin dans sa façon de caresser les touches des deux claviers, avec délicatesse et sensualité, sans oublier des « coups de pattes » enfiévrés qui ravissent les aficionados.
Tout en nuances, en délicatesse et en finesse, Miss Scott est véritablement impressionnante.
Les titres s’enchaînent pour le plus grand plaisir de tous.
La patronne surveille sa montre.
A minuit précises, elle entame la petite chanson de rigueur « Ce n’est qu’un au-revoir... », une tradition américaine. Nous en France, "nous avons le champagne", nous dit-elle avec beaucoup d’humour. (Un humour qui transpercera également dans ses petites interventions parlées et très drôles, entre deux morceaux.)
© Photo Y.P.
Et puis voici venir le magnifique « I wanna move », une composition de Sophie Alour.
Une autre musicienne importante, désormais incontournable de la scène jazz européenne.
Mademoiselle Alour est elle aussi impressionnante.
Elle allie une immense et irréprochable virtuosité technique à une grande sensibilité de tous les instants.
Les notes se succèdent rapidement, certes, mais jamais la technique n’est là uniquement pour la technique. Son discours musical, clair, concis, limpide et souvent bouleversant procure beaucoup d’émotions.
Aux moments les plus intenses de ses soli, Sophie Alour nous prouve en plissant des yeux la grande difficulté de certains passages joués.
Elle mettra en œuvre à un certain moment un growl saisissant, à tel point que Rhoda Scott suit des yeux avec grand intérêt sa cadette.
Et puis, ce sera au tour de Thomas Derrouineau de se porter sur le devant du propos musical, avec un incroyable seul à seul avec ses fûts et ses cymbales.
Des fûts dont il varie la hauteur et le timbre en appuyant sur la peau avec l’une des deux baguettes. (un passage de son solo sur les cerclages métalliques est fascinant ! )
Des cymbales qu’il met à rude épreuve, notamment lorsqu’il en tord une pour obtenir là encore différentes hauteurs de son.
Je rappelle que cet excellent batteur et l’organiste se connaissent de longue date. C’est lui qui joue en duo avec elle sur l’album Movin’ blue.
Une exaltante version de « Moanin », composé par Bobby Timmons, à l’origine pour Art Blakey et les Jazz Messengers va ravir le public du Sunset-Sunside.
Là encore, la cohérence du groupe est manifeste, les quatre artistes s’amusent et prennent beaucoup de plaisir à jouer ensemble. C’est évident.
Vers une heure du matin, il faudra bien se quitter, avec un feu d’artifice musical, en l’occurrence le fameux « What’d I say » de Ray Charles. Nous sommes bien entendu mis à contribution pour les « Oh ! » et les « Ah ! » de la célèbre chanson.
Une standing-ovation on ne peut plus logique et méritée est ensuite réservée au groupe.
Durant ces deux heures, a régné comme un véritable état de grâce sur la scène du Sunset-Sunside.
Une grande Dame, entourée de trois jeunes et talentueux artistes, nous a envoûtés et charmés, nous faisant passer de 2021 à 2022 de la plus belle façon musicale qui soit.
Merci pour tout, Miss Scott !
8,5/10
La vie en prose.
Une vie, qu’elle a transformée en spectacle de théâtre très réussi.
Elle, c’est Véronique Boutonnet, qui nous attend allongée sur un tapis, devant un fin rideau de gaze flottant grâce à une douce brise.
Une femme qui lit ce premier roman de Guy de Maupassant, publié en 1833.
Une mère qui ne tarde pas à être rejointe par son grand fils.
Deux grands voyageurs, probablement, si l’on en croit cette malle côté cour, et leurs très jolis costumes orientalisants.
Deux personnages qui vont entreprendre, peut-être par désœuvrement dans leur hôtel, mais surtout par passion commune, de nous dire leur vision de cet ouvrage qui inaugurait bien du pessimisme et du fatalisme du futur auteur de Bel-Ami.
Mis en scène avec une grande intelligence par Richard Arselin, qui tire subtilement parti de la salle voûtée de l’Essaion, Melle Boutonnet et Victor Duez nous racontent cette vie-là.
