- En tournée
- En tournée dans toute la France
La Femme Rompue

- Josiane Balasko
- En tournée dans toute la France
La parole donnée à une femme qui, anéantie et déchirée, se venge par le monologue. Elle laisse jaillir sa rage, la douleur des souvenirs et son lot de culpabilité qui remontent à la surface.
Seule, un soir de réveillon, quand tous les autres jouissent aveuglément de leur confort affectif et social, et que l’habitude de se taire n’est plus possible, elle peut enfin crier et s’opposer à cette violente idée du bonheur que nous impose le monde.
Cette femme, c’est Josiane Balasko, « cette petite bonne femme franche intrépide intègre » comme dit Beauvoir. Une actrice rugueuse qui ne minaude pas pour séduire ni pour attirer la compassion. Une femme de caractère. Sans concession. « Une femme vraie, qui ne joue pas le jeu ».
Bouleversante, elle cache sa sensibilité. Comme si baisser sa garde pouvait la fragiliser. Une partition sous forme d’autoportrait.
Il en faut du talent pour pouvoir jouer un tel personnage, d'une puissance et d'une force rare en laissant entrevoir les fêlures et les regrets d'une vie.
Un bémol cependant, l'adaptation du texte par Hélène Fillières donne une dimension toute différente au texte de Beauvoir. Alors qu'on nous présente une femme presque odieuse et qu'on pourrait imaginer "responsable" de sa situation, Simone de Beauvoir a un regard moins dur où l'auto-deception est la cause de tous les maux.
De quoi s’agit-il ?
C’est un soir de réveillon. Comme emmurée dans son appartement, une femme, qui entend les bruits des fêtes données alentour, va hurler sa douleur. Son insupportable douleur. D’être une femme vieillissante et d’être seule. Pour avoir été abandonnée par les siens, tous les siens, par sa fille, qui s’est suicidée à cause d’elle, par son mari, qui l’a quittée depuis, et par son fils, dont elle n’a pas eu la garde.
Couchée sur son lit, et parce qu’elle n’arrive pas à trouver le sommeil, cette femme, « rompue », fracassée, mise en miettes, va, avec des mots d’une violence et d’une crudité folles, cracher son désespoir, et vitupérer sa haine envers le monde entier. L’exercice, qui va comme pétrifier le public, va durer une heure dix.
Pour donner chair à cette terrible femme de papier inventée par celle qui fut à la fois une grande philosophe et une féministe avant-gardiste, la metteuse en scène Hélène Fillières a cherché une actrice intrépide, une comédienne qui se fiche comme d’une guigne de faire la coquette pour sauver « les meubles ». Et elle a pensé à Josiane Balasko. La comédienne de « Gazon maudit » et de « Nuit d’ivresse » a accepté la gageure. La voici donc sur scène, à mille lieues des personnages « comiques » que « son » public affectionne, et elle s’y montre extraordinaire. De force. De lucidité. D’authenticité. Bloc de haine et de dégoût d’elle même, aussi, ce qui finit par la rendre touchante.
Tant de malheurs accumulés. Tant d’échecs… Et ce temps qui passe, et qui fait qu’une femme, quoiqu’elle ait accompli, est de toutes façons, inexorablement délaissée … Derrière Balasko, c’est Beauvoir qui surgit, et c’est bouleversant.. (En tournée).