Critiques pour l'événement Madame
6 déc. 2015
10/10
122
"Madame"... ou le monologue engagé d'une femme qui n'a pas froid aux yeux ;
"Madame" nous fait vivre l'envers du décor d'une certaine France, à une certaine époque.

Si Catherine Jacob est la Femme idéale pour ce récital tout en argot emballé, l'auteur est à féliciter pour sa gouaille, mais aussi pour sa juste transcription d'une certaine réalité historique souvent maquillée.
Un véritable voyage dans le temps aux vapeurs douces et amères, au secret parfum à peine déguisé des maisons closes d'antan, qui, quoi qu'on en dise, font intégralement partie de notre patrimoine, voire de notre histoire.

Décor minimaliste ; une chaise... pour l'admirable Catherine Jacob qui suffit à remplir la scène par sa diction si particulière et son costume si évocateur. Nous sommes transportés, pour notre plus grand plaisir.

A voir absolument.
5 déc. 2015
9/10
122
Assise, de dos, Madame n’y va pas par quatre chemins : elle aime le sexe et ne s’en cache pas.

Une mère maquerelle délurée et gourmande, aux appétits insatiables. Il n’y avait que Catherine Jacob pour pouvoir oser incarner ce personnage cash et libéré, narquois et entier. Plutôt habitué à l’écriture, Rémi De Vos franchit le pas de la mise en scène avec brio au Théâtre de l’Œuvre. Gouailleuse et pleine de verve, Madame émoustille tout en signant un portrait de femme forte embarquée malgré elle dans les épouvantes du vingtième siècle.

Indéniablement, Rémi de Vos a dû prendre beaucoup de plaisir à écrire sa pièce. Le travail argotique très années cinquante sur la langue explose comme un feu d’artifice aux oreilles. On découvre sans cesse de nouvelles expressions, le parler est très fluide et ce phrasé titi se déguste comme des berlingots.

Dans un écrin rouge grenat sobre et élégant signé Othello Vilgard, Catherine Jacob évolue dans un décor d’alcôve minimaliste et trône comme la reine des tapineuses avec un bagout de diva. Choucroutée dans sa perruque gris argentée, moulée dans une robe à strass noire, elle se lance dans une introspection sans fard avec la truculence décomplexée qu’on lui connaît. Le rôle semble être taillé sur mesure pour cette Castafiore péripathéticienne attachante. Brillante idée, écrasante d’évidence, de lui avoir confié cette partition en or.

Si Madame débute par les ardeurs permanentes de Landru, le spectacle se conclut sur le docteur Petiot, un psychopathe adepte du scalpel et sur les balbutiements de la guerre d’Algérie. Une façon d’ériger Madame comme une allégorie du vingtième siècle, avec ses plaisirs et ses déroutes, sa luxure et ses catastrophes.
Coup de cœur.
18 nov. 2015
8,5/10
97
« Madame » ? C’est l’histoire d’une femme… une prostituée devenue maquerelle, amoureuse de Landru puis d’autres, une mère oubliant ses enfants sans les perdre de vue puis une mère à nouveau, pour de vrai.

C’est même une belle histoire inventée par Rémi De Vos, placée dans le contexte de la guerre de 14/18, de 39/45 puis celle d’Algérie.

Nous sommes happés dès le début car le texte est fort, le langage est beau et le personnage haut en couleurs et en sentiments. Il n’est pas possible de ne pas se laisser prendre par le caustique de l’argot façon Albert Simonin et le tour des phrases façon Michel Audiart, qui emballent le texte comme un cadeau.

Après le travail de Catherine Hiegel en 2011 qui avait permis de faire découvrir ce texte dans une lecture publique mémorable et succulente à la BNF, Rémi De Vos met en scène « Madame » au théâtre de l’Œuvre avec Catherine Jacob aujourd’hui dans le rôle. Nous sommes dans la dimension spectaculaire du texte, de la lecture au monologue. Le costume tout en noirs, un rien coquin. La perruque que même on se demande comment on peut faire ça. Une chaise. Des rideaux en décors. Le dénuement du plateau renforce l’efficacité du texte. Il est au centre du spectacle plus que jamais.

Avec Catherine Jacob, le texte prend toute sa flamboyance, son élégance, sa malice et sa gouaille. La comédienne, un poil crispée ce soir-là, nous embobine, nous berce, nous émeut et nous fait rire. Le temps passe et nous sommes déjà arrivés.

C’est un spectacle très agréable grâce au texte puissant. Avec un petit peu plus de décontraction, ce serait un spectacle merveilleux.