Interview : Régis Mailhot vous immunise contre Ebola

 

Régis Mailhot ? Vous avez sûrement déjà entendu cet humoriste politique et caustique sur RTL en fin de matinée où il chronique l’actualité chaque jour de la semaine.

Nous l’avons rencontré dans la très moderne salle Le Sel de Sèvres pour qu'il nous parle de son dernier one man show Reprise des Hostilités, en tournée dans toute la France.

 

 

 

 

Dans son one-man-show, nous sommes tristes d'apprendre qu’il veut tout arrêter. Il explique son départ : trop difficile d'être humoriste dans le contexte sociétal actuel. Il dresse un portrait assez fin du monde qui nous entoure, défend des idées intéressantes. Son regard atypique sur le monde lui avait valu la Récompense AuBalcon du meilleur humoriste politique l’an dernier.

 

La scène est encombrée de ses cartons et de ses feuilles de sketches. En attendant qu’il parte vraiment, les spectateurs rient à gorge déployée et il y en a pour tous les goûts ! Des blagues un peu grasses à l’humour très subtil et recherché… 

 

 

TRÈVE DE BAVARDAGES, REPRISE DES HOSTILITÉS

 

 

 

 

Monsieur Mailhot, tout d’abord, pourquoi appeler votre spectacle Reprise des hostilités alors qu’il est si tentant de le baptiser d’un jeu de mots avec votre nom, comme un one man show sur deux ? Vous auriez pu l’appeler Ketchup Mailhot, J’enlève le Mailhot…

 

Écoutez je pense que ces deux titres que vous venez de citer je vais les prendre pour le prochain spectacle ! J’avais hésité entre Mailhot n’a pas peur de se mouiller, Mailhot dernière épilation, ou encore Il tombe le Mailhot, Mailhot deux pièces…

Les jeux de mots je me suis dit que les journalistes s’en chargeraient à ma place !

 

 

 

Pourquoi aller rire à votre spectacle alors que des gens meurent tous les jours dans le monde ?

 

Justement ! Si vous allez voir mon spectacle vous serez immunisé contre le virus Ebola. C’est un mensonge mais comme tout le monde ment ce n’est pas grave. Maintenant je ne vois pas pourquoi je me priverais de faire un petit buzz si ça peut me ramener des gens.

En venant vous serez même exemptés de la première tranche d’impôt. C’est uniquement pour des raisons individualistes qu’il faut venir.

 

Mon spectacle est politique au sens offensif et sociétal du terme.

Je fais aussi une revue de presse à la fin parce que beaucoup d’auditeurs, de téléspectateurs me connaissent pour le commentaire à chaud de l’actualité donc je leur amène ça. Mais j’essaie surtout de faire un spectacle qui soit un reflet d’époque.

 

 

Si écouter une chronique de Régis Mailhot fait l’effet d’un shoot de cocaïne, quels sont les effets secondaires d’un spectacle entier ?

 

La descente ! (rires)

Non, il n’y a pas de risque, j’ai arrêté à la frontière, je me suis dit il faut mieux faire l’euphorie que l’overdose.

Voilà c’est une drogue qui n’est pas nocive pour la santé, le rire. Quoi que, certains voudraient nous faire penser l’inverse.

 

 

Justement, vous dites dans votre spectacle que vous recevez beaucoup de courriers d’associations mécontentes. Est-ce que recevoir des plaintes des associations de défense de tout et n’importe quoi signifie qu’une blague est réussie ou que vous devrez l’enlever de votre spectacle ? 

 

Recevoir du courrier ce n’est pas forcément une caution de talent mais ça montre comme le disait Jean Yanne qu’on n’arrête pas la connerie.

Et j’ai reçu des courriers d’écolos qui dépensent beaucoup de papier pour… C’est vrai que tous les censeurs de tous genres ont tendance à utiliser la plume ou les réseaux sociaux. Parce que maintenant comme ils ne savent pas écrire ils tweetent.

 

Vous leur répondez ?

 

Non puisque le plaisir des professionnels de la vertu c’est justement d’exister. Donc je ne vais pas leur donner ce plaisir !

 

 

Comme vous le faites remarquer dans votre spectacle, pourquoi traiter quelqu’un de fasciste ou de bobo est devenu l’insulte imparable qui ferait perdre ses moyens au meilleur d’entre nous ?

 

Ah oui le fameux point Godwin*. C’est terrible parce qu’on vous lance l’anathème. C’est-à-dire on vous condamne avant de vous juger. Ce qui est formidable c’est que c’est souvent ceux qui prônent la tolérance qui n’ont pas un échantillon sur eux et qui utilisent des méthodes moyenâgeuses. Donc on a du bol.

C’est bien la démocratie mais on vous traite de fasciste, bobo. Vous savez quand on n’a pas de talent on a du vocabulaire !

 

*Cette loi énonce que « plus une discussion dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s'approche de 1 ».

 

 

Existe-t-il un sujet sur lequel vous n’osez pas rire ?

 

Je n’ai jamais fait de la compétition à la provoc’. J'en ai horreur parce que c’est une méthode marketing. Certains s’en servent, font du buzz plus pour le spectacle. Mon but à moi c’est d’aller dans les zones d’inconfort. Parce que c’est là ou s’immisce la peur, la gêne…

Donc je ne m’interdis aucun sujet mais ce n’est pas pour ça que je me les autorise tous.

 

 

 

 

PAS FACILE LE MÉTIER D’HUMORISTE

 

Comment devient-on humoriste lorsque l’on n’appartient à aucune minorité ? N’êtes-vous pas comme un produit sans code barre, un animal sans tatouage ? Sarkozy sans talonnettes ? 