La vie de Jeanne, mariée à 17 ans à Julien, le vicomte de Lamare, qui n’aura de cesse de la tromper, et ce, dès son retour de voyage de noces.
Une vie d’épreuves, d’abnégation, de souffrances plus ou moins vives, une vie de regrets, aussi…
Une vie qui passe avec une héroïne malheureuse ayant le sentiment de passer à côté de son existence.
La comédienne et le comédien, dès les premiers mots, nous accrochent pour ne plus nous lâcher.
Ces deux-là nous disent à la fois les mots du grand Maupassant, mais aussi les leurs.
Véronique Boutonnet est parfaitement parvenue à transposer les principaux épisodes du livre. (Je rappelle au passage que ce premier roman est paru sous forme de feuilleton dans le journal Gil Blas).
Elle ne sera pas forcément Jeanne, il ne sera pas forcément Julien, ce qui aurait constitué une solution de facilité.
Non, ici, les deux se partagent tous les rôles, féminins comme masculins, selon les besoins, et surtout selon l’épatante adaptation.
Mettre en forme pour les planches un grand, très grand roman n’est pas chose aisée.
La forme choisie par Melle Boutonnet est très habile et très cohérente.
Sans paraphraser, sans vouloir tenter de s’approprier le style de Maupassant, elle est parvenue à constituer une véritable dramaturgie.
Le futur, le futur proche, le conditionnel seront souvent utilisés, pour nous conter les différentes actions, ou les aspirations romantiques de l’héroïne.
Les mots de l’auteur, bien entendu, servent pleinement à nous décrire les lieux, les paysages, les différentes atmosphères…
C’est ainsi notamment que nous assistons comme si nous y étions à la pitoyable nuit de noces, au merveilleux voyage de noces en Corse, à une promenade le long de la côte normande, avec un ciel et une mer tout droits sortis d’un tableau d’Eugène-Louis Boudin.
Oui, les mots et la façon de nous les restituer nous font nous retrouver à l’intérieur même du récit.
La comédienne nous glace, lorsque son personnage de Jeanne entreprend de faire révéler à la servante Rosalie qui l’a mise enceinte. « Le nom du père, le nom du père, le nom du père !... »
Victor Duez lui aussi est totalement crédible. Le duo fonctionne à la perfection.
Parfois, le comédien devient musicien, et se saisit de sa guitare, et interprète (fort bien d’ailleurs) des chansons du pourtour méditerranéen, souvent pour rappeler la nostalgie de ce voyage de noces, seul moment véritablement heureux de la vie de Jeanne.
Ce parti-pris musical est très judicieux, et fonctionne parfaitement.
Tout comme le fait de prendre à témoin les spectateurs, de s’adresser à certains, droit dans les yeux.
Adresses au public, mais également adresses à l’héroïne, parfois. Une héroïne qui est alors tutoyée par les comédiens, comme pour lui poser des questions, la faire réagir.
Là encore, le procédé fonctionne à la perfection. C’est une autre manière pour nous de nous retrouver à prendre position vis-à-vis de cette femme malheureuse qu’est Jeanne.
Nous allons rire également, avec cette scène où deux paysans normands sortent le calvados : « On n’est pas niais ! ». Et je n’en dis pas plus.
Voici donc une bien belle entreprise artistique, totalement maîtrisée tant sur le fond que sur la forme, et qui donne à tous les spectateurs l’envie de se replonger dans l’univers de Maupassant, de lire ou relire le roman.
Dès les lumières rallumées, une véritable salve d’applaudissements attend les deux artistes, assortie de « Bravo ! » sonores.
Et ce n’est que justice !
Une vie, qu’elle a transformée en spectacle de théâtre très réussi.
Elle, c’est Véronique Boutonnet, qui nous attend allongée sur un tapis, devant un fin rideau de gaze flottant grâce à une douce brise.
Une femme qui lit ce premier roman de Guy de Maupassant, publié en 1833.
Une mère qui ne tarde pas à être rejointe par son grand fils.
