Critiques pour l'événement Nationale 666
18 avr. 2016
9/10
68
1981 : Sophie est sur le point de se marier et d’unir sa vie pour toujours à Paul.

Ayant du mal à intégrer le prénom de son futur époux qu’elle s’obstine à appeler Pierre, cela semble cependant mal parti. Et quand même le curé de la cérémonie s’en mêle, la journée vire au cauchemar. Alors, au moment crucial, la jeune femme fuit précipitamment une vie qui semble déjà toute tracée. Elle entraîne dans son errance très rock’n’roll, Louise et Angélique, deux amies parasites dont elle cherche à s’affranchir mais qui lui seront d’un précieux soutien sur le chemin entrepris à la quête d’elle-même au terme d’un long périple où elle s’apercevra que l’on est souvent seule sur la route de la liberté et de l’épanouissement jusqu’à trouver la place qui nous convient. Mais pour obtenir ce résultat, le parcours est souvent semé d’embûches et Sophie va l’apprendre à ses dépens : « j’ai cru qu’à deux je me trouverai » avoue-t-elle avant de prendre la décision de tourner la page pour écrire un nouveau chapitre de sa vie.

Il y a deux catégories de comédies : les divertissantes et celles qui font rire tout en apportant une réflexion derrière. La pièce Nationale 666 fait évidemment partie de ce second groupe. Qui n’a jamais ressenti l’angoisse au moment de s’engager et de prendre une décision importante ? Mais ce qui fait la force du texte percutant de Lilian Lloyd, c’est qu’il n’est pas du tout dans le registre moralisateur. Au contraire, c’est par l’humour qu’il ouvre la réflexion intime et personnelle qui en découle en sortant de la représentation. Sur le plateau, il peut compter sur un trio de comédiennes épatantes et énergiques, qui se complètent dans un rythme effréné. Il y a tout d’abord Sonia Bhé, qui donne vie à la sympathique Sophie, la mariée hésitante. Meringuée dans sa robe blanche, elle attire très vite notre empathie par ses doutes et son côté maladroit qui veut bien faire. A ses côtés, deux caractères très distincts : Angélique (excellente Victoria Grosbois qui se montre parfaite sans tomber dans une mauvaise caricature), une catholique ultra-coincée qui ne fait jamais un pas de travers et Louise (irrésistible Virginie Georges en bonne copine que l’on voudrait trouver plus souvent) une délurée au look affirmé qui prône le féminisme comme affranchissement d’une vie dictée par les codes d’une société de masse.

L’une sera comme un ange gardien qui veille sur une jeune femme en perdition, telle la voix de la raison, et l’autre, jeune femme déjantée, une sorte de petit démon venu titiller sa bonne conscience. Sur une mise en scène extrêmement épurée, mettant l’accent sur le texte et les personnages hauts en couleur, la bande-son très rock nous comble avec pertinence et séduction. Et même si « être mal aimée c’est toujours mieux que de ne pas être aimée du tout », il faudra bien parcourir le chemin qui mène à la connaissance de soi. Pour cela, les scènes excellentes se succèdent et nous savourons cet instant salvateur composé de tableaux savamment dosés.

Lilian Lloyd propose une comédie à la saveur acidulée qui pétille sous l’action des trois comédiennes d’un naturel déconcertant. Le retour au point de départ pour une mise au point aux allures de point final à une histoire qui fait grandir avant de reprendre la route est particulièrement réussi. Comme le dit Sophie, il « faut bien finir par retirer les petites roulettes à l’arrière » et nous souhaitons une très bonne continuation à toute l’équipe de la Nationale 666, sur la route du succès.
29 mars 2016
8/10
69
Une petite comédie légère aux allures de fable moderne divertissante.

C’est le grand jour pour Sophie. C’est son mariage. Tout est prêt. Le traiteur a livré. La belle-famille est là. Les invités attendent la petite larme qui fera tout. Même le curé s’est chauffé la voix. Il n’y a plus qu’à dire oui !... Et ben non, ce sera non !

Sophie préfère quitter l’église avant que ses malheurs l’engloutissent. Elle s’enfuit, Sophie ! Poursuivie de ses deux démones (non, pas Anémone et Simone ! Louise et Angélique) (bon, il faut faire un petit effort pour suivre, d’accord ?).

C’est l’échappée belle sur la route nationale 666, celle qui conduit vers l’émancipation, qui ouvre les portes de la libération. Grâce à ses deux comparses fantasmagoriques, représentant le bien et le mal (Et qui sont-elles ? oui ! Louise et Angélique ! Ça y est c’est bon, j’en étais sûr), elle brisera un à un les verrous la conduisant au lâcher prise et lui apprenant à vivre pleinement sa vie.

La pièce de Lilian Lloyd se révèle sans prétention, jonglant avec les codes actuels et tordant le cou aux stéréotypes sur la sexualité, l’amour à deux et la conjugalité. Elle secoue les branches de la normalité pour voir ce qu’il reste du bien et du mal, de la raison et de la passion, une fois les tabous et les conventions tombés. Même si nous pourrions attendre de cet argument intéressant un travail d’écriture plus approfondi, sortant les répliques du ton « café-théâtre », l’ensemble fonctionne plutôt bien. La mise en scène assurée par l’auteur choisit un parti-pris simple et sans artifice, mettant en valeur plus les textes que les situations.

Cette petite histoire façon conte de fée, aux frontières de rêve et du fantasme, est jouée par Sonia Bhé, Virginie Georges et Victoria Grosbois, avec ardeur et justesse, avec malice et charme. (Comment ? Qui a parlé d’Anémone et Simone ? non mais je rêve !)

Un divertissement drôle et intelligent pour un moment-plaisir.