Critiques pour l'événement Die Zauberflöte, La Flûte Enchantée
Winter is coming.
A l'Opéra Bastille aussi !
L'hiver, les arbres recouverts de neige, alors que tout était vert au printemps...
La mort...
La course inexorable vers la mort, et l'acceptation de celle-ci, en toute sérénité.
C'est en effet le parti-pris dramaturgique qu'a tiré Robert Carsen du dernier opéra de Mozart. La création eut lieu en 2013 à Baden-Baden.
On a beaucoup écrit sur cette Flûte enchantée, on a proposé bien des analyses : conte de fées pour enfants, opéra maçonnique, œuvre féministe, pamphlet politique, émanation de la philosophie de l'Aufklärung (les Lumières allemandes)...
Le metteur en scène canadien, lui, a axé son travail sur l'obsession de la mort qui émaille l'œuvre.
Il en a dénombré pas moins de soixante occurrences tout au long du livret.
La mort naturelle, le suicide, le meurtre, même...
Pour autant, cette mort-là ne sera jamais morbide, jamais traumatisante, jamais dramatique.
Même dans le temple-crypte souterraine du deuxième acte, même avec une Papagena mariée-zombie au costume en lambeaux, même avec des cercueils abandonnés gisant sur la terre ocre, même avec des ossements jonchant le sol, ici c'est la féérie, c'est l'enchantement, c'est l'accomplissement de la destinée humaine, la puissance de l'Homme initié qui triompheront.
Carsen nous invite à nous abandonner dans des espaces étranges, notamment grâce à une remarquable scénographie basée sur une perspective forcée, nous faisant découvrir dans le premier acte trois parties, de la fosse d'orchestre au lointain, avec à cour trois trous que creusent d'étranges esclaves-fossoyeurs en salopette noire. (Je n'en dis pas plus quant à l'utilité de ces fosses rectangulaires...)
Les contrastes blanc/noir, haut/bas, voiles/têtes nues, vertical/horizontal, renforcent en permanence la dialectique « mozarto-shikanederienne ».
Des scènes impressionnantes, visuellement totalement maîtrisées, m'ont émerveillé. Je vous laisse découvrir.
D'innombrables moments de grâce émaillent la mise en scène, comme une partie juvénile de football, un délicat ballet avec... des pelles, l'entrée dans le Temple, une bien jolie famille d'oiseleurs...
Les subtiles projections vidéo de Martin Eindenberger sur des tulles plus ou moins translucides participent à la fantasmagorie générale.
Beaucoup d'arbres, une forêt propice à la magie, au surnaturel, avec la course des saisons, du printemps à l'hiver, et le renouveau du cycle immuable de la nature.
L'incontestable héros de la soirée est le baryton Florian Sempey.
Ou comment allier une technique vocale irréprochable, une musicalité, une sensibilité et une justesse de jeu phénoménale. Avec un formidable sens de l'humour et de la comédie.
Oui, son Papageno est un grand Papageno.
Il connaît bien le rôle, il débuta avec, à 21 ans, à l'Opéra de Bordeaux.
Il faut le voir arriver de la salle en espèce de campeur-montagnard, sac à dos, casquette improbable vissée sur la tête, une glacière bleue à la main. On devine bien l'état de ses oiseaux à l'intérieur...
Il est drôlissime, en couard généreux, en amoureux transi, en soiffard invétéré, en ineffable et hédoniste épicurien. On aimerait vraiment l'avoir pour pote !
Oui, c'est un formidable Papageno, qui galvanise le reste de la distribution !
Une autre qui va déclencher les bravi finaux, c'est Melle Vannina Santoni, qui nous offre une remarquable et enthousiasmante Pamina.
Sa voix à la fois claire et chaude, toute en nuances, (elle fut récemment une très grande Agnès, dans la Nonne sanglante, à l'Opéra-Comique), son sens du jeu, de la dramaturgie, elle aussi toujours très juste, en font une grande interprète mozartienne.
Mathias Vidal, en Monostatos, m'a également enthousiasmé.
Le ténor est impressionnant d'engagement, de force et de puissance dans son jeu.
La basse Nicolas Testé campe un très beau Sarastro, notamment dans sa toute première scène, au milieu de cette assemblée d'initiés. Il confère vraiment à l'ensemble une dimension quasi-mystique.