Deux grands voyageurs, probablement, si l’on en croit cette malle côté cour, et leurs très jolis costumes orientalisants.
Deux personnages qui vont entreprendre, peut-être par désœuvrement dans leur hôtel, mais surtout par passion commune, de nous dire leur vision de cet ouvrage qui inaugurait bien du pessimisme et du fatalisme du futur auteur de Bel-Ami.
Mis en scène avec une grande intelligence par Richard Arselin, qui tire subtilement parti de la salle voûtée de l’Essaion, Melle Boutonnet et Victor Duez nous racontent cette vie-là.
La vie de Jeanne, mariée à 17 ans à Julien, le vicomte de Lamare, qui n’aura de cesse de la tromper, et ce, dès son retour de voyage de noces.
Une vie d’épreuves, d’abnégation, de souffrances plus ou moins vives, une vie de regrets, aussi…
Une vie qui passe avec une héroïne malheureuse ayant le sentiment de passer à côté de son existence.
La comédienne et le comédien, dès les premiers mots, nous accrochent pour ne plus nous lâcher.
Ces deux-là nous disent à la fois les mots du grand Maupassant, mais aussi les leurs.
Véronique Boutonnet est parfaitement parvenue à transposer les principaux épisodes du livre. (Je rappelle au passage que ce premier roman est paru sous forme de feuilleton dans le journal Gil Blas).
Elle ne sera pas forcément Jeanne, il ne sera pas forcément Julien, ce qui aurait constitué une solution de facilité.
Non, ici, les deux se partagent tous les rôles, féminins comme masculins, selon les besoins, et surtout selon l’épatante adaptation.
Mettre en forme pour les planches un grand, très grand roman n’est pas chose aisée.
La forme choisie par Melle Boutonnet est très habile et très cohérente.
Sans paraphraser, sans vouloir tenter de s’approprier le style de Maupassant, elle est parvenue à constituer une véritable dramaturgie.
Le futur, le futur proche, le conditionnel seront souvent utilisés, pour nous conter les différentes actions, ou les aspirations romantiques de l’héroïne.
Les mots de l’auteur, bien entendu, servent pleinement à nous décrire les lieux, les paysages, les différentes atmosphères…
C’est ainsi notamment que nous assistons comme si nous y étions à la pitoyable nuit de noces, au merveilleux voyage de noces en Corse, à une promenade le long de la côte normande, avec un ciel et une mer tout droits sortis d’un tableau d’Eugène-Louis Boudin.
Oui, les mots et la façon de nous les restituer nous font nous retrouver à l’intérieur même du récit.
La comédienne nous glace, lorsque son personnage de Jeanne entreprend de faire révéler à la servante Rosalie qui l’a mise enceinte. « Le nom du père, le nom du père, le nom du père !... »
Victor Duez lui aussi est totalement crédible. Le duo fonctionne à la perfection.
Parfois, le comédien devient musicien, et se saisit de sa guitare, et interprète (fort bien d’ailleurs) des chansons du pourtour méditerranéen, souvent pour rappeler la nostalgie de ce voyage de noces, seul moment véritablement heureux de la vie de Jeanne.
Ce parti-pris musical est très judicieux, et fonctionne parfaitement.
Tout comme le fait de prendre à témoin les spectateurs, de s’adresser à certains, droit dans les yeux.
Adresses au public, mais également adresses à l’héroïne, parfois. Une héroïne qui est alors tutoyée par les comédiens, comme pour lui poser des questions, la faire réagir.
Là encore, le procédé fonctionne à la perfection. C’est une autre manière pour nous de nous retrouver à prendre position vis-à-vis de cette femme malheureuse qu’est Jeanne.
Nous allons rire également, avec cette scène où deux paysans normands sortent le calvados : « On n’est pas niais ! ». Et je n’en dis pas plus.
Voici donc une bien belle entreprise artistique, totalement maîtrisée tant sur le fond que sur la forme, et qui donne à tous les spectateurs l’envie de se replonger dans l’univers de Maupassant, de lire ou relire le roman.
Dès les lumières rallumées, une véritable salve d’applaudissements attend les deux artistes, assortie de « Bravo ! » sonores.