 

C’est un peu ça oui. J’ai choisi la voie la plus difficile. Quoi que j’appartiens à la minorité des auvergnats et on n’est pas énormément de comiques auvergnats. (Rires) D’ailleurs j’ai bien vu vous vous êtes moqué quand vous êtes rentré dans la pièce. Vous vous êtes dit « Tiens lui avec sa tête d’auvergnat ! » alors que je n’ai même pas l’habit traditionnel.

Oui je n’ai pas été élevé en cité, je ne suis pas arabe, j’ai fait ma communion, même pas ma bar-mitzvah, je ne suis pas écolo. Je ne suis même pas comique de gauche quoi… Oui parce que comique de droite c’est interdit par la loi.

Donc c’est compliqué je n’ai pas trouvé mon petit fond de commerce de bien pensants. Mais c’est ce qui fait qu’aujourd’hui j’ère dans des cabarets. (Rires)

 

 

Est-ce que ce n’est pas trop de pression d’être humoriste dans la vie de tous les jours, quand on va acheter une baguette ou faire ses courses chez Carrefour, quelle que soit la situation les gens attendent de vous que vous les fassiez rire ?

 

Faire marrer son boucher ou sa boulangère... Ouais mais on ne va pas demander à un plombier de déboucher un évier à chaque fois qu’il est invité chez des amis.

J’ai une notoriété radio et comme je ne suis pas très showbiz ce qui est bien c’est que quand je suis reconnu c'est plutôt pour des bonnes raisons. Ce n’est pas « ah je vous ai vu à la télé vous aviez une chemise rouge ! ». Donc ça c’est plutôt sympa.

 

Et j’ai la chance ou la contrainte de devoir faire rire au quotidien avec la radio. Donc je n’ai aucun besoin intrinsèque d’être l’amuseur de galerie et l’animateur des banquets. Mon besoin de faire rire est assouvi par la scène, par l’écriture. Au contraire j’aime plutôt qu’on me fasse rire.

 

 

L’humoriste politique se réjouit-il autant de la crise politique qu’un spéculateur de la chute du cours du blé ?

 

Je disais ça de Sarkozy mais je peux prendre exactement la même formule de François Hollande… C’est quand même le seul président qui aura donné plus de travail aux humoristes qu’aux Français !

 

 

Nicolas Machiavel a dit qu’en essayant d’être trop proche de son peuple on s’expose à ses moqueries. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

 

Evidemment, il y a toujours eu dans le pouvoir une sorte de fantasme politique d’être proche du peuple et de le tester.

Ce qui m’a toujours fait marrer c’est l’homme politique qui va à la rencontre des Français. Bon avec 12 caméras et 3 conseillers de com’. Sauf que l’exercice est aujourd’hui devenu compliqué à cause de l’hyper médiatisation et l’hyper spectacularisation de la politique.

En fait le temps politique a vraiment un retard sur le temps de la société. Quand un politique parle de vrais gens ça me fait toujours hurler, ça m’hérisse le poil. Je leur dit venez à mon spectacle voir comment le public réagit. Et voir sa versatilité aussi, il faut faire attention à ça !

 

 

Est-ce comme au théâtre où les comédiens ratés deviennent critiques, devient-on humoriste politique lorsque l’on a raté sa carrière de politique ?

 

Mais je trouve qu’ils sont beaucoup plus drôles que moi. Ils sont beaucoup plus drôles donc non. C’est vrai d’ailleurs quitte à être gouverné par des rigolos on devrait mettre des guignols à la tête du pays. Autant être gouverné par des professionnels.

Non non je n’ai aucune ambition de politique. Je ne dénigre pas la classe politique dans son ensemble, c’est une forme d’élite, plutôt d’aristocratie médiacratique pour faire un mot compliqué.

 

 

Est-ce que certaines personnalités que vous avez critiquées risqueraient de vous casser les dents si elles vous croisaient dans la rue ?

 

Non, je suis toujours du côté des sans-dents moi donc non. (Rires)

Il n’y a pas un grand courage du côté des personnalités publiques. Mais je suis dans la férocité pas dans la méchanceté. Parfois j’ai pu être un peu sur ce registre car la chronique est un exercice périlleux mais je ne veux pas blesser.

Je ne supporte pas le côté humoriste qui se prend pour un juge d’instruction, ça c’est insupportable !

 

 

Qui est le plus neutre entre un journaliste politique et un humoriste politique ?

 

Souvent le journaliste politique a la reconnaissance du ventre, voir du bas ventre.

La connivence est importante. Je croise les politiques mais on ne déjeune pas aux mêmes tables. Jamais.

 

 

Préférez-vous l’humour d’Angela Merkel ou de Cyril Hanouna ?

 

Quand on apprécie l’humour allemand, allemand de l’est hein… C’est qu’on a une vie intérieure forte !

Mais « Touche pas à mon chleu » ça pourrait être pas mal. Et Cyril Hanouna est capable d’en faire une émission !

 

 

Eh oui nous adorons poser une question sur Cyril Hanouna quand nous rencontrons un humoriste. Allez savoir pourquoi.

 

Nous vous conseillons donc fortement, pour éviter toute contamination au virus Ebola, d’aller voir Régis Mailhot qui fait sa grande tournée française :

 

14/11/2014 : Gonfreville de l'Orcher

20/11/2014 : La Forêt Fouesnant

21/11/2014 : Plancoët Plelan

22/11/2014 : Carquefou

29/11/2014 : Montceau les Mines

04/12/2014 : Cognac

05/12/2014 : Ruffec

06/12/2014 : St George de Didonne

13/12/2014 : Serris

18/12/2014 : Lorient

09/01/2015 : Savigny sur Orge

Crédit photos : Jean-Michel Grard

 

 

 

 

 

 

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