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- En tournée dans toute la France
Le Monde d'hier

- Jérôme Kircher
- En tournée dans toute la France
Le Monde d'hier, l'autobiographie de Stefan Zweig, est un livre-phare.
Seul des grands textes de l'auteur de Lettre d'une Inconnue à n'avoir jamais été adapté au théâtre, ce récit d'une vie dans le siècle embrasse toutes les splendeurs et les catastrophes de l'Europe depuis l'époque de la grandeur de Vienne jusqu'à son anéantissement.
A la fois chant du cygne et message d'espoir, ce texte s'y avère d'une poésie et d'une puissance inouïes. Aujourd'hui plus que jamais, la voix de Zweig, éteinte un soir de février 1942, nous manque.
Le projet de ce spectacle, adapté par Laurent Seksik (auteur des "Derniers Jours de Stefan Zweig") et joué par Jérôme Kircher, est de la faire à nouveau entendre et de faire revivre sous nos yeux un monde étincelant et perdu.
J'avais vu ce spectacle -à son tout début- en mars 2016, dans le même théâtre et à l'époque j'avais beaucoup apprécié cette proposition.
Voilà ce que j'en avais pensé alors.
« Un monde qui n'est plus... La Vienne culturelle des Artistes, au tournant du 20ème siècle, telle que l'a connue S. Zweig dans sa jeunesse.
Puis, la mort de cette Europe et ses tragédies: les guerres, la perte de liberté de l'esprit, l'anéantissement des idées et de la civilisation, l'avènement du nazisme et des totalitarismes.
Jérome Kircher, par son jeu sobre, dans une scénographie qui l'est tout autant, à partir de quelques pages, bien choisies et bien articulées, entrouve pour nous l'accès à ce puissant livre-témoignage de S. Zweig. Nostalgique et bouleversant!
Ce spectacle, de grande qualité, outre l'émotion qu'il procure, donne une furieuse envie de se plonger sans tarder dans ce livre-testament pour prolonger le plaisir qu'on a eu à en découvrir de très belles pages »
Plaisir et émotion d'alors ... apparemment non partagés de spectateurs récents.
Je reste pour ma part, et dans mon souvenir, sur quelque chose de fort et d'intense.
Une prise de risque qui a su toucher les spectateurs car la grande salle du théâtre 71 est remplie. Seniors et scolaires se réunissent pour pénétrer ces mots si puissants. Mais l’intensité du récit ne se retrouve pas sur scène.
Jérôme Kircher tente d’occuper ce gigantesque plateau presque nu. On y trouve quelques chaises et des spots. Selon les extraits joués, il va se déplacer d’un point à un autre et changer de position une chaise. L’écriture est juste toutefois on ne se sent pas touché, bouleversé alors que l’on devrait. En partant de la salle, j’entends « j’ai cru que le spectacle avait duré 3h00 », « je n’ai pas tout saisi de l’histoire » ou « je me suis ennuyée ». Et moi aussi je ne ressors pas conquise comme j’ai pu l’être en allant voir des adaptations du « Joueur d’échecs » ou « Lettre d’une inconnue ». D’ailleurs, à la fin de la représentation juste les trois applaudissements de rigueur ont été fait et rien de plus. La mise en lumières de Christian Pinaud m’a intrigué. Sur le sol se projettent des lignes, est-ce une figure des camps de concentration ? une partition où s’écrit la vie de Zweig ? un chemin tracé vers la fuite ? Ces projections se jouent avec les luminaires qui montent ou descendent selon les moments. Une idée assez jolie qui enrobe l’interprétation, tentant de lui donner plus de volume. Un travail qui doit avoir un rendu différent selon la taille de la scène et de la salle. Le théâtre 71 propose un bel espace qui a été utilisé dans sa totalité, chose assez rare.
J'attendais beaucoup de cette pièce, de l'acteur, de la mise en scène. Je suis le travail de Jérôme Kircher depuis une trentaine d'années et malheureusement cette fois-ci j'ai été déçue .
J'ai trouvé qu'il était difficile pour l'acteur de tenir l'épreuve du monologue dans une tonalité minimaliste. Jérôme Kircher représente pour moi un acteur de chair; j'ai du mal à le voir comme un fantôme ...
L'effet du micro, suivi de sa coupure comme une rupture pour finir par un filet de voix comme un dernier souffle, est intéressant intellectuellement mais ne m'a pas convaincue.
L'écoute (difficile) du texte m'a permis de me demander quelle était la part de responsabilité de Stefan Zweig en tant qu'intellectuel, face aux montées des fascismes.
Le comédien est seul sur scène sans décor et avec une chaise qu'il va balader sur la scène dans une ambiance lumineuse crépusculaire, tout parait gris, fade, sans relief.
La restitution du texte aurait pu être plus vivante et dynamique. J'aurai volontiers vu un Stefan Zweig narrateur d'un certain âge et un autre comédien incarnant sa jeunesse.
Le pacte autobiographique du Monde d’hier se veut sans détour : loin de la visée narcissique traditionnellement associée au genre, Zweig souhaite rendre compte de l’amoncellement d’épreuves et de catastrophes endurées. Laisser une trace à la postérité en se faisant le porte-parole d’une génération marquée du sceau du traumatisme. Articulé autour d’une tension entre l’enfance dorée et heureuse au sein de l’intelligentsia viennoise et la violence des guerres, cette confession marque l’itinéraire d’une société en perte de repères, apatride et chassée de son paradis perdu. Le décalage entre la paix et la boucherie ; le cosmopolitisme et la ségrégation ; la liberté de pensée et le culte totalitaire, frappe. Rilke, Rodin, Beethoven côtoient Hitler.
L’abus de sobriété nuit à la santé
Jérôme Kircher se projette sobrement en Zweig : les troubles affleurent sans pathos, la dignité désabusée est belle et limpide. Cependant, la ligne interprétative stagne et l’on pique du nez parfois. La mise en scène, trop discrète, ne brille pas par son audace : elle paraît presque inexistante. Un fond sonore quasi inaudible ; des déplacements hasardeux de chaise pour tenter combler un immobilisme pesant ; un livre pioché sur une étagère histoire d’occuper les mains… Tout cela semble un peu léger et triste : un thème lourd à porter ne signifie pas pour autant une adaptation scénique rigide et guère imaginative.
À trop vouloir verser dans la sobriété, ce Monde d’hier pêche par manque de mordant. Malgré un texte fort et qu’il est nécessaire de lire, cette version 2016 devient presque léthargique à force de statisme. Jérôme Kircher se débrouille plutôt bien en narrateur-acteur déboussolé mais l’attention se délite faute de peps.