Et ce n’est que justice !
7,5/10
Voyage, voyage….
Plus loin que Chavanon, et jusqu’à Londres…
Voyage, voyage...
Léna Bréban a eu la bonne idée de co-adapter (avec Alexandre Zambeaux) et de mettre en scène le roman éponyme d’Hector Malot.
Ce roman que dans ma prime jeunesse, nous autres élèves du CM1 de l’école élémentaire du Clos-Dion lisions dans le cadre de ce qu’on appelait alors les Lectures suivies.
Un roman qui eut un immense succès dès sa sortie en 1878.
Hector Malot répondant à une commande de son éditeur Hetzel, et en ardent défenseur de la condition des enfants en cette fin de dix-neuvième siècle, Hector Malot donc nous embarque aux côtés de Rémi, un enfant abandonné, dans une véritable quête initiatique.
Rémi devra affronter le monde bien souvent terrible des adultes, afin de retrouver une famille et se forger une identité propre.
Se lancer dans cette adaptation est une véritable gageure, le roman comptant environ quatre-cents pages.
Il a donc fallu mettre en relief certains passages, et en abandonner d’autres, comme notamment les séquences se déroulant dans les mines.
Ce faisant, j’ai eu grand plaisir à retrouver tous les grands moments qui ont marqué ma propre expérience enfantine de tout jeune lecteur : la scène des crêpes, la rencontre avec Vitalis, l’immigré italien chanteur de rue au grand cœur, l’apparition du chien Capi (interprété par l’excellent Bakary Sangaré), ou encore la mort déchirante du singe Joli-Cœur.
Grâce au talent et à l'engagement sans faille des formidables Comédiens français, cette adaptation permet de découvrir notamment pour les plus grands spectateurs les facettes plus sombres de l’œuvre, ce qui m’a fait écrire plus haut que l’idée de Melle Bréban était bonne.
De multiples références vont truffer cette heure et quarante minutes de spectacle.
On pense au Kid de Chaplin, bien entendu, mais également à L’opéra de quat’sous de Brecht et Weill, ou encore au Magicien d’Oz, de Victor Flemming.
Le monde de l’enfance qui côtoie celui des bas-fonds, avec ses gueux magnifiques ou maléfiques.
Grâce à l’astucieuse scénographie d’Emmanuelle Roy, basée sur l’utilisation d’une tournette, ce périple peut parfaitement être visualisé. Les personnages passent en effet beaucoup de temps à marcher.
Deux des membres de la troupe du Français mettent parfaitement en valeur l’esprit du roman.
Tout d’abord Véronique Vella qui campe le jeune Rémy, âgé de huit ans au début du livre.
Elle est on ne peut plus crédible dans le rôle de ce gamin, ballotté par le destin sur les routes de France.
Elle confère à son personnage une candeur, une innocence mais aussi une maturité et une opiniâtreté qui émeuvent souvent les spectateurs.
On connaît les talents de chanteuse de la 479ème sociétaire.
Son Rémi chantera à de nombreuses reprises. La voix claire et très travaillée de Melle Vella fait à chaque fois merveille…
A propos de chanson, un petit regret, tout de même.
La troupe de Vitalis chante sur une petite estrade le dos au public avec des applaudissements enregistrés…
Pourquoi ne pas nous avoir fait participer, nous autres spectateurs ?
J’aurais aimé « jouer le rôle » des spectateurs applaudissant le théâtre dans le théâtre.
Mais bon...
Et puis, il y a Jean Chevalier !
Pour reprendre le cri du cœur de ma jeune voisine de siège avec qui j’étais complètement d’accord, il «illumine le plateau dès qu’il apparaît ». Je la cite.
Chacune de ses apparitions ravit le public.
D’abord marionnettiste du petit singe grâce aux bons et éclairés conseils de Christian Hecq, il interprète ensuite Mattia, l’un des autres enfants du livre.
Le jeune pensionnaire va apporter beaucoup de fraîcheur, mais aussi d’humour, d’entrain et de dynamisme à cette entreprise artistique.
