Critiques pour l'événement Les hérétiques
7/10
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Alors ? Une femme désoeuvrée (Stéphanie Schwartzbrod), qui ne croit plus à l’éclairage public, erre dans le public à mesure que la pénombre arrive.

Elle se retrouve dans la fumée, où des voix peu rassurantes l’accueillent. Ce sont des sorcières, des imprévisibles terrifiantes. Elles répondent au nombre de trois et elles occupent une sorte de salle de classe carbonisée, le sol jonché de terre volcanique noire craquelée. L’instruction publique n’est pas à ses heures de gloire. Les discours religieux et laïcards s’opposent farouchement, les derniers reprochant à la religion de toujours empêcher quelqu’un de faire quelque chose.

Chaque camp fait du prosélytisme. Chacun prêche pour sa paroisse. Il y a « deux France ». Les sorcières avertissent l’épeurée du sort que les religions ont pu réserver aux femmes. « Ne me prenez pas pour une idiote, vous me parlez de choses qui n’existent plus » leur tient tête la femme d’une blondeur tranchante. Elle est le personnage le plus intéressant de la pièce, récupérant l’idée d’hérésie pour faire le choix de prendre son propre chemin et de continuer de cultiver son doute. Les trois mégères, corsetées dans leur tenue de sport, sont viriles malgré leurs poitrines et tétons apparents. A titre personnel, j’ai été agacée par le jeu d’une des sorcières (Christine Guénon), faisant toujours les mêmes gestes, lents puis nerveux, à mesure que sa voix subissait de grandes variations au détriment des fins de phrases, inaudibles. Le jeu d’une sorcière repentie (Lymia Vitte), bien plus posé mais pas moins malicieux, est plus intéressant à observer. Le cadre du parvis Saint-Jean, à Dijon, est absolument idéal : la mise en scène de François Rancillac semble avoir été conçue sur place, alors qu’il s’agit d’une création du théâtre de l’Aquarium à Paris.

Ce pamphlet laïcard proféré dans une enceinte religieuse ne manque pas de saveur. Néanmoins, on peut regretter l’éternelle caricature de la police cagoulée, très facile, et le débat sur le burkini qu’on espérait définitivement enterré ou traité avec plus de légèreté. La lourdeur est à déplorer aussi dans le discours très appuyé anti-récit national « ta petite France, ta petite crèche, tes petits santons, tes petits (…) » pour glisser vers les « petites croisades » et tout ce que l’on ressert inlassablement sur les plateaux TV d’un niveau intellectuel douteux. Peut-être était-ce le but ? Rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est le ressassement.

Les sorcières semblent être à côté de la plaque à ce moment-là et il est difficile d’adhérer à leur discours. Elles sont détestables dans leurs propos et leurs actes. Pour l’auteure, Mariette Navarro, qui s’était fixée notamment comme consigne « d’éviter la bipolarité du débat médiatique », on repassera.