Critiques pour l'événement Marie Antoinette, la dernière heure
24 août 2015
9/10
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Dans une robe claire avec de longs cheveux blonds qui encadrent son visage, Bunny Godillot est seule en scène pour un récit teinté de solitude et de nostalgie. Elle se montre extrêmement touchante et émouvante lorsqu’elle évoque les douleurs de l’enfantement et l’évolution de son existence : elle passe d’une future reine joyeuse, pleine de vie, à une femme blessée et incomprise. Il faut l’entendre raconter son emploi du temps quotidien avec un débit rapide empreint de lassitude et captiver ses auditeurs quand elle mime le moment où, interdite de monter à cheval, elle lance la mode des promenades à dos d’âne.

C’est dans un décor sommaire sur le minuscule plateau qui se confond avec la salle que nous prenons place, de façon aussi inconfortable que Marie-Antoinette, pour l’accompagner dans sa dernière heure au fond de son cachot de la Conciergerie. Il existe une réelle promiscuité avec le public qu’elle inclut comme lorsqu’elle distribue de petites brioches, évoquant ce qu’il aurait fallu faire pour nourrir le peuple, laissant les spectateurs perplexes et hésitants.
Les différentes teintes vocales utilisées selon l’importance et le ressenti face aux événements ou souvenirs évoqués de manière chronologique, font de la représentation un moment d’empathie, brossant le portrait d’une femme, d’une mère, d’une épouse et d’une reine triste dans une solitude poignante.

Son récit, ponctué de la musique de Dominique Probst utilisée à bon escient qui aiguise l’imaginaire du spectateur, transporté dans les derniers moments d’une femme méconnue au destin imposé, se termine par la dernière lettre qu’elle adresse à Madame Elisabeth, la sœur du Roi, dans laquelle elle fait ses adieux bouleversants.

La mise en scène de Catherine Chevallier est convaincante, travaillée et efficace malgré un espace exigu. Bunny Godillot incarne parfaitement Marie-Antoinette qui occupe depuis dix ans une grande place dans sa vie. Ayant eu accès à la correspondance de la Reine, elle a pu monter avec brio ce spectacle d’une douceur et d’une sensibilité notables avant de trouver le lieu idéal de la représentation. Et c’est dans la toute petite salle du Théâtre des Déchargeurs, une cave voûtée, qu’elle invite une vingtaine de spectateurs à s’enfermer avec elle pendant une heure et quart dans sa prison, dernière demeure avant le repos éternel, pour découvrir l’intimité d’une reine tourmentée avec une approche bien différente de celle de notre scolarité. Pari gagné : justice est faite pour réhabiliter Marie-Antoinette dans le cœur du public, le temps d’une représentation envoûtante qui a fait carton plein tout l’été chaque mercredi et vendredi soir. A découvrir jusqu’au 4 septembre 2015.