Et ce, dès sa première scène, dans laquelle nous faisons la connaissance de son personnage.
Une formidable entrée sur le plateau, qui relance véritablement le spectacle.
Toujours irréprochable, il nous fait beaucoup rire, notamment avec parfois des faux airs à Bourvil, balayant la scène avec application ou se montrant étonné ou encore outré.
Jean Chevalier, dont j’avais particulièrement apprécié la composition dans le spectacle Fanny et Alexandre qui est d’ailleurs redonné actuellement salle Richelieu, nous démontre une nouvelle fois son grand talent et confirme qu’il est une valeur sûre de la troupe.
Coup de chapeau également à l’équipe technique du Vieux-Colombier, qui a dû mettre en œuvre beaucoup de moyens et de machines pour contribuer à la réussite du spectacle.
(Je vous laisse au passage deviner comment la neige est par deux fois enlevée du rocher central du plateau, sans que nous nous en apercevions… Moi, je n’avais pas réalisé, avant de poser la question et d’obtenir la réponse...)
Même si parfois, on aimerait peut-être qu’un peu plus de punch et de vigueur s’emparent de certaines scènes, il n’en reste pas moins vrai qu’on passe un très bon moment à suivre la quête de Rémi.
Hier soir, les nombreuses jeunes têtes plus ou moins blondes ne boudaient par leur plaisir, tout comme les grands qui les accompagnaient.
Plus loin que Chavanon, et jusqu’à Londres…
Voyage, voyage...
Léna Bréban a eu la bonne idée de co-adapter (avec Alexandre Zambeaux) et de mettre en scène le roman éponyme d’Hector Malot.
Ce roman que dans ma prime jeunesse, nous autres élèves du CM1 de l’école élémentaire du Clos-Dion lisions dans le cadre de ce qu’on appelait alors les Lectures suivies.
Un roman qui eut un immense succès dès sa sortie en 1878.
Hector Malot répondant à une commande de son éditeur Hetzel, et en ardent défenseur de la condition des enfants en cette fin de dix-neuvième siècle, Hector Malot donc nous embarque aux côtés de Rémi, un enfant abandonné, dans une véritable quête initiatique.
Rémi devra affronter le monde bien souvent terrible des adultes, afin de retrouver une famille et se forger une identité propre.
Se lancer dans cette adaptation est une véritable gageure, le roman comptant environ quatre-cents pages.
Il a donc fallu mettre en relief certains passages, et en abandonner d’autres, comme notamment les séquences se déroulant dans les mines.
Ce faisant, j’ai eu grand plaisir à retrouver tous les grands moments qui ont marqué ma propre expérience enfantine de tout jeune lecteur : la scène des crêpes, la rencontre avec Vitalis, l’immigré italien chanteur de rue au grand cœur, l’apparition du chien Capi (interprété par l’excellent Bakary Sangaré), ou encore la mort déchirante du singe Joli-Cœur.
Grâce au talent et à l'engagement sans faille des formidables Comédiens français, cette adaptation permet de découvrir notamment pour les plus grands spectateurs les facettes plus sombres de l’œuvre, ce qui m’a fait écrire plus haut que l’idée de Melle Bréban était bonne.
De multiples références vont truffer cette heure et quarante minutes de spectacle.
On pense au Kid de Chaplin, bien entendu, mais également à L’opéra de quat’sous de Brecht et Weill, ou encore au Magicien d’Oz, de Victor Flemming.
Le monde de l’enfance qui côtoie celui des bas-fonds, avec ses gueux magnifiques ou maléfiques.
Grâce à l’astucieuse scénographie d’Emmanuelle Roy, basée sur l’utilisation d’une tournette, ce périple peut parfaitement être visualisé. Les personnages passent en effet beaucoup de temps à marcher.
Deux des membres de la troupe du Français mettent parfaitement en valeur l’esprit du roman.
Tout d’abord Véronique Vella qui campe le jeune Rémy, âgé de huit ans au début du livre.
Elle est on ne peut plus crédible dans le rôle de ce gamin, ballotté par le destin sur les routes de France.