La soprano Jodie Devos se tire sans problème des pièges des airs de la Reine de la nuit. Ses vocalises déclenchent immédiatement un tonnerre d'applaudissements.
Pour ses débuts à l'Opéra national de Paris, Chloé Briot confère à son rôle de Papagena-mariée sanglante une espièglerie qui enchante la salle.
Le duo final avec Florian Sampey est très réussi. A une autre époque, il aurait été bissé !
Tamino est interprété par Julien Behr. Le couple masculin qu'il forme avec Florian Sempey fonctionne à la perfection.
Cerise sur le gâteau, le chef hongrois Henrik Nánási qui pourrait diriger cette œuvre les yeux fermés (il l'a déjà conduite à l'Opéra-Comique de Berlin, à Rome, au Liceu de Barcelone...), Henrik Nánási tire le meilleur de l'orchestre de la maison.
De sa lecture de la partition, il restitue une grande précision, un véritable dynamisme, une force incomparable ou une infinie délicatesse. Là encore, tous les contrastes exprimés contribuent à nous rappeler combien sublime, universelle est cette musique.
Coup de chapeau habituel à l'incontournable José-Luis Basso, le chef des chœurs. La cohérence et la pâte sonore obtenues forcent une nouvelle fois le respect !
On l'aura compris, tous les ingrédients sont réunis pour faire de l'ultime opéra de Mozart un très grand moment musical et dramaturgique.
La flûte est enchantée, la soirée est quant à elle enchanteresse !
A l'Opéra Bastille aussi !
L'hiver, les arbres recouverts de neige, alors que tout était vert au printemps...
La mort...
La course inexorable vers la mort, et l'acceptation de celle-ci, en toute sérénité.
C'est en effet le parti-pris dramaturgique qu'a tiré Robert Carsen du dernier opéra de Mozart. La création eut lieu en 2013 à Baden-Baden.
On a beaucoup écrit sur cette Flûte enchantée, on a proposé bien des analyses : conte de fées pour enfants, opéra maçonnique, œuvre féministe, pamphlet politique, émanation de la philosophie de l'Aufklärung (les Lumières allemandes)...
Le metteur en scène canadien, lui, a axé son travail sur l'obsession de la mort qui émaille l'œuvre.
Il en a dénombré pas moins de soixante occurrences tout au long du livret.
La mort naturelle, le suicide, le meurtre, même...
Pour autant, cette mort-là ne sera jamais morbide, jamais traumatisante, jamais dramatique.
Même dans le temple-crypte souterraine du deuxième acte, même avec une Papagena mariée-zombie au costume en lambeaux, même avec des cercueils abandonnés gisant sur la terre ocre, même avec des ossements jonchant le sol, ici c'est la féérie, c'est l'enchantement, c'est l'accomplissement de la destinée humaine, la puissance de l'Homme initié qui triompheront.
Carsen nous invite à nous abandonner dans des espaces étranges, notamment grâce à une remarquable scénographie basée sur une perspective forcée, nous faisant découvrir dans le premier acte trois parties, de la fosse d'orchestre au lointain, avec à cour trois trous que creusent d'étranges esclaves-fossoyeurs en salopette noire. (Je n'en dis pas plus quant à l'utilité de ces fosses rectangulaires...)
Les contrastes blanc/noir, haut/bas, voiles/têtes nues, vertical/horizontal, renforcent en permanence la dialectique « mozarto-shikanederienne ».
Des scènes impressionnantes, visuellement totalement maîtrisées, m'ont émerveillé. Je vous laisse découvrir.
D'innombrables moments de grâce émaillent la mise en scène, comme une partie juvénile de football, un délicat ballet avec... des pelles, l'entrée dans le Temple, une bien jolie famille d'oiseleurs...
Les subtiles projections vidéo de Martin Eindenberger sur des tulles plus ou moins translucides participent à la fantasmagorie générale.
Beaucoup d'arbres, une forêt propice à la magie, au surnaturel, avec la course des saisons, du printemps à l'hiver, et le renouveau du cycle immuable de la nature.
L'incontestable héros de la soirée est le baryton Florian Sempey.
