Critiques pour l'événement Le Visiteur, Eric-Emmanuel Schmitt
Des étagères encombrées, des rideaux qui masquent plusieurs pans de mur, un bureau et une méridienne composent l’essentiel du décor 1930 aux tonalités bleu de Prusse imaginé par Camille Duchemin et que nous découvrons en nous installant.
On entend des bruits de bottes et des cris de fureur qui se superposent à des violons. L'action se passe à Vienne en 1938 alors que les nazis ont envahi l'Autriche. Anna (Freud, Katia Ganthy) s’est écroulée sur le canapé. Son père (Sam Karmann), l’illustre psychanalyste, est vieux et déjà très malade. La mort est proche, symbolisée par une cabeza mexicaine discrètement placée sur une étagère, mais il reste optimiste. Anna voudrait qu’il signe la demande pour quitter l’Autriche et être ailleurs en sécurité. Mais Freud tergiverse, se sentant coupable d’abandonner à Vienne les juifs qui n’ont pas les moyens de fuir. Il est encore dans le déni : il n’y a pas de nazis viennois.
Pourtant celui qui vient le menacer (Maxime de Toledo) n’est pas complaisant et il y a de quoi s’inquiéter même si Anna lui tient tête. Elle sera emmenée pour être interrogée par la Gestapo et risque de payer son audace très cher. Elle laisse son père à sa solitude inquiète pendant laquelle, est-ce la réalité ou une hallucination … il va recevoir une étrange visite.
Les dialogues font habilement référence à l’essentiel de la pensée freudienne à propos des rêves dont nous n’avons souvent aucun souvenir, par suite du verrouillage opéré par notre propre censure, du recours à l’hypnose pour accéder à l’inconscient de l’analysé, et d’épisodes de l’enfance du savant.
Ce visiteur (Franck Desmedt) apparait en frac, dandy léger, cynique. Il est entré par effraction par la fenêtre et tient un discours incroyable. Qui est-il ? Un fou ? Un magicien ? Un rêve de Freud ? Une projection de son inconscient ?
Eric Emanuel Schmitt a écrit une pièce avec l’art qu’on lui connaît en interrogeant l’histoire sous l’angle religieux. Il va plus loin que raconter un épisode, au demeurant fantasmé puisque la rencontre entre Freud et son visiteur ne peut être qu’imaginaire. Elle lui permet d'interroger la religion, et la croyance en dieu, en faisant se rencontrer et dialoguer Dieu et Freud alors qu'aucun des deux ne croit en l'autre. La joute verbale est savoureuse : Ne serait-il pas ridicule de vouloir soigner un homme quand le monde devient fou ? raille l’un tandis que l’autre réplique : J’accuserais dieu de fausses promesses s’il était en face de moi. (…)
L’auteur explore des questions de morale, comme la puissance de l’argent, et sa fonction libératrice, et surtout celle de la prise de décision, allant jusqu’à égratigner la mémoire du peuple juif en laissant dire au SS : ce qui me dégoûte chez vous les juifs, c’est que vous ne résistez même pas.
Par deux fois la feuille que Freud met du temps à signer s’envole et lui échappe. C’est beau et magique. La mise en scène est de Johanna Boyé, qui présentait aussi pendant le festival d’Avignon Les filles aux mains jaunes et Je ne cours pas je vole.
On entend des bruits de bottes et des cris de fureur qui se superposent à des violons. L'action se passe à Vienne en 1938 alors que les nazis ont envahi l'Autriche. Anna (Freud, Katia Ganthy) s’est écroulée sur le canapé. Son père (Sam Karmann), l’illustre psychanalyste, est vieux et déjà très malade. La mort est proche, symbolisée par une cabeza mexicaine discrètement placée sur une étagère, mais il reste optimiste. Anna voudrait qu’il signe la demande pour quitter l’Autriche et être ailleurs en sécurité. Mais Freud tergiverse, se sentant coupable d’abandonner à Vienne les juifs qui n’ont pas les moyens de fuir. Il est encore dans le déni : il n’y a pas de nazis viennois.
Pourtant celui qui vient le menacer (Maxime de Toledo) n’est pas complaisant et il y a de quoi s’inquiéter même si Anna lui tient tête. Elle sera emmenée pour être interrogée par la Gestapo et risque de payer son audace très cher. Elle laisse son père à sa solitude inquiète pendant laquelle, est-ce la réalité ou une hallucination … il va recevoir une étrange visite.
Les dialogues font habilement référence à l’essentiel de la pensée freudienne à propos des rêves dont nous n’avons souvent aucun souvenir, par suite du verrouillage opéré par notre propre censure, du recours à l’hypnose pour accéder à l’inconscient de l’analysé, et d’épisodes de l’enfance du savant.
Ce visiteur (Franck Desmedt) apparait en frac, dandy léger, cynique. Il est entré par effraction par la fenêtre et tient un discours incroyable. Qui est-il ? Un fou ? Un magicien ? Un rêve de Freud ? Une projection de son inconscient ?
Eric Emanuel Schmitt a écrit une pièce avec l’art qu’on lui connaît en interrogeant l’histoire sous l’angle religieux. Il va plus loin que raconter un épisode, au demeurant fantasmé puisque la rencontre entre Freud et son visiteur ne peut être qu’imaginaire. Elle lui permet d'interroger la religion, et la croyance en dieu, en faisant se rencontrer et dialoguer Dieu et Freud alors qu'aucun des deux ne croit en l'autre. La joute verbale est savoureuse : Ne serait-il pas ridicule de vouloir soigner un homme quand le monde devient fou ? raille l’un tandis que l’autre réplique : J’accuserais dieu de fausses promesses s’il était en face de moi. (…)
L’auteur explore des questions de morale, comme la puissance de l’argent, et sa fonction libératrice, et surtout celle de la prise de décision, allant jusqu’à égratigner la mémoire du peuple juif en laissant dire au SS : ce qui me dégoûte chez vous les juifs, c’est que vous ne résistez même pas.
Par deux fois la feuille que Freud met du temps à signer s’envole et lui échappe. C’est beau et magique. La mise en scène est de Johanna Boyé, qui présentait aussi pendant le festival d’Avignon Les filles aux mains jaunes et Je ne cours pas je vole.
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