Elle confère à son personnage une candeur, une innocence mais aussi une maturité et une opiniâtreté qui émeuvent souvent les spectateurs.
On connaît les talents de chanteuse de la 479ème sociétaire.
Son Rémi chantera à de nombreuses reprises. La voix claire et très travaillée de Melle Vella fait à chaque fois merveille…
A propos de chanson, un petit regret, tout de même.
La troupe de Vitalis chante sur une petite estrade le dos au public avec des applaudissements enregistrés…
Pourquoi ne pas nous avoir fait participer, nous autres spectateurs ?
J’aurais aimé « jouer le rôle » des spectateurs applaudissant le théâtre dans le théâtre.
Mais bon...
Et puis, il y a Jean Chevalier !
Pour reprendre le cri du cœur de ma jeune voisine de siège avec qui j’étais complètement d’accord, il «illumine le plateau dès qu’il apparaît ». Je la cite.
Chacune de ses apparitions ravit le public.
D’abord marionnettiste du petit singe grâce aux bons et éclairés conseils de Christian Hecq, il interprète ensuite Mattia, l’un des autres enfants du livre.
Le jeune pensionnaire va apporter beaucoup de fraîcheur, mais aussi d’humour, d’entrain et de dynamisme à cette entreprise artistique.
Et ce, dès sa première scène, dans laquelle nous faisons la connaissance de son personnage.
Une formidable entrée sur le plateau, qui relance véritablement le spectacle.
Toujours irréprochable, il nous fait beaucoup rire, notamment avec parfois des faux airs à Bourvil, balayant la scène avec application ou se montrant étonné ou encore outré.
Jean Chevalier, dont j’avais particulièrement apprécié la composition dans le spectacle Fanny et Alexandre qui est d’ailleurs redonné actuellement salle Richelieu, nous démontre une nouvelle fois son grand talent et confirme qu’il est une valeur sûre de la troupe.
Coup de chapeau également à l’équipe technique du Vieux-Colombier, qui a dû mettre en œuvre beaucoup de moyens et de machines pour contribuer à la réussite du spectacle.
(Je vous laisse au passage deviner comment la neige est par deux fois enlevée du rocher central du plateau, sans que nous nous en apercevions… Moi, je n’avais pas réalisé, avant de poser la question et d’obtenir la réponse...)
Même si parfois, on aimerait peut-être qu’un peu plus de punch et de vigueur s’emparent de certaines scènes, il n’en reste pas moins vrai qu’on passe un très bon moment à suivre la quête de Rémi.
Hier soir, les nombreuses jeunes têtes plus ou moins blondes ne boudaient par leur plaisir, tout comme les grands qui les accompagnaient.
10/10
A ça !
A ça près, ce brillant et fascinant spectacle était raté !
Rater ! Ah le noble verbe !
En nos soi-disant modernes époques où la réussite, le succès et la fortune en découlant sont érigés en valeur ultime de l’humanité, Rafaël Batonnet et Michaël Périé, mis en scène par Jean-François Maurier, vont nous faire l’éloge du ratage.
Que dis-je, l’éloge !
Ces trois-là vont faire du ratage une véritable philosophie, un art de vivre et une panacée.
Ces acharnistes nous donnent une véritable leçon : comment s’obstiner à rater tout ce que vous entreprenez !
Et ce, par le biais du théâtre burlesque et de l’art du clown.
Le solennel Also Sprach Zarathustra de feu Richard Strauss a-t-il fini de retentir dans les enceintes du Paradis du Lucernaire, que deux étranges personnages en défroques poussiéreuses pénètrent sur le plateau, le visage fardé de blanc, l’un arborant une bande Velpeau autour du crâne, l’autre une gigantesque poupée au pouce.
Deux espèces de vagabonds surgis de nulle part, un Estragon et un Vladimir des temps modernes.
Et puis surtout, nous pensons immédiatement à Buster Keaton et à Charlie Chaplin !
Les références visuelles sautent aux yeux.
Durant une heure et demi, Rafaël Batonnet et Michaël Périé vont nous faire hurler et pleurer de rire.
Ce spectacle fait en effet fonctionner à plein régime les zygomatiques et les glandes lacrymales associées des spectateurs.
