Critiques pour l'événement Une Folie
19 juin 2016
8,5/10
20
A cour, un fauteuil de réalisateur au nom de Sacha Guitry trône fièrement sur le plateau.

Ce clin d’œil scénographique s’insère parfaitement dans cette petite pièce où le docteur Flashe étudie les plans de sa future demeure dans le sud. Dans son cabinet, il se prépare à tout quitter, y compris son infirmière et ses petites manies. Mais le couple Jean-Louis/Missia vacille et le psychiatre va se retrouver pris dans une psycho-folie qui le dépasse. Olivier Lejeune est époustouflant dans ce rôle démentiel et éclipse même ses camarades à chacune de ses impeccables interventions.

Pour sa troisième pièce de théâtre, Lola Dewaere campe avec justesse la « tornade slave » tandis que Manuel Gélin semble un peu fade à ses côtés en mari chancelant. La lumineuse Alice Carel incarne Valentine, l’infirmière amoureuse du docteur tandis que Mathilde Hennekinne (qui joue en alternance avec Marianne Giraud) est une tapissière avec une belle âme d’enfant teintée d’une douce naïveté.

La mise en scène dynamique de Francis Huster, à la fois sobre et épurée se montre particulièrement efficace. Tout y est fluide et l’ensemble ne souffre d’aucune longueur. Dirigeant parfaitement ses acteurs, il ne laisse rien au hasard. Dans cette folle aventure, « on se ment bien plus à soi-même qu’aux autres ». Pour s’en sortir, le couple central devra se marier pour faire un pas de géant vers le divorce, solution idéale et durable afin de retrouver leur liberté. Notons la superbe tirade finale du docteur Flashe qui transcrit la parole de son cœur à l’unisson et permet de faire entendre la pensée visionnaire de Sacha Guitry sur le sujet. De nos jours, parler du divorce n’est plus tabou mais ça l’était dans les années 30.

Son audace se montre payante dans une pièce délicieuse où le bonheur et la folie s’unissent dans le sacrement du divorce.

Une folie est une pièce enivrante qui souligne avec brio tout le génie et la réflexion intelligible, résolument moderne de Sacha Guitry. Le texte, acéré et percutant, brise le tabou du divorce, alors source de scandale, grâce à des répliques savoureuses qui allient humour et justesse, défendues avec justesse par une distribution de qualité bien que cela manque parfois légèrement d’engagement et de naturel.

Cependant, nous passons un moment très agréable dans cette histoire où l’amour est le moteur de toute une vie, conditionné pour ne pas durer éternellement mais pour nous faire avancer sur le chemin de l’existence.
8 juin 2016
9/10
20
Une agréable et caustique Folie au Théâtre Rive Gauche.

L’écriture de Sacha Guitry, détournant les règles du jeu pour gager sur son propre style, fait toujours mouche dans ses répliques saillantes et précieuses à l’élégance désuète du charme de la dérision.

Cette pièce est écrite et jouée en 1938, sous le titre Un Monde Fou puis retouchée et recréée en 1951 sous celui que nous connaissons. Guitry y fait la nique aux relations d’amour bourgeois où les notions de mariage et d’adultère jonglent avec humour et humeur, jusqu’à faire un éloge pompeux et hilarant du divorce.

Le psychiatre Flache reçoit dans son cabinet un couple qui bat de l’aile. L’un et l’autre disent l’autre est fou. L’infirmière, ex-patiente du psychiatre, n’a pas fini sa guérison et se retrouve dans les jambes de ce trio. Une vendeuse du magasin d’ameublement viendra pour prendre des mesures et pour donner prétexte à des quiproquos savoureux. Tout ce monde baigne dans une douce folie.

Le texte classieux et adroit de Guitry joue sur tous les tableaux du vaudeville boulevardier. Du coquin à la farce, en passant par les traits moralisateurs et les monologues truculents aux tirades bien senties.

La mise en scène de Francis Huster est savamment sobre, simple et juste, permettant au texte de prévaloir. Aucun accessoire ou élément de décor ni aucun effet ne viennent parasiter la structure de la dramaturgie centrée sur les répliques avant tout. La musique de Raphaël Sanchez joue son rôle de mise en valeur du texte, façon enchaînements de numéros de music-hall, un rien kitch, dans le ton de l’ensemble.

La distribution est vivante et en verve : Olivier Lejeune, Lola Dewaere, Manuel Gélin, Alice Carel. Sans oublier Mathilde Hennekinne, impressionnante de force comique, en alternance avec Marianne Giraud. Tous s’amusent et nous amusent avec grâce et justesse.

Des sourires en permanence, des rires qui fusent, nous apprécions les délices de cette langue théâtrale unique et brillante propre à l’auteur bien servi ici par un spectacle sympathique et charmant.