Ou comment allier une technique vocale irréprochable, une musicalité, une sensibilité et une justesse de jeu phénoménale. Avec un formidable sens de l'humour et de la comédie.
Oui, son Papageno est un grand Papageno.
Il connaît bien le rôle, il débuta avec, à 21 ans, à l'Opéra de Bordeaux.
Il faut le voir arriver de la salle en espèce de campeur-montagnard, sac à dos, casquette improbable vissée sur la tête, une glacière bleue à la main. On devine bien l'état de ses oiseaux à l'intérieur...
Il est drôlissime, en couard généreux, en amoureux transi, en soiffard invétéré, en ineffable et hédoniste épicurien. On aimerait vraiment l'avoir pour pote !
Oui, c'est un formidable Papageno, qui galvanise le reste de la distribution !
Une autre qui va déclencher les bravi finaux, c'est Melle Vannina Santoni, qui nous offre une remarquable et enthousiasmante Pamina.
Sa voix à la fois claire et chaude, toute en nuances, (elle fut récemment une très grande Agnès, dans la Nonne sanglante, à l'Opéra-Comique), son sens du jeu, de la dramaturgie, elle aussi toujours très juste, en font une grande interprète mozartienne.
Mathias Vidal, en Monostatos, m'a également enthousiasmé.
Le ténor est impressionnant d'engagement, de force et de puissance dans son jeu.
La basse Nicolas Testé campe un très beau Sarastro, notamment dans sa toute première scène, au milieu de cette assemblée d'initiés. Il confère vraiment à l'ensemble une dimension quasi-mystique.
La soprano Jodie Devos se tire sans problème des pièges des airs de la Reine de la nuit. Ses vocalises déclenchent immédiatement un tonnerre d'applaudissements.
Pour ses débuts à l'Opéra national de Paris, Chloé Briot confère à son rôle de Papagena-mariée sanglante une espièglerie qui enchante la salle.
Le duo final avec Florian Sampey est très réussi. A une autre époque, il aurait été bissé !
Tamino est interprété par Julien Behr. Le couple masculin qu'il forme avec Florian Sempey fonctionne à la perfection.
Cerise sur le gâteau, le chef hongrois Henrik Nánási qui pourrait diriger cette œuvre les yeux fermés (il l'a déjà conduite à l'Opéra-Comique de Berlin, à Rome, au Liceu de Barcelone...), Henrik Nánási tire le meilleur de l'orchestre de la maison.
De sa lecture de la partition, il restitue une grande précision, un véritable dynamisme, une force incomparable ou une infinie délicatesse. Là encore, tous les contrastes exprimés contribuent à nous rappeler combien sublime, universelle est cette musique.
Coup de chapeau habituel à l'incontournable José-Luis Basso, le chef des chœurs. La cohérence et la pâte sonore obtenues forcent une nouvelle fois le respect !
On l'aura compris, tous les ingrédients sont réunis pour faire de l'ultime opéra de Mozart un très grand moment musical et dramaturgique.
La flûte est enchantée, la soirée est quant à elle enchanteresse !
La flûte enchantée est certainement l'opéra le plus facile d'accès (en première "lecture") auquel il m'a été donné d'assister.
Mozart au sommet de son art et malheureusement au crépuscule de sa vie a composé une musique féerique, vivante et légère qui s'éloigne de la grandiloquence et de la lourdeur de certains opéras. La bonne humeur est également mise en valeur par une mise en scène très vivante et particulièrement agréable même si le décor est parfois un peu trop dépouillé à mon goût.
Comme souvent à l'opéra de Paris, il faut souligner la grande qualité des interprètes et celle de l'orchestre.
Michael Volle en papgeno est extraordinaire !
Mozart au sommet de son art et malheureusement au crépuscule de sa vie a composé une musique féerique, vivante et légère qui s'éloigne de la grandiloquence et de la lourdeur de certains opéras. La bonne humeur est également mise en valeur par une mise en scène très vivante et particulièrement agréable même si le décor est parfois un peu trop dépouillé à mon goût.
Comme souvent à l'opéra de Paris, il faut souligner la grande qualité des interprètes et celle de l'orchestre.
Michael Volle en papgeno est extraordinaire !
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