En clowns complètement dépassés par le monde qui les entoure, comme inadaptés à leur environnement, leurs deux personnages vont se lancer dans de vertigineux exercices de mime, d’expression corporelle et d’équilibrisme.
Tour à tour auguste et clown blanc, MM. Batonnet et Périé incarnent de façon hilarante ces deux types confrontés à de « graves » et apparemment insolubles problèmes : enlever un caillou de sa chaussure, faire du café, ouvrir une boîte de conserve, j’en passe et non des moindres.
Leur rapport au mouvement et au geste est fascinant.
Ils réussissent à étirer chacune de ces actions apparemment anodines jusqu’à l’absurde, jusqu’au surréalisme.
Tout le propos de ces quatre-vingt dix minutes est pratiquement là : comment décomposer une action jusqu’à l’extrême, comment rendre drôlissime jusqu’à un niveau de complexité inouï une simple résolution d’un problème de la vie courante.
Ces deux types poussiéreux ont également un rapport étrange au langage : ils s’expriment le plus souvent par onomatopées, provoquant une logorrhée de sons, de bruits, inventant presque un langage. Parfois, pour notre plus grand plaisir, ils se lancent de grandiloquentes tirades verbalisées.
Il y a quelque chose de l’enfance qui ressort de tout ça : on dirait qu’on voudrait éplucher une banane, et qu’on ferait tout pour compliquer cette tâche.
Même qu’on ne ferait pas exprès !
(Attention âmes sensibles, à propos de banane, ce spectacle montre en direct la fin atroce d’un fruit de cette plante monocotylédone vivace de la famille des Musacae...Vous voici avertis !)
Ce faisant, de par cette inadaptation au monde qui les entoure, les deux personnages vont beaucoup souffrir.
Toutes leurs maladresses vont aboutir à des coups, des chocs et autres chutes.
Et nous de rire, certes, mais surtout de compatir. Nous aussi, nous souffrons. A certains moments, nous tremblons même pour eux.
Une gigantesque empathie vis à vis de ces deux malheureux qui ratent tout ce qu’ils entreprennent nous envahit , comme si toutes leurs branquignolades nous plongeaient dans un gouffre de à la fois de perplexité et de ravissement.
L’ambivalence fonctionne à plein régime.
Jean-François Maurier a initié une véritable chorégraphie de tous les instants.
Un travail ô combien millimétré !
Les utilisations des différents éléments de décors tels que des planches, des tréteaux, une petite estrade, ainsi que des différents accessoires comme une casserole, une cafetière italienne ou un moulin à café, ces utilisations surréalistes requièrent une précision phénoménale.
Il a dû en falloir, des heures et des heures de répétition pour que tout s’enchaine de façon aussi précise et aussi fluide.
Le final va être grandiose.
Toujours autant empêtrés dans ce quotidien anodin et pervers à la fois, les deux clowns n’auront de cesse que de vouloir ériger un monument non pas aux morts, mais à ceux qui comme eux auront essayé mais auront tout raté…
Là encore, c’est une séquence magnifique et drôlissime, qui confine à la sublime et poétique dérision.
Car oui, une réelle poésie se dégage de tout ceci. Quand rater devient drôle et poétique...
Il vous reste quelques jours pour assister à ce formidable spectacle, abouti et réussi de bout en bout.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !
A ça près, ce brillant et fascinant spectacle était raté !
Rater ! Ah le noble verbe !
En nos soi-disant modernes époques où la réussite, le succès et la fortune en découlant sont érigés en valeur ultime de l’humanité, Rafaël Batonnet et Michaël Périé, mis en scène par Jean-François Maurier, vont nous faire l’éloge du ratage.
Que dis-je, l’éloge !
Ces trois-là vont faire du ratage une véritable philosophie, un art de vivre et une panacée.
Ces acharnistes nous donnent une véritable leçon : comment s’obstiner à rater tout ce que vous entreprenez !
Et ce, par le biais du théâtre burlesque et de l’art du clown.
