Critiques pour l'événement Lear, Aribert Reimann
8 juin 2016
8,5/10
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Un spectacle ultra contemporain, un opéra créé en 1978, et une mise en scène de Calixto Bieito.

Débarrassé de toute référence visuelle historique, dans un décor symbolique (une haute palissade se disloquant lentement pour finir par s'effondrer tout à fait), le propos de ce Lear se concentre sur la vieillesse et sa déchéance : perte de pouvoir sur son entourage, perte de contrôle sur son corps, perte de la raison. Pour compléter la tragédie, le vieux Lear finit par perdre ses enfants, et de là l'ensemble de son royaume qu'il a passé toute sa vie à construire. Il ne lui reste plus qu'à sombrer dans la folie, assis au bord de la scène, dans son caleçon souillé.

La musique, très dissonante, souvent violente, accompagne admirablement ce drame. Je ne connaissais pas du tout cet opéra il y a quelques mois, j'en avais écouté un enregistrement pour essayer d'y trouver quelques repères. J'ai été étonné de l'ampleur que prend la musique de Reimann en live. La section des percussions est tellement large qu'elle débordait sur les quatre loges du premier balcon, ce qui leur donnait une présence inédite.

La réussite de cette représentation repose surtout sur l'interprétation magistrale, extrême de Lear par le baryton Bo Skovhus. Il n'est pas fréquent de voir un chanteur d'opéra aussi impliqué dans l'aspect théâtral de son rôle. Skovhus domine largement la distribution, qui reste plus classique. Mention spéciale au contre-ténor Andrew Watts dans le rôle du terrorisé Edgar.

Peu de moments de répit dans cette œuvre, ce qui a découragé quelques spectateurs à l'entracte. Pour ma part j'ai été captivé par ce récit terrible, j'en suis sorti lessivé, et profondément marqué par certaines scènes (la tempête, la fuite de Gloucester aveuglé, et la dernière scène, bien sûr).