Critiques pour l'événement Maladie de la jeunesse
20 févr. 2016
6,5/10
66
Philippe Baronnet monte la première pièce de Ferdinand Bruckner, Maladie de la jeunesse, au Théâtre de la Tempête.
Les spectateurs en sont pas encore tous entrés que les comédiens, déjà sur scène, commencent à se disputer dans un chahut très représentatif de ce que peuvent faire quatre jeunes femmes et trois hommes un peu excités, la plupart étudiants en médecine.

Nous sommes dans une chambre dont le lit fait office de coulisses. Certains s'amusent. D'autres sont assez violemment chahutés, les rôles pouvant d'ailleurs s'inverser car tous ces jeunes gens testent leurs limites comme celles des autres. Ils devraient se réjouir d'avoir terminé leurs études mais ils sont déjà désabusés, aigris.
La salle s'assombrit. Marie s’apprête malgré tout à fêter son doctorat. Et puis elle aime Petrell, qui aime Irène… Désirée a quitté Freder qui manipule Lucie en attendant que Marie lui cède… Ce chassé-croisé des désirs, pour superficiel qu’il paraisse, n’en traduit pas moins une désorientation profonde.

Nous sommes en Autriche, vers 1923, peu après la Première Guerre mondiale, un peu avant l’avènement d’Hitler (mais cela ne se sait pas encore). Les personnages se lancent d’étranges défis et se livrent à une vertigineuse joute d’esprit. Compromission, embourgeoisement, abandon des idéaux, tentation du néant : la jeunesse chez Bruckner se débat dans un monde en ruines.

Car comme on l'entend dans la pièce : il ne suffit pas de survivre aux épreuves initiales de la jeunesse (celle-ci) devient une maladie.
Les rapports de forces sont constants et la question qui sous-tend la pièce est celle du sens que l'on désire donner à sa vie. L'usage de costumes qui ne sont pas datés rend les dialogues encore plus incisifs et l'envie est forte de les confronter à ce que peut ressentir la jeunesse contemporaine.
Damia chante avec son timbre si particulier : j'ai perdu ma jeunesse en perdant ton amour / pour chasser ma détresse il faudrait ton retour. Cette chanson créée en 1935 est la seule indication permettant de repérer la période si on ne connait pas l'oeuvre de Bruckner.

A la fin, et malgré le drame qui vient de se dérouler, ils dînent joyeusement sur la scène après avoir repris leur jeu de devinette du début. La parenthèse se referme. Comme si après l'orage la vie reprenait son cours.

Les étudiants sont devenus de jeunes adultes. Ils mettent le couvert, puis s'attablent sans plus se préoccuper des spectateurs, parlant entre eux à voix basse, nous plaçant presque en position de voyeurs. Est-ce leur réponse à la question de l'auteur : s’embourgeoiser ou se tuer ?