Le solennel Also Sprach Zarathustra de feu Richard Strauss a-t-il fini de retentir dans les enceintes du Paradis du Lucernaire, que deux étranges personnages en défroques poussiéreuses pénètrent sur le plateau, le visage fardé de blanc, l’un arborant une bande Velpeau autour du crâne, l’autre une gigantesque poupée au pouce.
Deux espèces de vagabonds surgis de nulle part, un Estragon et un Vladimir des temps modernes.
Et puis surtout, nous pensons immédiatement à Buster Keaton et à Charlie Chaplin !
Les références visuelles sautent aux yeux.
Durant une heure et demi, Rafaël Batonnet et Michaël Périé vont nous faire hurler et pleurer de rire.
Ce spectacle fait en effet fonctionner à plein régime les zygomatiques et les glandes lacrymales associées des spectateurs.
En clowns complètement dépassés par le monde qui les entoure, comme inadaptés à leur environnement, leurs deux personnages vont se lancer dans de vertigineux exercices de mime, d’expression corporelle et d’équilibrisme.
Tour à tour auguste et clown blanc, MM. Batonnet et Périé incarnent de façon hilarante ces deux types confrontés à de « graves » et apparemment insolubles problèmes : enlever un caillou de sa chaussure, faire du café, ouvrir une boîte de conserve, j’en passe et non des moindres.
Leur rapport au mouvement et au geste est fascinant.
Ils réussissent à étirer chacune de ces actions apparemment anodines jusqu’à l’absurde, jusqu’au surréalisme.
Tout le propos de ces quatre-vingt dix minutes est pratiquement là : comment décomposer une action jusqu’à l’extrême, comment rendre drôlissime jusqu’à un niveau de complexité inouï une simple résolution d’un problème de la vie courante.
Ces deux types poussiéreux ont également un rapport étrange au langage : ils s’expriment le plus souvent par onomatopées, provoquant une logorrhée de sons, de bruits, inventant presque un langage. Parfois, pour notre plus grand plaisir, ils se lancent de grandiloquentes tirades verbalisées.
Il y a quelque chose de l’enfance qui ressort de tout ça : on dirait qu’on voudrait éplucher une banane, et qu’on ferait tout pour compliquer cette tâche.
Même qu’on ne ferait pas exprès !
(Attention âmes sensibles, à propos de banane, ce spectacle montre en direct la fin atroce d’un fruit de cette plante monocotylédone vivace de la famille des Musacae...Vous voici avertis !)
Ce faisant, de par cette inadaptation au monde qui les entoure, les deux personnages vont beaucoup souffrir.
Toutes leurs maladresses vont aboutir à des coups, des chocs et autres chutes.
Et nous de rire, certes, mais surtout de compatir. Nous aussi, nous souffrons. A certains moments, nous tremblons même pour eux.
Une gigantesque empathie vis à vis de ces deux malheureux qui ratent tout ce qu’ils entreprennent nous envahit , comme si toutes leurs branquignolades nous plongeaient dans un gouffre de à la fois de perplexité et de ravissement.
L’ambivalence fonctionne à plein régime.
Jean-François Maurier a initié une véritable chorégraphie de tous les instants.
Un travail ô combien millimétré !
Les utilisations des différents éléments de décors tels que des planches, des tréteaux, une petite estrade, ainsi que des différents accessoires comme une casserole, une cafetière italienne ou un moulin à café, ces utilisations surréalistes requièrent une précision phénoménale.
Il a dû en falloir, des heures et des heures de répétition pour que tout s’enchaine de façon aussi précise et aussi fluide.
Le final va être grandiose.
Toujours autant empêtrés dans ce quotidien anodin et pervers à la fois, les deux clowns n’auront de cesse que de vouloir ériger un monument non pas aux morts, mais à ceux qui comme eux auront essayé mais auront tout raté…
Là encore, c’est une séquence magnifique et drôlissime, qui confine à la sublime et poétique dérision.
Car oui, une réelle poésie se dégage de tout ceci. Quand rater devient drôle et poétique...
Il vous reste quelques jours pour assister à ce formidable spectacle, abouti et réussi de bout en bout.
Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas !