L'interview d'un troupeau d'élans pas facile !

 

'Les Élans ne sont pas Toujours des Animaux Faciles' est une pièce de théâtre drôle et complètement absurde dans laquelle trois hommes très élégants en costume-cravate dialoguent autour d'un verre. Ils entrecoupent leurs conversations à dormir debout de superbes morceaux de musique. L'élan A, Pascal Neyron est à la guitare, l'élan B Benoit Urbain au piano et l'élan C Emmanuel Quatra au valisophone. Leur berger-metteur en scène se dénomme Laurent Serrano.

 

Nous avons eu un véritable coup de coeur pour leur spectacle loufoque, si bien que nous crevions d'envie d'en apprendre un peu plus en allant à la rencontre du troupeau dans son milieu naturel (au Théâtre Michel) !

 

Groupies fanatiques, c'est plein de bave autour de la bouche que nous galopions à cette interview. 

 

 

 

  Pascal Neyron (en violet), Emmanuel Quatra (en vert) et Benoit Urbain (en orange)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chers élans, j’avoue avoir eu un peu peur que la pièce s’adresse exclusivement à un public très pointu la première fois que j’ai lu ce titre intrigant. Comment rassurer les lecteurs qui auraient le même a priori injustifié et condamnable ?

 

Pascal Neyron : Pour rassurer vos lecteurs, il n’y a pas à avoir peur de regarder ce spectacle ! Il est extrêmement accessible.

La preuve qu’on en a c’est que nous avons une palette de publics très diversifiée. Des gens qui viennent voir des pièces très grand public d’habitude, qui se sont retrouvés dans notre spectacle plus ou moins par hasard et qui en sont sorti très contents. On a eu le public averti qui nous connait, qui connait le travail de Laurent Serrano. On a eu un public politique d’à peu près tous bords, de l’extrême droite à l’extrême gauche.

 

Laurent Serrano : J’espère qu’on n'a pas eu trop d’extrêmes.

 

J’espère aussi qu’ils n’ont pas trop instrumentalisé votre pièce...

 

Laurent Serrano : (Rires) Non ! Parce qu’on ne peut pas trop politiser la pièce !

Ce n’est pas un spectacle qui fonctionne sur des références. Il ne faut pas être plus intéressé que ça à la zoologie, à la chasse ou au Grand Nord. Il faut se laisser aller. Ce qui nous a motivé c’est le plaisir, dans le choix des chansons…

Et pour revenir au titre, en fin de compte on l'a choisi parce qu’on n’en avait pas ! On a fait un sondage avec les auteurs pour le trouver. Celui-là nous a paru bien.

 

Emmanuel Quatra : Il fallait que le titre soit à l’image du spectacle. Que pour nous il illustre la pièce ! Elle est loufoque donc il fallait que le titre le soit aussi.

 

 

 

Comment se fait-il que les élans ne soient pas toujours des animaux faciles ?

 

Laurent Serrano : Même nous on ne le sait pas trop !

 

Pascal Neyron : Disons qu’il apparaît que c’est une forme de parabole sur l’être humain, c’est que la relation à l’autre n’est jamais facile. Les trois personnages de la pièce, entre eux, ne sont pas des animaux faciles.

 

 

Que pensent les élans de votre spectacle ?

 

Emmanuel Quatra : On aimerait bien pouvoir aller dans le Grand Nord jouer le spectacle !

 

Laurent Serrano : On n’a pas encore eu un public d’élans et c’est purement une question de rentabilité. Malheureusement ce n’est pas possible, on ne peut pas mettre des élans au Théâtre Michel. Au niveau de leurs bois, ce n’est pas du tout rentable d’avoir une salle remplie d’élans. Parce qu’en fin de compte ils prennent trois sièges chacun.

 

Laurent Serrano

 

 

 

 

Est-ce le symptôme d’un esprit torturé si cela nous plaît de ne pas comprendre certains passages absurdes de votre pièce ?

 

Emmanuel Quatra : Je trouve qu’il y a une énergie qui se dégage de la pièce à laquelle il ne faut pas chercher à donner du sens.

 

Pascal Neyron : C’est le plaisir de la liberté ! C’est une autre réalité. Nos personnages ne sont jamais dans l’ironie. Ils ne blaguent pas du tout, sont toujours très sérieux.

 

Laurent Serrano : Il faut se laisser aller ! Tout n’est pas expliqué, il me semble que tout est compréhensible. Quand ils remarquent que les mots croisés sont soit debout soit couchés selon leur état de fatigue, je pense qu’il ne faut pas chercher plus loin que l’image.

Et j’espère que pendant les passages musicaux les gens ne se disent pas… 'Mais attend là ça voulait dire quoi ce dialogue !?'

On part d’un décalage et puis on déroule la pelotte. On va au bout du décalage pour voir là où ça nous emmène.

 

Benoit Urbain : Je crois qu’on a tous des moments de fantaisie pure. Vous dansez parfois chez vous ? Je crois que c’est de cet ordre là. C’est une pulsion. Donc qu’on ne comprenne pas ces moments là c’est normal.

 

 

Vous nous montrez de nombreux talents dans cette pièce…

 

Pascal Neyron : Et encore, vous n’avez pas tout vu !

 

...Avez-vous plutôt été séléctionnés pour vos qualités de chanteurs, musiciens, comédiens ou cruciverbistes ?

 

Laurent Serrano : C’est très très simple, je connaissais leurs talents de chanteurs, musiciens et comédiens. Je travaille avec eux depuis très longtemps.

Pour moi, faire appel à Benoit Urbain c’était l’assurance tout risque parce que…

 

Benoit Urbain : Si vous voulez, vous pouvez le surligner dans l’interview. (Rires)

 

Laurent Serrano : Quand on a commencé on avait les textes, aucune musique et puis on a travaillé, tout ça s’est mis en place. La musique sert un peu de fil rouge, sans illustrer pour autant les propos, les morceaux amènent une émotion qui nous permet de faire avancer l’histoire.

 

 

Monsieur Quatra, faut-il avoir fait du solfège pour pouvoir jouer du valisophone ?

 

Emmanuel Quatra : Non mais disons que quand on fait de la musique on fait forcément du solfège et on passe invariablement par du solfège rythmique. En fin de compte ce n’est pas très compliqué car je suis les bases que Benoit fait au piano.

 

Pascal Neyron : Tu as quand même fait 7 ans de valisophone, tu ne le dis pas mais…

 

Emmanuel Quatra : Hier soir en jouant, je me suis fait des cornes, j’avais vraiment mal aux doigts.

 

Benoit Urbain : L’élan n’a pas que des cornes sur la tête !

 

 

Je serais très curieux de savoir ce que font vos trois personnages dans la vie ?

 

Emmanuel Quatra : On ne l’a pas imaginé dans la construction du personnage. On a l’impression que ces trois là ne sortent jamais de leur salon. On se demande d'ailleurs si ce salon n'est pas dans une cave.

 

Laurent Serrano : Est-ce qu’ils ont une vie en dehors de ça ?

 

Benoit Urbain : C’est tout le problème de la pièce, ils aimeraient agir mais n’agissent pas. Ce n’est pas certain qu'ils aient une vie après ça, ils restent ensemble parce que leur vie est là. Sans le trio, ils ne sont pas grand-chose.

 

Laurent Serrano : Leur vie est fantasmée. Cette voisine dont ils parlent tout le temps est-ce qu’elle existe vraiment ? On ne le sait pas…

 

 

En parlant de fantasme, dans cette pièce, vous dites qu'énormément de personnes abritent en elles un extraterrestre. Comment être certains que nous, notre chien, notre concierge, notre charcutier ne soyons pas habités ? 

 

Pascal Neyron : On ne l’est vraiment jamais. Même entre ces personnages… Il y en a bien un des trois qui est habité !

 

Benoit Urbain : Il y a des questions qu’il faut se poser,  est-ce que vous avez chaud à l’intérieur ?

 

Emmanuel Quatra : Moi je suis peut être habité !

 

 

 

 

 

  

Monsieur Quatra, quelle est votre réplique préférée dans la pièce ?

 

Emmanuel Quatra : J'éprouve toujours beaucoup de plaisir à entendre la réplique dans laquelle est dit le titre de ce spectacle.

C’est Benoît qui dit "je croyais qu’elle voulait faire un élevage d’élans...", il y a toujours une petite réaction du public qui se dit "ah oui d’accord", c’est ça qui est jouissif !

 

 

 

 

Comme je suis journaliste ma rédaction m'oblige à poser une question de journaliste...

Je m'excuse donc par avance mais vais conclure comme ça.

Alors Benoit Urbain… Émoi, sagesse, passion, dérision, vaudeville, cinéma, Hollywood, vous avez travaillé avec les plus grands, une belle carrière, de grands sourires, une crise économique grave, bravo. Aujourd'hui qu'est-ce qui fait que vous en êtes arrivé là, parmi nous, dans cette salle de théâtre aux rideaux rouges ? Ce que je me demande c'est comment est-ce qu'on garde les pieds sur terre quand le succès vient frapper à sa porte ? Quelle heure est-il, maintenant ? Quelles sont vos influences ? Recouchez-vous avec votre ex ? Un reporter a dit que votre spectacle était "absurde et très swing" vous souhaitez sûrement commenter (j’ai besoin de scoop sinon je me fais virer) que voulez-vous lui répondre aujourd’hui, devant nous, ce soir ? Merci

 

Benoit Urbain : Quelle ex’ ? Les pieds sur terre oui très certainement, le travail et l’humilité, ça fait du bien.

Ce qui est passionnant c’est que c’est l’histoire d’une vie, je fais cela depuis que j’ai cinq ans et demi. Je ne vais pas vous raconter ma vie ?

C’est le plaisir de faire ce que l’on aime. C’est assez génial de faire ce qui nous plaît.

 

 

 

 

 

Merci beaucoup à Pascal Neyron, Emmanuel Quatra, Benoit Urbain et Laurent Serrano pour cette interview très sympa.

 

Alors, convaincus par c'te troupe d'élans ?

Retrouvez toutes les informations sur la pièce !

 

 

 

LES CHANSONS DU SPECTACLE :

 

Chanson d'Automne (P. Verlaine - Ch. Trenet)

They Can't Take That (I. et G. Gershwin)

Yellow Train (B. Urbain)

Home at Last (St. Dan)

The Girl Next Door (R. Blane et M. Hugh)

Extraterrum (B. Urbain)

I Wonder Why (M. Anderson et R. Weeks)

Anne-Laure Song (B. Urbain)

Summertime Blues (E. Cochran)

Une Bouteille à la Mer (Cl. Nougaro et M. Vander)

 

 

 

NOS DERNIERS ARTICLES :

 

Le syndrome de la tête d'affiche

L'homosexualité au théâtre

L'interview décalée de Régis Mailhot

Nos 10 idées pour la cérémonie des Molières

 

Crédit photos de l'article : © Cie Laurent Serrano 

L'article vous a plu ? Attribuez-lui un Mini-Molière !