Critiques pour l'événement L'extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt
12 déc. 2024
9,5/10
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La pièce commence à peine qu’Estelle Meyer, interprète de Sarah Bernhardt, nous enchante de sa noble voix, envoûtante.
Point de représentations ringardisés, de déclamations nasillardes, ou de textes d’un autre temps.
Ici, Géraldine Martineau nous plonge dans ce qu’était la vie de jeune fille, de femme, de mère et d’artiste de cette première star mondiale. La biographie est malicieusement amenée. Les points historiques, tous aussi originaux et farfelus, sont indispensables à la compréhension du phénomène Sarah Bernhardt. Les créations musicales sont croustillantes, les costumes majestueux. Une merveilleuse échappée dans la vie de cette comédienne un brin original.

La Troupe porte brillamment l'hommage. Quelle délicieuse interprétation transgénérationnelle que celle de Sylvain Dieuaide qui parfait Maurice, fils unique de Sarah Bernhardt. Et Priscilla Bescond, interprète talentueuse, qui se glisse tantôt dans la peau de la jeune sœur, tantôt dans la peau de Marie, meilleure amie de la jeune Sarah.
Ce second rôle est sans aucun doute crucial dans le destin de cette femme actrice en avance sur son temps.
29 août 2024
9/10
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Mata Hari, Gaby Deslys, Gisèle Halimi, Simone Veil… Les vies de femmes qui ont marqués le 19ème et le 20ème siècle dans tous les domaines n’en finissent pas d’inspirer le théâtre et ce n’était que justice de rendre à Sarah Bernhardt ce qu’elle a apporté au théâtre et à la France. C’est chose faite avec ce magnifique spectacle écrit et mis en scène par Géraldine Martineau au théâtre du Palais-Royal. S’il débute un peu lentement, on est happé sans vraiment s’en rendre compte par huit comédiens et deux musiciens qui nous entraînent dans le tourbillon de la vie de cette femme libre, première star française outre-atlantique.

Mal aimée par sa mère (et pourtant très attachée à sa famille), rebelle, refusant de se soumettre aux comportements libidineux des messieurs fréquentant le salon maternel mais aussi de se marier, il ne reste qu’une option pour la jeune Sarah : « Il faut la mettre au Conservatoire ! » D’autant que Sarah possède une voix unique. Estelle Meyer est Sarah et on apprécie d’autant mieux sa voix qu’elle interprète plusieurs chansons. À la fois puissante et fragile, révoltée et ironique, aimante et autoritaire, soutenue par une distribution brillante, elle porte haut la liberté, l’insubordination et la fantaisie de son personnage, son féminisme avant la lettre. Et sa force de vie, car outre les deuils elle doit affronter l’éducation en solo de son fils, l’échec de son mariage (magnifiquement célébré à la clarinette klezmer), et l’antisémitisme. C’est dire si la pièce brasse des sujets d’actualité, sans s’appesantir.

La mise en scène, par l’utilisation des accessoires, la direction d’acteurs, les changements à vue, matérialise les ellipses temporelles, montrent ce qui en théorie ne peut être montré. Une célébration du théâtre tout autant que du « monstre sacré ». Géraldine Martineau prouve qu’au théâtre tout est possible (même transformer Victor Hugo en acteur…). Le théâtre est plus vrai et plus grand que la vie.

Nathalie Trégouët